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Le lapin Angora

roi des clapiers 1947

De toutes les races de lapins, du lapin commun au Castorrex, à la somptueuse fourrure, à poil ras de sauvagine de luxe, c’est l’Angora, à l’ample et douillette toison soyeuse, qui tient actuellement le haut du pavé par son rapport magnifique.

Le lapin Angora fournit en effet une matière textile vivante soyeuse d’une telle qualité, et les besoins de toutes matières textiles — celle-ci en particulier — sont tels que ces besoins ne paraissent pas devoir être satisfaits avant longtemps.

Aussi, toujours en raison de la loi de l’offre et de la demande, les cours du poil d’Angora monteraient en flèche de façon vertigineuse si la vente était libre ; mais, déjà, ils sont à un taux tel qu’ils sont particulièrement et grandement rémunérateurs pour quiconque conduit sagement l’élevage de cette race nettement favorisée.

Fixés en dernier lieu à 2.000 francs le kilogramme, plus une soulte prévue et autorisée de 300 francs, les voici, en fin de janvier, à 2.600 francs, et une hausse substantielle est encore à prévoir. De ce fait, les prix des sujets reproducteurs, indispensables pour monter un clapier, sont en hausse proportionnelle, valorisant ainsi le cheptel, c’est-à-dire le fonds même de votre clapier ; en un mot, votre capital !

Il y a plus : alors que, propriétaire de titres de rentes, d’obligations, d’actions, d’affaires industrielles, vous ne détachez généralement les coupons de rentes, d’intérêts, de dividendes, qu’une fois par an, ici, vous détachez ce qui représente un coupon de rente ou d’intérêts tous les trois mois ! Car, si le mouton, Mérinos ou autre, vous livre sa toison une fois l’an, le généreux Angora vous fournit la sienne, par épilages, tous les trois mois, soit, très régulièrement, automatiquement, quatre fois par an, en grande partie sous la forme de superdividendes.

Quelle est l’origine du lapin Angora ? Des personnes la situent en Asie Mineure, près de la ville d’Angora, sans doute par l’analogie que présente la toison de cette race avec celle de la chèvre à longs poils, la chèvre d’Angola, ou du chat d’Angora, comme du chat Persan. Mais rien n’est moins établi. La question d’origine, d’ailleurs, est d’intérêt secondaire en présence de l’intérêt que présente l’élevage de cette race d’une grande portée économique.

Tout porte à croire, au contraire, que le lapin Angora a comme origine une mutation naturelle spontanée comparable à celle qui fit apparaître le contraire pour le lapin Castorrex, au poil extra-ras et planté verticalement. D’abord de petite taille, comme pour toutes les races animales domestiquées, le lapin Angora et sa production de poil furent améliorés, simplifiés graduellement, imperceptiblement au début, de génération en génération, par l’alimentation plus régulière et par les soins de l’élevage dont bénéficie tout sujet ainsi traité. Surtout massivement, lorsque le côté économique en fit apparaître tout l’intérêt. Il se pourrait que la mutation de l’Angora se soit produite en France, en Savoie, sur les bords du lac du Bourget où une vieille demoiselle remarqua que de petits lapins, à la toison soyeuse, muaient fréquemment, ce qui lui donna l’idée de les épiler, puis de filer et de tricoter ce poil si chaud pour en faire des pièces de sous-vêtements, surtout destinés aux rhumatisants.

Quoi qu’il en soit, c’est en France que cette activité artisanale prit naissance, déterminant une amplification de l’élevage de l’Angora. Elle se diffusa d’abord en Savoie, gagna l’Anjou, puis se répandit dans toute la France, jusque sur les rives de la Méditerranée, en même temps que se perfectionnaient et s’industrialisaient les méthodes de filage et de tissage de ce poil, seul ou associé avec d’autres matières textiles.

Cet élevage crée une source de recettes et de revenus de base ou complémentaires dans maintes régions. C’est ainsi qu’en Anjou, dans le Saumurois et la région de Louerre, 80 p. 100 des ménages de nombre de communes se livrent à l’élevage exclusivement familial de l’Angora, dont ils tirent leurs principales ressources. Au point que la plupart d’entre eux ne sacrifient pas leurs lapins à un âge déterminé ; mais ils les épilent et les conservent jusqu’à leur mort naturelle. Ce genre d’élevage, avec des sujets de qualité et de rendement variables, est maintenant à ce point perfectionné que la plupart des lapins Angoras femelles (car les mâles sont moins généreux) réalisent une moyenne de rendement de plus de 150 à 200 grammes par épilage, que quelques-uns, encore rares, arrivent à fournir le kilo de poil annuellement. Calculez le rapport brut au prix du poil de 2.000 à 2.600 francs le kilo.

Il était utile que ces possibilités vous soient exposées. Nous vous devons maintenant de vous faire connaître comment entreprendre, monter et conduire cet élevage. Mais sachez de suite que c’est l’Angora blanc, bénéficiant d’un large marché, que vous devez exploiter sous cette forme.

Il existe bien des variétés de couleurs, presque autant que dans les races à poils ras, dites à fourrure fine ; mais ces variétés ne sont intéressantes qu’à titre sportif, pour les expositions et comme curiosité, ce qui ne modifie d’ailleurs en rien la qualité textile de leur poil, dont le marché est infiniment plus restreint.

Les sujets grands producteurs de poil, les superbes « poiliers », disent les spécialistes, sont caractérisés par leur face hirsute, comme celle de Mathusalem, l’ample houpe sur le front et entre les deux oreilles et par les « plumets », amples et superbes panaches qui s’épanouissent au sommet des oreilles. Ce sont de véritables boules de soie, dont notre figure montre le prototype.

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 449