Plusieurs lecteurs m’ont posé des questions auxquelles j’ai
pu répondre directement, mais certaines m’ont paru mériter une réponse
diffusée, car lesdites questions sont susceptibles d’intéresser un grand nombre
d’éleveurs.
Le jaune des œufs.
— M. Roland J ..., à Saint-Éloy-les-Mines,
m’écrivait : Pourquoi y a-t-il tant de différence dans la coloration du
jaune de certains œufs ; cette coloration est-elle en rapport avec la
couleur de la coquille ; comment arriver à avoir des œufs à jaune
orangé ?
Les œufs à jaune foncé sont en effet plus appétissants que
ceux dont le jaune est pâle et comme anémié. Le jaune de coloration vive semble
contenir « quelque chose que les autres ne possèdent pas ». La
préférence instinctive pour une chose qui a de l’intensité et de l’éclat est
justifiée, car la coloration du jaune de l’œuf est le résultat de l’absorption
par la pondeuse de pigments colorants, lesquels sont en général très riches en
vitamines A, comme le maïs jaune, la verdure, etc.
Il ne faut cependant pas conclure automatiquement que les
jaunes pâles sont dépourvus de vitamines, car l’huile de foie de morue, par
exemple, si souvent distribuée aux volailles actuellement, apporte des
vitamines, mais ne change pas la coloration du jaune.
Toutefois, le consommateur qui achète des œufs d’origine
fermière sera plus sûr de la valeur énergétique de ces derniers si les jaunes
sont nettement foncés.
Il n’y a aucun rapport entre la coloration des jaunes et
celle des coquilles. Les races vives, grandes pondeuses : Leghorn,
Wyandotte, Gâtinaise, etc., pondent en général de gros œufs à coquille blanche,
alors que les grosses volailles, types Orpington, Brahma, Croad-Langham, Cochinchinoise,
pondent des œufs plus petits et foncés. La coloration la plus foncée,
atteignant parfois le brun ombré, est fournie par les œufs de la Marandaise,
surtout la variété noir cuivré ; cette coloration foncée des coquilles est
spéciale à la race et il est à remarquer qu’elle s’atténue au bout de quelques
générations lorsque la Marandaise est transplantée hors de son pays
d’origine : le Marais poitevin et la Vendée.
Élevage des pondeuses en batterie.
— Mme Simone Th ..., de Jonzac, me demandait s’il
était vrai qu’on puisse élever des pondeuses en batteries et si la production
des œufs se maintenait longtemps dans ces conditions.
Encore nouvelle en France, la méthode de la claustration
individuelle des pondeuses en cages grillagées et superposées dites
« batteries de ponte » peut donner de bons résultats à condition que
les poulettes soient placées dans les cages seulement lorsqu’elles ont atteint
leur complet développement, de préférence en septembre-octobre pour les
poulettes nées en février-mars, que la nourriture distribuée soit complète,
bien équilibrée et de toute première qualité, et enfin que les batteries soient
abritées des grands froids en raison de l’immobilité à laquelle sont réduites
les prisonnières. Cette claustration ne doit pas dépasser pratiquement six mois
sous peine d’épuiser les pondeuses et de les anémier par trop.
Si toutes ces conditions sont réunies, le système de la
batterie de ponte peut donner d’excellents résultats ; les créateurs
américains de la méthode s’en déclarent enchantés. Il est évident que les
sujets isolés sont à l’abri de la contamination. Les cages présentant un
plancher grillagé incliné de façon à laisser couler l’œuf pondu en avant des
mangeoires, c’est-à-dire hors d’atteinte de la pondeuse.
Je vous conseille d’essayer très prudemment cet élevage en
raison de sa nouveauté, afin d’éviter les risques inconnus qu’il présente ou
tout au moins de les limiter. La race à préférer pour cette utilisation paraît
être la Wyandotte.
Élevage familial.
— Un lecteur clermontois, disposant d’une propriété,
demande si je lui conseille d’employer celle-ci à monter un élevage avicole
susceptible de lui apporter de quoi vivre, lui et sa famille de trois
personnes. La propriété en question a deux hectares aux portes de la ville.
La question posée est extrêmement délicate ; tout
dépend de la valeur personnelle et de l’habileté professionnelle de l’éleveur.
Certains gagneront de quoi vivre eux et leur famille avec une modeste
exploitation mixte avicole-maraîchère, d’autres ne trouveront que déboires dans
les spéculations avicoles. Si le lecteur en question ne possède aucune notion ni
aucune expérience en aviculture, je lui conseille vivement, avant tout essai
personnel, d’aller faire un stage de quatre à six mois dans un élevage connu et
sérieux. Si le stage est impossible, visiter en détail le plus grand nombre
possible d’établissements avicoles d’importances différentes et interroger
longuement leurs propriétaires sur tout ce qui peut être utile. Puis lisez
attentivement les ouvrages avicoles d’auteurs faisant autorité en la
matière : W. Chenevard, Roulier-Arnoult, Bréchemin, Lissot, etc.
Fixez-vous un but défini et une spécialisation nette :
œufs, chair ou poussins d’un jour et élevez quelques lapins conjointement avec
vos poules.
Sur un hectare et demi vous pouvez élever 500 pondeuses
en leur sacrifiant 5.000 mètres carrés de parcours et utiliser l’hectare
restant à produire légumes pour la maison, tubercules et verdure pour les
pondeuses, si pondeuses il y a, et les 8 ou 10 mères lapines que vous
pourrez entretenir. Une petite exploitation ainsi conduite peut laisser des
bénéfices substantiels à son propriétaire si celui-ci est attentif aux besoins
de ses pensionnaires et surtout s’il aime son métier.
R. GARETTA.
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