C’est dans les mois de décembre, janvier et février que le
gibier a le plus de difficultés à se nourrir et qu’il court les plus grands
risques quant à sa sécurité.
Il a en effet contre lui, à cette époque de l’année, deux
choses qui souvent causent sa perte. D’abord le froid et la neige, qui
l’empêchent de trouver sa nourriture ; puis l’activité plus grande des
animaux nuisibles, qui, ayant aussi plus de peine à s’alimenter, parcourent les
champs en tous sens afin de trouver ce qui leur est nécessaire.
La neige, qui demeure parfois au sol pendant plusieurs
semaines, empêche le gibier de trouver son alimentation. À ce moment, les
perdrix, qui circulent davantage à la recherche de leur nourriture, amassent
assez souvent sous leur queue une certaine quantité de neige qui s’agglomère en
une boule et les empêche de voler. Dans cette situation, elles sont une proie
facile pour les animaux nuisibles.
En outre, si le froid est assez vif, le gibier arrache
difficilement sa nourriture gelée au sol. Comme le gibier à plume a besoin pour
digérer de gravillon, ou tout au moins de sable, s’il ne peut les arracher de
terre, il meurt, faute de pouvoir triturer la nourriture qu’il a absorbée.
Il faut donc lui en donner, mais tous les graviers ne sont
pas bons et n’ont pas la même valeur.
Quel est exactement le rôle du gravier dans le gésier de
l’oiseau ? On a longtemps pensé qu’il servait uniquement à triturer les
aliments, mais des remarques plus récentes semblent démontrer que les graviers,
en frottant les uns contre les autres, s’usent et produisent une sorte de suc
qui se répand dans l’organisme, où il joue un rôle utile à la bonne santé de
l’oiseau.
Cependant, il n’est pas indifférent de donner un gravier
quelconque ; le meilleur est celui qui provient des carrières de grès dur.
La grosseur des morceaux varie d’une tête d’épingle à un petit noyau de cerise.
On donne aux oiseaux les morceaux tels qu’on les obtient, en les cassant,
c’est-à-dire présentant des arêtes très vives, ce qui est bien préférable à du
gravier arrondi, tel que celui qui proviendrait des bords de la mer.
En effet, les parties anguleuses du grès triturent plus
facilement les aliments que lorsque les morceaux sont arrondis par l’usure. Il
est également certain que le grès est attaqué par le suc gastrique, ce qui
détermine plus rapidement la désagrégation de la pierre. Aussi les oiseaux
renouvellent-ils constamment leur provision de gravier, qui est indispensable
au bon état de leur santé.
À défaut de grès, on pourra donner des écailles d’huîtres
broyées ou même du sable.
Les observations faites à l’étranger concordent avec ce que
nous savons de la nécessité, pour l’oiseau, d’avoir à sa disposition du
gravier.
En Angleterre, certains gros élevages de faisans distribuent
tous les jours de la pierre dure broyée en petites particules, ce qu’on estime
indispensable pour maintenir les oiseaux en bonne santé. En Tchécoslovaquie, où
un hiver avait été très rigoureux, on a trouvé des perdrix mortes avec le jabot
plein de grain : par contre, le gésier ne contenait plus de gravier. Des
propriétaires qui, pendant cette période sibérienne, faisaient agrainer les
perdrix, distribuèrent sur leur propriété de petits tas de sable, et là les
perdrix digérèrent facilement le grain.
Un Américain, professeur d’aviculture, a fait sur cette
question les déclarations suivantes : pour maintenir les poules en bonne
forme, elles ont besoin de chaux, qui aide à la ponte et les empêche de manger
leurs œufs.
Ayant donné à des poules du cailloutis ne contenant pas de
chaux, celles-ci mangèrent leurs œufs jusqu’au jour où l’on ajouta à leur
nourriture des coquilles d’huîtres broyées. Par ailleurs, il fut retrouvé dans
des fientes de poules lavées des restes de petites pierres, ce qui prouve que
le gravier traverse le tube digestif et est évacué quand, par suite de son
volume réduit, il n’a plus d’utilité. Une dernière expérience prouve que des
poules privées de gravier depuis de longs mois remangeaient celui de leurs
déjections, ce qui indique bien leur extrême besoin de ce produit.
Que l’on n’oublie pas, lorsque l’hiver est rigoureux, de
prendre certaines précautions, si l’on veut trouver au printemps autant de
gibier qu’on en a laissé à la fermeture.
On l’alimentera tout d’abord en mettant de la nourriture
dans des mangeoires disposées à cet effet sur la chasse.
Signalons que les mangeoires d’hiver doivent avoir un grand
toit débordant afin que la nourriture ne soit pas mouillée.
Si la chasse est vive en lièvres, on garnira les mangeoires
avec de l’avoine ; mais, si l’on veut surtout alimenter les perdrix et les
faisans, c’est alors le blé qui convient le mieux.
Pour les chevreuils, on donne du foin placé dans une
mangeoire fermée dans le haut afin d’éviter le gaspillage. On dispose sous la
mangeoire sur un petit plat en bois, une pierre de sel qu’ils aiment à venir
lécher. Sous quelques abris faits de branchages, on mettra du grès cassé.
Enfin la répartition de ces abris d’alimentation sera faite
judicieusement. Il faut, pour cela, connaître les cantons que fréquente le
gibier.
Dans le dernier numéro du Chasseur Français, un
abonné faisait remarquer, à propos des sexes, que, sur leur chasse, dans le
nombre des perdrix abattues, 80 p. 100 étaient des mâles.
Et il ajoutait : « Des chasseurs d’autres régions
ont-ils fait cette remarque et à quoi l’attribuer ? C’est un fait dont
nous avons été les témoins sans pouvoir réaliser la raison de cette infériorité
numérique de femelles. »
Nous allons donner ici la principale raison de cet excédent
de mâles.
Lorsque le printemps est favorable à la reproduction,
c’est-à-dire quand il n’y a pas d’intempéries ni de pluies persistantes, la
ponte, l’incubation et l’éclosion se font normalement, et, dans ce cas, la
proportion des mâles est toujours supérieure à celle des femelles et atteint
facilement 75p. 100.
Mais, si, par suite de mauvais temps ou pour toute autre
raison, les nids ont été détruits, les perdrix font une deuxième couvée, dont
les œufs proviennent de ce que l’on appelle un recoquetage. La proportion des
sexes est alors à l’inverse des premières couvées, et l’on observe que 80
p. 100 environ des perdrix sont des femelles.
René DANNIN.
|