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Les mêmes saisons reviennent-elles tous les cent ans ?

Voici plus d’un siècle que le médecin Schwabe, de Dessau, observant assidûment le soleil, découvrait, dès 1823, l’importante période undécennale des taches solaires. Depuis, les statistiques se sont étendues et permettent déjà de faire une remarque : des maxima et des minima se reproduisent à peu de chose près tous les cent ans :

Minima : 1823-1923 ; 1833-1933 ; 1843-1944.

Maxima : 1828-1928 ; 1837-1937 ; 1848-1948 ( ?)

Le soleil, étoile variable, influence donc notre globe de façon inégale, et, dès 1651, Riccioli cherchait des rapports avec cette influence et les variations du temps. Beaucoup plus tard, après les remarques de W. Herschell, en 1801, sur les récoltes et prix variables du blé, de nombreux chercheurs établirent la similitude des courbes des cyclones dans les Tropiques, des orages aux Indes, du magnétisme, des variations de la boussole, du volume des affaires traitées dans le monde, du nombre des aurores polaires, de l’émission de l’ultra-violet solaire, des tremblements de terre, de la formation des cirrus, des récoltes de blé et de la qualité du vin, des famines, des expositions et des guerres, de la croissance des forêts (1), avec celle de l’activité solaire, qui ne se borne plus, il faut l’ajouter, à cette simple manifestation pulsatile des taches.

Cet ensemble de faits troublants a fait songer immédiatement à rechercher dans cette influence solaire les causes de la variabilité du temps, à tenter d’en déduire des périodicités climatologiques, tout au moins pour des écarts extrêmes : étés chauds, grandes pluies et, par suite, inondations ; hivers rudes, sécheresses prolongées.

Déjà la Bible nous parlait du symbole des sept vaches grasses et des sept vaches maigres : sept années humides (abondance) suivies de sept années sèches (famine) ; encore actuellement — et pour cause ! — l’économie mondiale accueillerait à bras ouverts un prophète qui, tel Daniel, pût lui indiquer en quelles années il faudrait stocker pour éviter la disette les années suivantes. Ce serait vraiment un bienfaiteur de l’humanité ...

Hélas ! la question n’est pas près d’être résolue.

Bien que, généralement, les maxima solaires se placent en des années de bonnes récoltes, de bon vin, d’étés normaux et d’hivers doux ; que les minima coïncident souvent avec des étés pluvieux, des hivers froids et de la disette, il existe des exceptions. De plus, les dates des maxima et minima s’étalent parfois sur deux années, elles-mêmes imprévisibles à une ou deux unités près, car nous avons observé des périodes de neuf ans, d’autres de quatorze ! ...

D’autre part, sur nos continents tempérés, la pluie, élément prépondérant en climatologie, ne suit pas la courbe undécennale, mais une courbe adoucie de trente-trois à trente-cinq ans (période de Brückner).

Tout au plus peut-on se permettre, sur ce point, d’annoncer des périodes d’années pluvieuses, et d’autres d’années sèches.

Actuellement, nous terminons la période humide 1935-1952, époque qui sera, comme elle l’a déjà été, agrémentée d’étés chauds et d’hivers rudes et secs ... car, sur la feuille de température du soleil, s’inscrivent bien des hauts et des bas.

D’un autre côté, comme il est reconnu que l’influence présumée de l’activité solaire sur la climatologie semble se manifester sur notre globe d’une façon inverse ou directe suivant les latitudes ou les régions, la question s’avère donc extrêmement complexe.

Il n’est donc pas possible encore d’assurer que les saisons reviennent, identiques dans leurs grandes lignes, tous les cent ans, mais, je le répète, de grandes manifestations climatologiques, écarts extrêmes produits par une cause extérieure qui peut provenir du soleil, au pouls souvent fiévreux, se retrouvent périodiquement dans le passé et peuvent se situer dans l’avenir, par continuation empirique de la courbe.

La prévision du temps est un problème capital, qui, depuis un siècle, n’a fait que peu de progrès ; nous en sommes toujours aux pronostics valables vingt-quatre heures ; des essais personnels, par l’inspection suivie de la surface solaire, m’ont permis de situer quinze jours à l’avance des séries d’orages, un revirement complet dans le temps (tempêtes, inondations, chaleurs ou vagues de froid, sécheresse, cessation d’une période de pluies), mais que d’échecs, surtout en période de maximum, dus à des modifications, imprévisibles celles-là, dans le nombre ou la vie des foyers solaires ! ...

Tant que nous ne connaîtrons pas ce qui provoque toutes ces éruptions solaires (taches, facules, protubérances), nous resterons dans la même incertitude, et, malgré ce bon vieux Mathieu de la Drôme, ses émules et leurs almanachs, malgré la T. S. F. qui annonce un beau soleil, avant de quitter le logis pour une promenade, lorgnant du seuil quelques louches nuages sur le bleu du ciel, nous nous dirons longtemps encore : « Vais-je prendre mon parapluie ? ... »

R. MIETTE.

(1) Je possède, depuis le début de mes recherches solaires en 1929, une section de tronc de chêne qui montre, pendant plus de quatre-vingts ans, l’influence solaire manifeste sur l’épaisseur des anneaux (végétation ralentie aux minima).

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 460