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Bois de rapport

Les peupliers

Nous avons déjà parlé de ces « feuillus » à croissance rapide dans notre causerie de juin dernier, mais ils ont une telle importance économique et un intérêt si considérable pour tous les propriétaires que nous croyons utile de traiter cette question plus complètement.

Les peupliers appartiennent à la famille des Salicacées. Le genre Populus est divisé en plusieurs sections ; l’une comprend, en France, le tremble (jamais cultivé, mais fréquent dans nos forêts) et le peuplier blanc, bel arbre d’ornement dont le bois est estimé. Une autre ne comprend chez nous que le peuplier noir, fréquent dans les Alpes et dans les délaissés de fleuves et rivières. Il n’a qu’un intérêt économique infime. C’est cependant cette section qui donne tous les peupliers cultivés, à de rares exceptions près. Dans la suite de notre texte, nous laisserons de côté les autres sections.

En Asie, en Amérique du Nord, existent de nombreuses espèces de peupliers. Quelle que soit leur origine, tous sont dioïques, c’est-à-dire que fleurs mâles et fleurs femelles apparaissent sur des arbres différents, ce qui facilite les hybridations entre espèces voisines.

D’autre part, les peupliers noirs se bouturent sans difficulté, ce qui permet de propager toute forme intéressante et, entre autres, les hybrides fortuits ou obtenus volontairement.

Grâce à ces deux particularités, qui distinguent les peupliers de tous les autres arbres forestiers, on cultive essentiellement des formes totalement artificielles (hybrides primaires ou secondaires). On cultive aussi quelques espèces américaines.

La facilité de multiplication procurée par le bouturage permet de propager les innombrables hybrides, la moindre variation apparues dans une culture ; il s’ensuit une grande confusion que la nomenclature commerciale ne fait qu’aggraver.

Peupliers régénérés, Suisse, Canada (aucun ne vient, même indirectement, de ces deux sympathiques pays !) robusta, etc., sont offerts par les catalogues aux acheteurs, qui ne savent comment faire leur choix.

Laissons aux spécialistes le soin de débrouiller cet écheveau et efforçons-nous seulement de donner quelques conseils pratiques aux futurs créateurs de peupleraies.

Parmi les espèces américaines, le Carolin, bien connu dans le Sud-Ouest, où ses branches rares, ses très grandes feuilles le distinguent aisément, exige un climat doux ; son bois est excellent. Dans la région parisienne, le peuplier de Virginie est encore fréquent ; il a l’inconvénient de n’être représenté que par des pieds femelles, qui, au printemps, donnent du « coton » (poils accompagnant les très petites graines), gênant pour le voisinage et surtout pour le bétail.

Parmi les hybrides d’espèces européennes et américaines, les plus connus sont les peupliers régénérés, à tronc quelque peu flexueux, mais qui atteignent de belles dimensions et ont un bois apprécié, et le peuplier robusta, dont la rectitude est parfaite, mais qui exige un sol riche et craint les vents violents ; son bois est encore mal connu (les plantations en âge d’être exploitées sont encore très rares).

À côté de ces quatre types couramment commercialisés, existent de très nombreuses autres formes méritantes, et nous conseillons au propriétaire de repérer dans son entourage, ou tout au moins dans des conditions comparables à celles ou il veut planter, des peupliers satisfaisants pour leur rapidité de croissance, leur forme et leur résistance aux maladies et aux agents météorologiques. Il prélèvera sur ces arbres des boutures et les multipliera.

La multiplication des peupliers.

— Nous avons vu, en effet, que ce n’est pas par graine mais par boutures que le peuplier est propagé. Dans ce but, on coupe pendant l’arrêt de la végétation de vigoureuses pousses de jeune bois, par exemple des rejets sur une souche ou sur une plaie d’élagage, et on les met en jauge dans le sable jusqu’au printemps. Les boutures ont 40 à 50 centimètres de longueur.

