Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°612 Février 1947  > Page 414 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

À la recherche des richesses du sol

La géophysique : le carottage électrique

La géophysique, science relativement nouvelle, vieille d’à peine cinquante ans, ne s’est réellement développée que sous l’impulsion de savants modernes. Jusqu’alors, elle n’utilisait que les procédés bien imparfaits, qui n’en étaient pas moins très coûteux ; d’une part, les anomalies de champ magnétique et surtout la méthode gravimétrique basée sur la différence de densité des roches, mesurée à l’aide de la « balance de torsion ». Enfin, il y a une vingtaine d’années, on eut l’idée d’employer aussi des sismographes spéciaux, permettant d’enregistrer en divers points les vibrations résultant d’une explosion provoquée avec des opérations répétées ; on parvenait ainsi à déterminer le nivellement de l’assise rocheuse, des couches meubles ou des nappes aquifères ou pétrolifères sous-jacentes ; méthode qui, perfectionnée, donnait d’excellents résultats.

Actuellement, ce sont les procédés électriques qui semblent l’emporter par leur commodité et leur précision ; la prospection électrique repose sur ce fait que les gîtes minéraux, et surtout les plans métalliques possèdent des résistances électriques différentes : en créant un courant continu entre deux points du sol et en étudiant le champ électrique qui en résulte dans un certain rayon, on finit, en répétant ces mesures en des points différents, à établir la « topographie » du sous-sol. Et l’innovation du carottage électrique consistant à mesurer, lors d’un sondage, certaines propriétés électriques de la roche, suffisantes pour l’identification géologique des terrains traversés, est venue notablement améliorer ce procédé, car le carottage mécanique, jusqu’alors en usage, exigeait l’extraction individuelle de chaque échantillon ou carotte, d’où perte de temps et d’argent, surtout quand les puits atteignaient de 2.000 à 3.000 mètres.

Ainsi, ces méthodes de prospection électrique se sont, depuis une dizaine d’années, généralisées tant en Europe qu’en Amérique, car, du point de vue pratique, elles nécessitent un matériel relativement simple et aisément transportable, dont le principe est basé sur la mesure de la résistivité électrique des roches. On désigne ainsi la résistance au courant électrique d’un cylindre de cette dernière ayant pour hauteur l’unité de longueur et pour section l’unité de surface ; cette résistivité — l’inverse de la conductibilité — s’exprime en ohms par mètre carré. L’appareillage comprend une batterie de piles sèches envoyant du courant continu dans le sol par deux électrodes impolarisables. La différence de potentiel entre deux autres prises de terre se mesure au moyen d’un potentiomètre, branché sur une ligne volante ... On détermine donc une courbe équipotentielle en maintenant fixe une des électrodes et en tâtant le sol à l’entour avec l’autre : l’aiguille de l’appareil restant fixe, les deux électrodes, donc les deux points du sol touché, se trouvent au même potentiel ; on peut donc établir un graphique de cas courbes — carte des résistivités — permettant de connaître l’âge géologique des couches successives. Ce procédé, facilement et rapidement réalisable, a pu, grâce aussi aux précisions fournies par les sondages électriques ultérieurs, fournir des résultats extrêmement intéressants, relativement à des gisements salifères d’Alsace, et, d’autre part, on a ainsi découvert quelques filons métalliques en divers coins de France (fer dans le Calvados) ou minéraux (lignite dans les Landes) ; en outre, cette méthode de prospection électrique permet d’établir la nature des roches du sous-sol d’une contrée déterminée, ce qui est précieux quand on se propose, à cet endroit, des travaux considérables (tunnels, barrages, etc.).

Ces différentes données théoriques confirmées par les observations expérimentales ont donné un puissant essor à la prospection géophysique, et c’est ainsi que le carottage électrique est universellement employé dans les exploitations pétrolifères du monde entier et a servi, au Maroc notamment, à faire découvrir des gisements de fer. La France est, dans ce domaine, au tout premier rang ; aux États-Unis, les travaux de prospection géophysiques sont activement poussés et ont valu la découverte d’un nombre considérable de puits pétrolifères. En Russie, il faut noter les mêmes résultats aux environs de 1929, ainsi qu’en Roumanie en 1923, où la prospection électrique permit, en outre, la découverte de « champs » de gaz naturel. Il n’est pas, à l’heure actuelle, un seul point du globe où ces méthodes géophysiques ne soient à l’honneur. En Amérique du Sud, aux Indes néerlandaises ou britanniques, en Chine ou au japon, les diverses Sociétés ou Instituts géologiques poursuivent d’intéressantes et fructueuses recherches sur la structure infiniment variée du sous-sol, grâce à ces procédés.

P. LAGUZET.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 414