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Les chemins de fer Africains

Afrique Occidentale Française

Il y a une soixantaine d’années, la construction des premières voies ferrées commença.

Au Sénégal, la Compagnie du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis fut fondée le 4 juin 1883, comme suite aux décisions du Parlement de réaliser le vieux projet de Faidherbe, en construisant un chemin de fer allant de l’océan Atlantique au Niger, puis de là à Alger.

Cette compagnie commença les travaux par les deux bouts. La voie métrique sur traverses métalliques fut choisie. Les difficultés furent grandes, tout était à créer, la main-d’œuvre locale inexistante. Il fallut faire appel à des terrassiers italiens, puis on put arriver à instruire des Noirs qui furent de magnifiques remueurs de terre, ayant « des jets de pelle de six mètres », selon l’exclamation d’un vieux conducteur vétéran des grands travaux tropicaux internationaux.

Un rail trop léger fut adopté. Par contre, les voitures à voyageurs furent les premières à présenter un aménagement convenant au climat.

Le gouvernement général de l’A. O. F. a racheté à l’amiable l’exploitation de cette ligne, les concessions accordées étant trop onéreuses pour les budgets locaux.

Une autre ligne, celle de Porto-Novo à Savé, fut, par la suite, concédée à la Compagnie française de chemins de fer du Dahomey. Elle fut rachetée en 1932 par le gouvernement général de l’A. O. F.

À l’époque où s’ouvraient les chantiers du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, l’autorité militaire commençait la construction de la ligne Kayes au Niger pour le ravitaillement et sous la protection des opérations annuelles appelées « colonnes du haut fleuve ». C’était le commencement de la conquête du Soudan français. L’insalubrité, les obstacles de tous genres entraînèrent des dépenses astronomiques pour le résultat obtenu et des pertes en vies humaines terriblement élevées. Une introduction de main-d’œuvre chinoise fut désastreuse. Le passage du Galougo décima les travailleurs. Le gouvernement métropolitain donna l’ordre d’arrêter les travaux. Une voie de un mètre était construite sur 18 kilomètres et du matériel entreposé à Kayes. Quelques années plus tard, on découvrait que l’artillerie de marine, utilisant les approvisionnements existants, avait poussé le chemin de fer jusqu’à Baloulabé, à 130 kilomètres de Kayes. Il y avait une voie de un mètre, puis de 60 centimètres et, au delà, un dernier petit tronçon en voie de 50. Pour construire le viaduc de Mahina, sur le Bafing, du matériel, du personnel et des fonds étaient nécessaires. Le Parlement saisi vota les crédits utiles ; la construction fut confiée à une mission détachée du 5e régiment du génie. Des officiers de valeur la dirigèrent. En 1893, le chef de bataillon Joffre dut quitter le chemin de fer pour aller soutenir, puis venger le colonel Bonnier, tué près de Goundam, après l’occupation de Tombouctou. En 1910, le commandant Digue, du 5e génie, amena la voie ferrée à son terminus de Koulikoro, sur le Niger.

Cette voie, construite dans des conditions si anormales, ne pouvait, sur la partie la plus ancienne, porter que des trains de cinquante tonnes. Une révision complète s’imposa. Elle fut complètement exécutée après l’achèvement du Thies-Kayes, construit de 1908 à 1923, pour relier la ligne de Dakar à Saint-Louis à celle de Kayes au Niger.

Entre temps, la ligne de Conakry au Niger, prolongée jusqu’à Kankan, fut entreprise et terminée en août 1914. Le capitaine Salesse, du 5e génie, la construisit de bout en bout, il la quitta comme colonel pour devenir gouverneur des colonies, ainsi que le commandant Digue. La construction fut exécutée partie à l’entreprise pour les lots réputés faciles, le reste en régie, en utilisant un cadre provenant des travaux publics locaux ou du 5e régiment du génie.

Le chemin de fer de la Côte-d’Ivoire partant de Grand-Bassam traverse la grande forêt, en sort à Bouaké, qu’il atteignit en 1914. Il arrive à Bobo-Dioulasso et est en construction jusqu’à Ouagadougou. Il a été fait dans les mêmes conditions que le chemin de fer de la Guinée française.

La ligne du Dahomey, de Cotonou à Parakou, est étudiée jusqu’au Niger.

En 1939, le réseau ferré de l’A. O. F. est ainsi constitué.

Lignes à voie de un mètre :

Sénégal : de Dakar à Saint-Louis 263 kilomètres.
  de Louga à Linguère 129
  de Diourbel à Touba 45
  de Guinguinéo à Kaolack 21
Sénégal-Soudan : de Thies à Kayes, Bamako, Koulikoro 1.222
Guinée française-Soudan : de Conakry à Kankan 662
Côte-d’Ivoire : d’Abidjan à Bobo-Dioulasso 798
Dahomey : de Cotonou à Parakou 438
  de Porto-Novo à Pobé et Saketé 80
  de Porto-Novo à Cotonou Segboroué 62
    ————
3.720
 
kilomètres.

Lignes à voie de 60 centimètres :

Soudan : de Ségou au Bani 51 kilomètres.
  de San au Bani 12
Dahomey : d’Abomey à Bohicon, Zagnanado 50
  de Hévé à Athiémé, Segboroué 50
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176
 
kilomètres.

Le réseau ferré du Togo à voie de un mètre se compose de trois lignes partant de Lomé.

Togo : de Lomé à Palimé 119 kilomètres.
  de Lomé à Blitta (étudié jusqu’à Sokodé) 280
  de Lomé à Anécho 44
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443
 
kilomètres.

La jonction avec les voies du Dahomey sera étudiée.

En 1939, des travaux furent entrepris pour établir la jonction, dans la région de Ségou, des lignes venant du Sénégal et de la Côte-d’Ivoire, tant par le prolongement des voies existantes que par l’établissement de routes automobiles. Des photographies figurèrent au Salon de France d’outremer en mai 1940.

En 1946, le programme ferroviaire de l’A. O. F. prévoit la reprise de la construction de la ligne de Bobo-Dioulasso à Ouagadougou.

Toutes les voies de l’A. O. F. ont besoin de sérieuses réfections. Le rail lourd de 36 à 40 kilogrammes permettant l’usage de locomotives de 80 à 100 tonnes pour trains lourds est prévu. Seulement, malgré leur urgence, ces travaux ne pourront être exécutés que suivant les ressources de notre industrie et surtout de nos budgets, tout comme l’aménagement des ports pour navires de dix mètres de tirant d’eau.

Victor TILLINAC.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 411