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Le renard et les pièges

Très recherché par les piégeurs, bien que sa fourrure soit devenue d’un prix peu intéressant, le renard est surtout détruit au piège. En certaines régions, on s’est mis à le détruire par le poison. C’est là un travail peu fatigant et qui demande fort peu de qualités de la part de l’opérateur. C’est aussi la méthode des sociétés de chasse dotées d’un garde qui ne connaît pas grand’chose de son métier, et qui se réveille, un jour, envahi de renards qu’il n’a pas su prendre au bon moment. Voyant le gibier lâché à grands frais, et à publicité tapageuse, il faut absolument faire quelque chose et l’on fait donner le poison ou les gaz ; c’est tellement moins fatigant et tellement simple ... qu’on recommencera l’année suivante. Chacun son goût. Il est vrai que, parfois, des accidents regrettables viennent troubler cette manière de faire, tel que : empoisonnement du chien du président de la société ou d’un actionnaire influent. Alors, tout se gâte, le garde tremble pour sa place et décide de ne plus empoisonner. C’est alors l’invasion.

Mieux vaut, en novembre-décembre, détruire les reproducteurs et, en janvier, février, mars ; surveiller tous ceux qui pourraient venir des chasses voisines. Les pièges sont là pour effectuer ce travail.

Donc, pour les chasses sérieusement gardées, où les gardes font leur métier, où les patrons ou présidents tiennent à éviter la transformation de leur chasse en désert, je rappellerai que le renard est, dans l’ensemble, un animal facile à prendre au piège. Si quelques échantillons de l’espèce offrent quelque résistance, la plus grande partie tombe entre les mains des piégeurs même moyens. Tous les procédés sont bons avec lui, il suffit d’un peu de précautions lors de la tendue des pièges.

Le piégeage en coulée présente quelque danger pour le gibier, mieux vaut dans une chasse restée giboyeuse employer un autre procédé et on n’a que l’embarras du choix : piégeage au terrier, en jardinet, en sillon, au pendu, à l’îlot, au saut, etc. Le tout est de pouvoir opérer dans une région où l’on peut piéger tranquillement sans risquer de voir une bande de piégeurs plus ou moins bienveillants et habiles envahir le canton piégé. Il est évident que, dans ces conditions, mieux vaut s’abstenir de piéger. Si nous avons, par exemple, trois piégeurs sur la même coulée venant chaque matin voir leurs pièges et tâcher de chiper le meilleur emplacement aux concurrents, ce n’est plus du piégeage, il ne reste plus qu’à saboter la coulée, à la « saborder », pour employer les termes actuels. Dans le fond, la méthode n’est pas mauvaise pour lutter contre le colletage du gibier. Il est facile, dès que l’on voit une coulée de lièvre, de l’élargir en grand, ou de la boucher à plusieurs endroits de son parcours. On sauvera ainsi nombre de lièvres.

Un procédé très simple et de bon rendement est le jardinet temporaire. Celui qu’on fait en défonçant d’un coup de talon une touffe de ronces et d’épines et en plaçant au fond un appât et, devant, le piège, à 25 ou 30 centimètres de l’appât, Ce procédé est très expéditif, peut se placer n’importe où, et c’est l’un des plus prenants que je connaisse. Bien entendu, il faut opérer à proximité immédiate d’une coulée fréquentée, ou bien amener l’animal au piège par un élément de traînée. Je sais qu’actuellement on n’a pas toujours (et même souvent) l’appât qu’on voudrait avoir ; dans ce cas, il reste le piégeage au terrier avec toutes ses formes. Nous avons signalé l’une des plus intéressantes quand nous avons parlé du blaireau, ce colocataire du renard, et qui voisine parfaitement avec lui, n’en déplaise aux plaisantins qui ont prétendu que messire Goupil, très rusé, se débarrassait du blaireau en fientant à sa porte. Comme il m’a été donné de constater maintes fois la cohabitation dans le même terrier des deux animaux, il est vraisemblable que, selon l’expression de notre bon Rabelais, messire Goupil, en cette occasion, eût été le premier « embrené » par sa facétie douteuse. Mais passons ! cette bonne petite farce reparaîtra bien un jour ou l’autre dans l’œuvre d’un maître en mal d’édition, et à la compilation facile ! On en a tellement raconté sur le renard et ses prétendues finesses qu’il est un peu devenu le « Marius » des animaux nuisibles. Ceci sans aucun sens péjoratif à l’égard de ce brave Marius, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie ; notez que j’aurais pu dire le « Titi parisien », pour ne pas créer de jalousie dans les colonnes du Chasseur Français.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 424