Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°613 Avril 1947  > Page 441 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

L’anthonome du pommier

Une nouvelle méthode de lutte

L’anthonome du pommier est un charançon de couleur grisâtre, de 4 à 5 millimètres de longueur, dont la tête est prolongée par une sorte de bec ou rostre. Le corps est entièrement recouvert d’une pubescence grise, les élytres portant, vers leur extrémité, une bande blanche qui forme comme un chevron lorsque l’insecte est au repos.

Cet anthonome, qu’il ne faut pas confondre avec celui du poirier, dont les mœurs sont très différentes, passe l’hiver à l’état adulte sous les écorces, les mousses, les pierres, etc. Son activité reprend au printemps. Bien avant la floraison des pommiers, on le trouve sur les branches. Il pique alors les boutons floraux pour se nourrir de la sève. Après accouplement, c’est-à-dire entre la fin mars et la mi-avril, la femelle pond. Chaque œuf est déposé à l’intérieur d’un bouton, soit entre les pétales, soit plus profondément, lorsque ce bouton n’est pas encore complètement débourré, c’est-à-dire du stade dit « bourgeon blanc » au stade dit « bouton rose ».

Quelques jours après la ponte, la larve éclôt et commence à dévorer les organes internes de la fleur dont le développement s’arrête. Alors que les fleurs non attaquées s’épanouissent, celles attaquées par l’anthonome se dessèchent, la corolle roussit et prend l’aspect d’un « clou de girofle ».

La larve continue à se développer à l’intérieur de la fleur, puis, au bout d’une quinzaine de jours, s’y transforme en nymphe. La nymphose dure huit jours environ ; après quoi, l’insecte parfait sort par un trou pratiqué dans la calotte du « clou de girofle ». Son développement complet a demandé un mois environ. Les insectes adultes, réapparus en mai-juin, restent au repos jusqu’à la fin de l’hiver suivant.

C’est donc pendant une période assez courte que l’anthonome est dangereux. Cette période a pour point de départ la ponte qui, nous venons de le voir, s’accomplit uniquement sur les boutons en voie de débourrement. Elle coïncide exactement avec l’époque d’application utile des traitements.

L’anthonome du pommier, qui, presque chaque année, fait des ravages considérables sur les pommiers, s’attaque aussi assez souvent au poirier, sur lequel ses dégâts procèdent des mêmes caractéristiques.

MOYENS DE LUTTE.

— Jusqu’à ces dernières années, les procédés en usage : récolte des insectes adultes et des fleurs anthonomées, pièges, traitement d’hiver aux huiles d’anthracène et autres, traitements de printemps aux bouillies arsenicales ou sulfo-calciques, ne permettaient d’atteindre qu’une faible partie des insectes et l’on désespérait d’enrayer les dommages sans cesse croissants de l’anthonome lorsque apparurent sur le marché des insecticides de nouveaux produits organiques de synthèse, parmi lesquels on peut citer ceux à base d’hexachlorocyclohexane, de sulfure de polychlorocyclane (S. P. C.), de dichlorodiphényltrichoréthane (D. D. T).

Ces deux derniers, essayés depuis seulement deux ans, se sont révélés d’une telle efficacité que l’on peut considérer la question de lutte contre l’anthonome du pommier comme définitivement résolue.

Il existe un certain nombre de spécialités commerciales à base de D. D. T. et de S. P. C.

Les premières se présentent généralement sous deux formes :

En poudre, pour l’emploi à sec par poudrages.

Pour bouillies, à employer en pulvérisation à des doses variables selon la spécialité.

Les produits à base de S. P. C. se présentent plus souvent à l’état de pâtes fluides qui s’emploient ordinairement à la dose de 1,5 p. 100 pour préparer des bouillies.

Le traitement au D. D. T. doit être effectué lorsque les arbres se trouvent au stade dit « bourgeon blanc », c’est-à-dire avant que toute trace de végétation verte n’apparaisse à l’extrémité des bourgeons cependant déjà « débourrés ». C’est, en effet, un insecticide de contact dont l’action persiste un certain temps.

Quant au S. P. C., dont l’action est à la fois insecticide, ovicide et larvicide, il peut permettre de sauver des boutons déjà contaminés et peut être employé depuis le départ de la végétation jusqu’au moment où les boutons des fleurs commencent à se colorer (stade « bouton rose »).

Avec l’un et l’autre de ces produits, les traitements précoces ont une action préventive. Leur application coïncide, en effet, avec la période d’accouplement et de ponte de l’insecte. Ils sont dirigés contre l’insecte parfait.

Avec le S. P. C. on peut, en outre, faire des traitements curatifs qui agissent sur les œufs et les jeunes larves.

Le nombre des traitements (1 ou 2) dépend des conditions climatériques et varie selon l’intensité des attaques et la durée des invasions.

Ajoutons que les deux produits dont il est question ci-dessus ne sont pas toxiques, aux doses d’emploi normales, pour l’homme et les animaux domestiques.

Dans un certain nombre d’essais faits, en 1945 et 1946, sous le contrôle du Service de la protection des végétaux, le coefficient d’efficacité s’est révélé souvent égal ou supérieur à 90 p. 100.

On peut donc, sans s’avancer imprudemment, affirmer que cette nouvelle méthode de lutte permet de conjurer le redoutable fléau que constitue l’anthonome.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 441