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Les arséniates et le gibier

En juin 1935, on pouvait lire dans la revue Parcs et gibiers de France une note concernant les insecticides, dont la conclusion posait le problème qui est le titre de cet article, et que le Centre national de Recherches agronomiques de Versailles était chargé de résoudre.

Pour cela il demandait l’envoi de cadavres de gibier susceptible d’avoir trouvé la mort par absorption d’arséniate, afin d’en faire l’autopsie.

Nous savons que cet appel fut peu entendu et que le nombre des cadavres envoyés à Versailles put faire croire que l’épandage de ces toxiques sur les cultures de pommes de terne ne mettait pas le gibier en péril.

Cependant, des plaintes circulant encore dans la presse, une nouvelle enquête fut entreprise en 1938, sous la direction du service de la chasse en collaboration avec le Comité national de la chasse et la station centrale de Zoologie agricole de Versailles.

Cette enquête, achevée en 1940, rejetait en bloc les plaintes des chasseurs. À vrai dire c’était un peu la faute de ces derniers puisque le laboratoire de Versailles ne reçut en tout et pour tout que 14 pièces de gibier (6 perdreaux gris et 8 lièvres) et que le contrôle toxicologique permit d’affirmer que dans aucun cas il n’y eut d’empoisonnement par l’arsenic.

Aussi les conclusions du Service des Recherches furent-elles les suivantes :

« Il est établi d’une manière irréfutable que l’empoisonnement des lièvres, lapins et perdrix, pendant ou à la suite directe des traitements normaux contre le doryphore, si, par hasard, il se produisait, revêtirait un caractère absolument exceptionnel. »

Cependant, ces conclusions ne nous donnent pas satisfaction. Nous admettons que la grande négligence du monde chasseur a été cause de ce que l’on n’ait pas suffisamment recherché le gibier tué par les arséniates, mais la question n’a pas semblé non plus préoccuper beaucoup les dirigeants de la chasse. Le laboratoire avait promis le remboursement des frais d’envoi des cadavres, mais ce n’était pas assez.

Qui veut la fin veut les moyens et l’on y serait sans doute arrivé en donnant des primes sérieuses aux expéditeurs de pièces à autopsier.

Il faut dire que les chasseurs avaient fait tant de bruit lors de la deuxième enquête en 1939 que le Centre de Recherches de Versailles pensait recevoir des centaines de cadavres. On a vu plus haut que, malgré la diffusion de l’enquête, il n’y eut que 14 envois.

Cette enquête est à reprendre pour de nouveaux motifs, ou mieux, il faut changer le mode de destruction du doryphore comme nous allons l’expliquer.

Quand, il y a vingt-cinq ans, le doryphore envahit la France par la région bordelaise, on eut recours aux arséniates qui n’arrêtèrent pas le fléau puisque le doryphore est maintenant un peu partout sur notre territoire. Ce n’est pas que le traitement fût mauvais puisque ceux qui l’emploient en ont généralement satisfaction, mais il eût fallu que toutes les cultures fussent traitées et c’est la négligence de ceux qui laissèrent passer cet insecte qui fut cause de son grand développement. Dans la lutte engagée, le chasseur ne prit pas suffisamment sa part.

Malgré cela, et à nouveau, un certain nombre de plaintes, qui semblent très fondées, se sont élevées. Elles émanent de personnes honorables, ce qui ne peut laisser de doutes sur le sérieux de leurs constatations. Il est vrai qu’elles n’ont pas envoyé de cadavres à Versailles mais on ne peut rejeter leurs observations parce qu’elles n’ont pas pris part à l’enquête.

Et nous n’entretiendrions pas nos lecteurs de la question, si toute une nouvelle technique pour la destruction de ces hôtes indésirables, par produits non toxiques pour le gibier, n’avait été mise en avant il y a quelques années, et ne donnait les meilleurs résultats.

Notre confrère M. V. Arnould a publié dans cette revue, en janvier dernier, un article sur la question auquel nous renvoyons le lecteur. Rappelons seulement qu’il s’agit de produits organiques de synthèse qui sont l’un à base de D. D. T. (dichloro-diphénol-trichloréthane) et l’autre à base d’hexa (hexachlorocyclohexane).

Plusieurs marques de ces produits destructeurs d’insectes sont déjà sur le marché et nous conseillons aux agriculteurs-chasseurs, sinon de les adopter (car il est des personnes qui hésitent à employer un produit nouveau), du moins de les essayer, car ils présentent l’énorme avantage de ne pas être toxiques pour le gibier.

Voilà le point sur lequel nous voulons insister. Alors que les arséniates présentent, pour ceux qui les manipulent et pour tous les animaux susceptibles de manger une plante qui a été arséniatée, les plus graves dangers, les produits à base de D. D. T. ou d’hexa ne sont pas toxiques pour l’homme et les animaux à sang chaud.

Il n’y a pas de discussion sur ce point. Tous ceux qui ont étudié ces produits sont absolument du même avis sur leur inocuité à l’égard du gibier.

Il faut donc que tout chasseur se fasse le propagandiste zélé pour l’emploi de ces produits nouveaux.

Une brochure qui relatait les expériences de Versailles se terminait par cette phrase au sujet des arséniates.

« Affirmons donc que l’empoisonnement du gibier par les insecticides est un atome à côté du braconnage et des dépradations des nuisibles que l’on ne combattra jamais assez. »

À cela nous déclarons bien haut que, dans l’état si déplorable de la chasse française, l’on n’a pas le droit de négliger même un atome des mesures à prendre pour empêcher une destruction qui, pour notre part, présente plus d’importance que certains ne le croient.

René DANNIN.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 422