La culture physique est loin d’être entrée pleinement dans
nos mœurs. Ce n’est pas que l’on méconnaisse les bienfaits, ni même la
nécessité de l’exercice corporel : tout le monde tombe d’accord qu’il en
faut pour assurer la bonne croissance des enfants et jeunes gens, comme pour
maintenir la santé et la vigueur des adultes. Néanmoins, l’organisation d’une
bonne éducation physique, d’une éducation physique efficace, dans les écoles,
les collèges et dans tous les groupements d’adolescents, se heurte encore à toutes
sortes de difficultés d’ordre matériel, rationnel ou même sentimental ;
et, d’autre part, il n’est qu’une très faible minorité de nos adultes qui se
soumettent volontairement et régulièrement à des pratiques de culture physique.
Une des raisons de cet échec relatif d’une propagande
soutenue depuis plus d’un demi-siècle par d’ardents prosélytes, et que d’assez
importantes réalisations gouvernementales ont appuyée, me paraît être la
complexité des méthodes et procédés d’éducation physique que l’on préconise
confusément et que l’on s’efforce vainement de mettre d’accord.
Comme les bons effets de l’exercice sont multiples, portant
sur le développement et la structure du corps, sur le fonctionnement de tous
ses organes, sur la composition de son sang et de ses humeurs, sur l’équilibre
du système nerveux et même sur les qualités du caractère, on peut motiver telle
ou telle sorte de gymnastique, préconiser tel mouvement, recommander tel sport,
en se basant sur les résultats incontestablement heureux de chacun de ces
genres d’activité corporelle ; et, tandis que les doctrinaires défendent
farouchement leur système, les éclectiques pensent agir avec sagesse en
utilisant tour à tour ou simultanément chaque méthode, ce qui enlève à toutes
leur efficacité particulière.
Dans le vaste répertoire d’exercices ainsi constitué, il
faut choisir ce qui convient à chaque pratiquant, en s’efforçant de ne rien
négliger d’utile. On essaie donc un peu de tout ; et l’on n’obtient ainsi
que des résultats médiocres, qui ne sont nullement en rapport avec le temps
passé ni avec la peine qu’on se donne. Finalement, rebuté par une culture
physique si complexe, si accaparante, on s’y dérobe.
Le problème de l’éducation physique s’éclaircit si l’on base
sa pratique non pas sur toutes les répercussions de l’exercice sur le corps et
l’esprit, mais sur les résultats directs et immédiats qu’en obtiennent les
organes du mouvement, les muscles. C’est toujours à eux qu’on recourt quand on
fait de l’exercice, et il s’agit toujours et tout d’abord d’améliorer leur
activité, de les développer, de les tonifier ; secondairement à ce but
initial, les autres : belle structure du corps, vigueur et santé, seront
obtenus comme des conséquences forcées. Donc il suffit d’imposer à tous ses muscles
un travail régulier, de les mettre tous, fréquemment, en exercice, pour que le
but fondamental de toute culture physique soit atteint.
Les différences d’âge, de sexe, de force, n’ont pas à
compliquer ni à diversifier la méthode ; il faut seulement que les
mouvements qu’elle comporte soient facilement réglables en durée et en énergie.
Hommes, femmes, enfants, faibles et forts, possèdent bras, jambes, poitrine,
ventre, articulations de même structure ; toutes ces régions semblables
ont besoin d’exercices semblables dans leur forme, mais variables dans leur
intensité.
On peut donc établir une série de mouvements simples, analytiques,
faisant intervenir successivement l’activité des principales régions
corporelles, bras, épaules, thorax, ventre, reins, etc., de façon qu’après
l’exécution de la série tous les muscles auront travaillé, toutes les
articulations auront joué, tout le corps aura pris la ration d’exercice qui est
nécessaire à son entretien en vigueur et santé.
J’ai donné le nom de gymnastique fondamentale à la
série d’exercices unifiés que j’ai composée suivant ces principes, entendant
par là que cette gymnastique constitue l’exercice indispensable, qu’elle suffit
amplement à quiconque ne veut ou ne peut consacrer qu’un minimum de temps à sa
culture physique, mais qu’aussi elle peut être complétée et agrémentée, suivant
les goûts et les possibilités de chacun, par tous les jeux et sports qu’on
voudra.
Je décrirai donc les mouvements de cette gymnastique
fondamentale en donnant tous les conseils nécessaires à sa bonne exécution.
Dr RUFFIER.
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