On prépare une petite pépinière en sol profond, riche et frais, et, au printemps, on les plante à 30 centimètres les unes des autres, sur des lignes distantes de 1 mètre, en laissant dépasser une certaine partie portant deux ou trois bourgeons ou « yeux ». En cas de sécheresse, on arrose. Très rapidement, les boutures développent racines et pousses feuillées.

Un recépage total au bout de la première année permet généralement d’obtenir à deux ans une seule pousse très vigoureuse, atteignant 1m,50 ou 2 mètres de hauteur. On la façonne en pinçant les branches latérales. La troisième année, la bouture est devenue un fort plant raciné de 3 mètres au moins de hauteur et de 10 à 18 centimètres de circonférence ; (C’est cette dernière dimension qui est indiquée couramment sur les catalogues.) Il est bon à mettre en place.

Création de la peupleraie.

— Contrairement à une croyance fort répandue, tout terrain humide n’est pas propre à recevoir ces arbres. En effet, si le peuplier accepte à peu près tous les sols, pourvu qu’ils soient profonds et suffisamment riches, il n’accepte pas la présence d’eau stagnante. Il est nécessaire qu’elle circule et apporte ainsi aux racines l’oxygène indispensable : un sol même constamment imbibé d’eau peut donc convenir si la pente ou le voisinage d’un canal quelconque assure un renouvellement suffisant,

Suivant la profondeur à laquelle se trouve le plan d’eau pendant la majeure partie de l’année (les crues exceptionnelles sont passagères et ont peu d’importance), on jugera de l’utilité d’un drainage par ouverture d’un fossé à ciel ouvert.

Les plants de trois ans, venus de la pépinière ou achetés dans le commerce, sont alors mis en place : on ouvre un potet peu profond, mais suffisamment large pour les racines, que l’on recouvre soigneusement. On supprime parfois les racines et on enfonce alors la partie inférieure de la tige dans le sol ameubli à la bêche ou préparé avec une barre à mines : cette méthode, qui permet d’utiliser la souche en pépinière pour la récolte d’autres boutures, ne peut être employée qu’en sol très humide permettant le développement rapide de nouvelles racines. Elle facilite transport et plantation. Les plants ainsi utilisés sont appelés « plançons ».

Dans tous les cas, on buttera soigneusement la base du plant sur 40 ou 50 centimètres de hauteur ; cette butte augmente les possibilités pour le peuplier de développer ses racines et lui permet de résister au vent ; il évite ainsi généralement le tuteurage.

On plantera les peupliers en bordure des chemins, des ruisseaux, canaux ou rivières, des prairies. On pourra également en faire une plantation complète, mais, dans tous les cas, les plants doivent être distants les uns des autres de 7 mètres environ. À cette condition seulement ils se développeront rapidement, et leur croissance restera soutenue jusqu’à l’époque de la réalisation. Le peuplier est, en effet, exigeant et il craint tout ombrage, même latéral.

Il est bon de faciliter le démarrage des peupliers par l’apport de quelques centaines de grammes d’engrais complet au pied du plant avant le buttage.

Lorsque les peupliers atteignent une dizaine de mètres de hauteur, on élague la moitié inférieure du tronc, puis les deux tiers ; cet élagage, répété pendant plusieurs années, permet d’obtenir une bille de pied nette de nœuds qui fait prime sur le marché du contre-plaqué.

Entre vingt-cinq et trente ans, les arbres cubent 2 à 3 mètres cubes et peuvent être exploités.

Les peupliers sont sujets aux attaques de nombreux insectes et à quelques maladies. Le choix de sujets sains, l’enrichissement du sol, la plantation à un espacement suffisant permettent généralement de limiter les dégâts.

Conclusion.

Les peupliers ne sont pas des arbres forestiers : ils ont leur place dans toute exploitation agricole, dans une propriété si petite soit-elle, comme arbres d’alignement agrémentant le paysage. Ils permettent d’utiliser des terrains mouilleux en les drainant. Dans tous les cas, ce sont de gros producteurs de bois dont la plantation est toujours rentable.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 398