Remarquons tout d’abord, car c’est essentiel, qu’il ne
s’agit pas ici de foudroiement, de chute de « tonnerre », dont les
manifestations parfois fantasques sont bien connues, mais d’effets
physiologiques qualifiés : congestion, rupture d’anévrisme ou autre, par
ignorance des conditions dans lesquelles ils se sont produits. Ces effets ont
pour cause des déplacements électroniques considérables, et, pour essayer d’en
dégager une explication aussi simple que possible nous nous servirons des
termes des vieux « Traités de physique » de nos pères.
En temps normal, le sol, les corps qui nous entourent, le
nôtre même sont chargés de quantités d’électricité positive et négative qui,
naturellement dosées, se neutralisent, et ... tout est pour le mieux et
passe inaperçu. Mais, sous l’influence d’un nuage orageux, assez bas, fortement
chargé d’électricité, positive par exemple, il n’en est plus de même.
En effet, ce nuage positif décompose le fluide neutre de la
surface du sol et du corps humain. Suivant la vieille loi, il chasse le fluide
positif, attirant le fluide négatif du sol, qui, pour s’approcher davantage du
nimbus tentateur, vient s’accumuler dans la partie supérieure de l’individu qui
se trouve là, surtout si celui-ci forme bon contact avec le sol (baigneur par
exemple).
La quantité d’électricité emmagasinée devient
énorme ; soudain l’éclair jaillit entre le nuage qui se décharge et un
point du sol parfois bien éloigné du lieu considéré. Instantanément, la charge
négative accumulée dans le corps humain s’écoule dans le sol pour participer à
la recomposition des fluides un moment séparés, et tout redevient neutre.
Nous nous trouvons ici dans les conditions de
l’électrocution, qui n’est, somme toute, qu’une quantité anormale d’électricité
traversant le corps. En effet, si cette quantité négative, parfois
considérable, s’est accumulée en nous insensiblement, naturellement pourrait-on
dire, il n’en va pas de même de son départ et du retour de la quantité positive
normale, qui, dès l’éclair neutralisateur, s’effectueront en une fraction de
seconde, d’où traumatismes cardiaques, cervicaux, nerveux, etc.
À deux reprises différentes, dans des circonstances
identiques, nous avons été témoin de ces effets. En 1938, sur une plage
picarde, malgré la menace de l’orage tout proche, deux baigneurs s’attardaient
les jambes dans l’eau à quelques mètres du rivage. De gros nuages noirs
obscurcissaient le ciel. À un moment, les rares spectateurs restés sur la
promenade virent, suivant leur expression imagée, « des flammes dans les
cheveux » des deux obstinés ; véritable feu de Saint-Elme en
réduction, créé par une multitude de petites étincelles jaillissant de leurs
chevelures hérissées. Phénomène analogue aux « abeilles », bien connues
des alpinistes, qui appellent ainsi le bruissement, le crépitement accompagnant
les aigrettes électriques qui s’échappent de leurs cheveux lorsqu’ils se
trouvent à haute altitude dans une zone orageuse. Quelques instants plus tard,
le premier éclair zébrait le ciel : la foudre était tombée sur une villa
située à plusieurs centaines de mètres de là, où elle ne causa que des dégâts
insignifiants.
Il n’en était pas de même des deux baigneurs, qui, restés
debout, ne bougeaient plus. On courut les chercher ; le premier, frappé
d’amnésie totale, dut être emmené dans sa cabine et rhabillé ; il resta de
longues heures absolument inconscient. Quant au second, il était aveugle, et ne
recouvra partiellement la vue qu’après plusieurs semaines, alors que les
ophtalmologistes consultés commençaient à désespérer.
L’année dernière, en Normandie, une baigneuse pêchant la
crevette, épouse d’un de nos bons amis, ne s’inquiétait pas de l’amoncellement
de gros nuages sombres au-dessus d’elle et resta bientôt seule dans l’eau
continuant sa pêche. Soudain, un éclair jaillit, non pas entre le nuage et le
sol, cette fois, mais entre deux nuages, autant que la rapidité de la scène
permit aux témoins d’en juger, au même instant notre pauvre amie s’affaissa, on
alla la chercher immédiatement : elle était morte. Un docteur appelé en
toute hâte diagnostiqua une congestion, mais, devant notre insistance, on
procéda à un examen ultérieur plus approfondi, qui révéla la mort par arrêt du
cœur consécutif à la recomposition des fluides expliquée plus haut.
Il est bien évident que, chaque été, d’autres cas semblables
se produisent, mais, la cause réelle passant inaperçue, ces accidents sont
taxés de noyade ou autre.
Comme conclusion, on ne saurait donc trop insister auprès
des baigneurs pour leur faire quitter l’eau au plus vite lorsque l’orage
approche. Certains nous feront peut-être remarquer que, chaque jour d’été, en
ville, à la campagne, sur la plage même, ils ont des nuages orageux sur la tête
et ne s’en portent pas plus mal. Oui, mais — nuance importante — ils sont
alors vêtus de vêtements secs et chaussés de semelles plus ou moins isolantes
(caoutchouc, bois, cuir). Ils ne participent ainsi que très peu aux
fluctuations électroniques, alors qu’un baigneur dont le corps nu plonge dans
l’eau salée réalise le contact le plus parfait possible avec la terre et se
trouve ainsi dans les conditions optima pour subir les effets physiologiques du
« choc en retour ».
Gilbert LE ROY.
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