Si l’œuf constitue un attrait de premier ordre pour beaucoup
de nuisibles mammifères ou ailés, j’ai toujours constaté, à chaque saison de
piégeage, que la taille des œufs joue un gros rôle dans les résultats obtenus.
J’ai, de plus, constaté que la fraîcheur de l’œuf n’influe en rien sur les
résultats.
Si nous classons les œufs en trois tailles — la plus
grosse étant l’œuf de poule, la moyenne sera l’œuf de poule naine et la plus
petite l’œuf de moineau, — c’est, à mon avis, la classe moyenne qui aura
le plus d’amateurs parmi les nuisibles. Bien entendu, quand je parle d’œuf de
poule, de poule naine ou de moineau, c’est principalement pour fixer une
taille, et, si nous prenons, par exemple, l’œuf de poule naine, on peut
admettre tous les œufs d’oiseaux dont la taille est similaire à celle de la
poule naine : corneille, pie, perdrix, faisan, etc., avec une petite
remarque cependant : on aura toujours intérêt à employer des œufs à
coquille blanche, plus visibles de loin, donc plus attractifs pour les
nuisibles.
Quant à la question fraîcheur, elle ne joue aucun rôle dans
la préhension de cet appât par un nuisible. Un œuf couvé (œuf clair ou poussin
mort dans l’œuf), un œuf pourri, jouera très exactement le même rôle qu’un œuf
frais ou dur.
Si ces œufs donnent entière satisfaction aux nuisibles, il
n’en est pas de même pour les œufs artificiels (plâtre ou porcelaine), bien que
leur emploi ait été cité par un ou deux auteurs. Avec un œuf en plâtre, on ne
trompera pas une corneille, pas plus qu’avec un œuf en porcelaine on ne
trompera un renard. Que des cas isolés de capture se soient produits en de
telles conditions, la chose est possible, mais ne peut être érigée en méthode.
Personnellement, je ne la conseillerai pas après les nombreux insuccès
constatés. Maintenant que nous sommes fixés sur les œufs qu’il est possible
d’employer, voyons comment ils peuvent s’employer.
Deux genres de pièges différents s’offrent à nous pour leur
emploi :
— le piège à appât du type piège à œuf ;
— le piège à palette.
Piège à œuf.
— Je n’entrerai pas dans des détails de construction ou
de fonctionnement inutiles, étant donné qu’ils sont connus de tous les
piégeurs. Qu’il suffise de rappeler que le piège à œuf opère la fermeture de
ses mâchoires au moment où l’on enlève l’œuf servant d’appât du support sur
lequel il repose, donc par déséquilibre de la détente. Or le poids moyen d’un
œuf de poule est de 60 grammes, et ces pièges sont réglés pour ce poids
(œuf ou autre appât, du reste), ce qui interdit l’emploi d’œufs de taille
inférieure à celle de l’œuf de poule, à moins de lester le porte-appât en
conséquence, ce qui n’améliore pas la vitesse de fermeture.
Avec ces pièges donc, nous serons obligés de nous servir de
gros œufs, et ceci est regrettable, mais, étant donné que ce genre de piège est
d’un emploi très délicat, ne nous répandons pas en lamentations. La fermeture
d’un piège à œuf demande au piégeur beaucoup de précautions dans la couverture
de l’appareil. Cette couverture doit être très légère pour ne gêner en rien la
rapidité de fermeture. Par ailleurs, si l’animal ne prend pas franchement
l’appât, le piège se ferme en plusieurs temps. Il y a, au premier temps, un
déséquilibre partiel qui fait remuer une partie de la détente, parfois un
deuxième temps qui amène un nouveau mouvement de celle-ci, et, enfin un
troisième temps qui déclenche la fermeture. Inutile de dire qu’en de telles
conditions la capture de l’animal est manquée neuf fois sur dix. Par ailleurs
— et, là-dessus, tous les piégeurs qui ont pratiqué ce genre de piège seront
de mon avis, — presque tous les mammifères qui sont susceptibles d’être
capturés par ce piège tâtent l’appât de la patte, à la manière du chat qui joue
avec une pelote de laine avant de se décider à la prendre en gueule (1).
C’est là qu’il faut chercher la raison par laquelle ces animaux sont pris le
plus souvent par la patte au lieu de l’être par le cou, comme il se devrait
théoriquement. Mais on peut très bien employer l’œuf (ou les œufs) comme appât
avec d’autres pièges.
Piège à palette.
— Nous admettrons d’emblée que la forme du piège est
laissée au choix du piégeur et que ses dimensions sont choisies en fonction de
l’animal à capturer.
Le problème redeviendra donc simplement à placer le piège à
distance convenable (variable à chaque espèce) devant un faux nid édifié selon
toutes les règles de l’art, ce faux nid pouvant contenir indifféremment des
œufs de grande taille, des œufs de taille moyenne ou même de petits œufs.
Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre piège, ce genre de
piégeage n’aura de succès que si le piégeur l’emploie à proximité immédiate des
coulées, sentiers, passages, lieux fréquentés ou repaires des nuisibles. L’œuf
n’agissant par lui-même que sur la vue de l’animal, on peut cependant attirer
discrètement son attention par un « parfum » qui viendra faire jouer
l’odorat des animaux. Rien n’empêche, en effet, de mêler au faux nid de la
fiente de poule ou d’enduire les œufs de graisse de volaille par exemple. Bien
entendu, ce raffinement sera inutile pour le piégeage des rapaces ou des becs droits.
A. CHAIGNEAU.
(1) De là l’utilité de fixer l’œuf au porte-appât avec un
jeu de 3 à 4 centimètres maximum.
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