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Élevage

La traite mécanique

La production du lait se heurte en France à un certain nombre de difficultés, parmi lesquelles le problème de la main-d’œuvre est un des plus malaisés à résoudre.

Dans les grandes exploitations, la traite est effectuée par des vachers de métier. Ces spécialistes deviennent de moins en moins commodes à recruter, malgré l’amélioration des conditions de travail et de salaire qu’ils ont obtenue. Leur départ pose pour le propriétaire d’une vacherie de telles difficultés que cette perspective l’incite souvent à se défaire de ses laitières.

Dans les petites et moyennes exploitations, la traite est généralement confiée à une femme (la fermière, sa fille ou une bonne) ; or les unes comme les autres ne montrent guère d’enthousiasme pour cette besogne, pénible et astreignante.

Pour ces différentes raisons, beaucoup d’exploitants de troupeaux laitiers envisagent la mécanisation de la traite comme une solution à leurs difficultés.

Quels sont donc les avantages et les inconvénients de ce système ? Notons tout d’abord que la machine à traire n’est pas d’invention récente. Il existe des installations très anciennes. On trait mécaniquement, à la vacherie de l’École nationale d’Agriculture de Grignon, depuis 1927.

Cependant ce système ne s’est guère répandu en France. Dans de nombreux cas, les éleveurs l’ont même abandonné, en lui adressant un certain nombre de critiques, dont beaucoup n’étaient pas justifiées. Par contre, depuis la dernière guerre, l’emploi de ces machines s’est fortement développé en Angleterre, sous l’empire des nécessités. C’est, en grande partie, grâce à cela, que ce pays a pu maintenir et augmenter sa production laitière.

Le ravitaillement en lait, d’importance vitale pour la nation, pose en France des problèmes analogues à ceux créés par la guerre en Angleterre.

On adresse à la traite mécanique un certain nombre de reproches que nous allons examiner.

Certains producteurs l’accusent d’être mal acceptée par les animaux. L’expérience prouve, au contraire, que, dans la très grande majorité des cas, les vaches ne font aucune difficulté pour se laisser placer les gobelets trayeurs, surtout si on commence dès le vêlage et non en cours de lactation.

Les machines à traire actuelles sont d’un maniement aisé. Qu’elles soient mues par l’électricité ou par un moteur à essence, la mise en marche est instantanée, et la surveillance pratiquement nulle. Les organes de l’appareil ont été considérablement simplifiés, et les opérations de montage et démontage demandent peu de temps.

La durée de la traite est d’environ quatre à cinq minutes. Un voyant permet de se rendre compte qu’il ne vient plus de lait. À partir de ce moment, il est inutile de laisser l’appareil en place plus longtemps. On accélère et améliore le rendement en massant le pis à la main pendant le fonctionnement de la machine.

Il est rare que celle-ci assure une traite complète. C’est là un des plus graves reproches, adressés à ce système. On doit terminer à la main. La quantité de lait non extraite mécaniquement varie avec les animaux ; elle est souvent de l’ordre de 100 à 200 grammes, mais monte, pour quelques vaches, à 400 et 500 grammes. Nous avons contrôlé une laitière qui, à son premier vêlage, retenait 4 et même 5 litres de lait.

Certains pensent que l’égouttage à la main n’est pas indispensable, car, la sécrétion étant continue, la mamelle ne reste jamais vide.

Les partisans de l’égouttage assurent que ce lait résiduel est propre à favoriser l’apparition de mammites et diminue la production lactée.

Dans de nombreuses exploitations anglaises et américaines, on a abandonné l’égouttage et on semble ne pas avoir constaté d’inconvénients. Cependant la prudence conseille de continuer cette pratique tant que des essais systématiques et bien contrôlés n’auront pas permis d’affirmer l’innocuité de cette suppression.

Une expérience, maintenant suffisamment longue, permet d’assurer que la traite mécanique, en elle-même, n’altère en rien la santé des laitières, même si elles y sont soumises pendant de nombreuses années.

Les machines à traire doivent subir un nettoyage minutieux. C’est évidemment une sujétion et une perte de temps non négligeable. On a simplifié beaucoup cette opération, et le démontage et le brossage de tous les organes ne sont plus indispensables après chaque utilisation. On se borne à effectuer un nettoyage complet deux fois par semaine en été, une fois par semaine en hiver. Les autres jours, après chaque traite, il suffit d’aspirer à travers la machine de l’eau chargée de différents produits.

Les constructeurs recommandent de conduire l’opération de la manière suivante :

    — aspirer la valeur d’un seau d’eau froide en plongeant les gobelets trayeurs dans le seau pendant que le moteur de la machine fonctionne ;
    — aspirer de l’eau à 70° contenant soit du carbonate de soude (cristaux des ménagères), soit un produit fourni par le constructeur ;
    — aspirer un seau d’eau chaude pour rincer ;
    — aspirer un seau d’eau contenant un demi-verre d’eau de Javel.

On fabrique maintenant des chariots portant une série de récipients dans lesquels on place les diverses solutions ; le travail de nettoyage est ainsi facilité.

Les progrès réalisés en matière de traite mécanique permettent aux éleveurs de trouver actuellement des appareils simples et adaptés à l’importance de leur vacherie.

L’économie de temps réalisée par ce système n’est guère élevée lorsqu’il s’agit de petites étables, et les complications qu’il entraîne rebutent beaucoup de producteurs. Cependant le problème se pose sous un double aspect, selon que l’on cherche à alléger le travail du trayeur ou à réaliser une économie de temps et de main-d’œuvre. Chacun doit l’envisager en fonction des conditions multiples de son exploitation laitière.

R. LAURANS,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 400