Cette dégénérescence, dont on se plaint aujourd’hui plus que
jamais, est due à des maladies que l’on sait depuis longtemps être héréditaires
et transmissibles.
Il y a une trentaine d’années, le Hollandais Quanjer
affirma le premier que de telles affections étaient attribuables à un virus,
c’est-à-dire à un agent invisible au microscope. Cet agent provoquait des
lésions internes et des déformations spéciales du feuillage. Il préconisait
deux méthodes de lutte : la sélection massale, autrement dit l’arrachage
anticipé au cours de la végétation des pieds malades, et la sélection
généalogique, ou pedigree, laquelle consiste à isoler les descendances
successives de plantes supposées saines.
Depuis une dizaine d’années, l’étude des virus végétaux a
fait l’objet de travaux considérables, spécialement dans des laboratoires
d’Angleterre et des États-Unis. Les recherches qui se continuent actuellement
ont mis en lumière certains faits que le monde agricole doit connaître.
Les virus des plantes.
— Nous venons d’expliquer qu’un virus était un agent
invisible au microscope. Il faut ajouter au microscope ordinaire, lequel
grossit de mille à deux mille fois.
Or, depuis quelques années, il existe un microscope beaucoup
plus puissant que l’on nomme microscope électronique, lequel permet de
photographier des particules un million de fois plus petites en volume que les
éléments aperçus au microscope ordinaire. On a pu ainsi se rendre compte de la
forme et du volume des particules occasionnant les maladies virulentes
de l’homme, des animaux et des plantes. De ce fait, un virus n’est plus une
simple vue de l’esprit, mais un agent dont on connaît la dimension des grains
ou particules.
Les virus de la pomme de terre.
— Presque tous les végétaux sauvages et cultivés sont
sujets à des maladies à virus. Mais, en raison de leur intérêt économique, on
s’est surtout préoccupé de l’étude des affections à virus de certaines plantes
cultivées : tabac, canne à sucre, haricots, tomate, pomme de terre. Pour
cette dernière plante, trois virus fondamentaux ont été décrits et
identifiés : virus de l’enroulement, virus Y, virus X.
Je dis fondamentaux parce qu’il y en a plusieurs autres.
Une acquisition importante est ce qu’on appelle : le complexe
de virus. Une plante de pomme de terre, peu sensible à un virus, par
exemple au virus X, très répandu, devient de suite gravement
atteinte si au premier virus s’en ajoute un second. Les maladies graves
appelées frisolée, crinkle, résultent d’une combinaison de deux virus.
Une autre notion mise en évidence consiste dans la variation
du degré de virulence que présentent entre elles les diverses souches
d’un même virus.
La transmission des virus.
— Après avoir réussi à identifier les virus les plus
communs, les savants ont étudié leur mode de transmission. Dans les
laboratoires, cette transmission s’effectue par la greffe pour tous les
virus ; la maladie passe facilement du greffon infecté au porte-greffe
sain ; les grains de virus, charriés dans les vaisseaux libériens, passent
rapidement dans toute la plante.
En plein champ le virus de l’enroulement et le virus Y
se disséminent surtout par certains pucerons, qui, se nourrissant de la
sève des plantes, inoculent le virus des plantes malades aux plantes saines. Il
arrive cependant que ces deux virus ne sont pas disséminés à la même période
végétative, car le virus de l’enroulement est persistant dans le corps
du puceron, ce qui explique les contaminations tardives ; le virus Y
n’est pas persistant ; il doit être inoculé par le puceron aussitôt après
le repas contaminant.
Quant au virus X, extrêmement fréquent, on ignore
jusqu’ici son mode de transmission.
Variétés résistantes et variétés tolérantes.
— Il est prouvé que les trois virus-ci-dessus sont très
répandus, que d’autre part la lutte contre les pucerons vecteurs s’avère
presque toujours inopérante. Dans de telles conditions, on conçoit que la lutte
contre la dégénérescence réside surtout dans un choix de variétés
résistantes ou au moins tolérantes aux virus fondamentaux. Il y a
tolérance d’une variété lorsqu’elle supporte d’être infectée sans présenter des
lésions graves. Ce problème a été abordé par certains auteurs anglais, dont il
faut admirer les savants et laborieux travaux. On a déjà trouvé plusieurs
variétés résistantes à l’enroulement ; les espèces sauvages américaines
sont étudiées et suivies de près à ce point de vue. Les auteurs anglais, parmi
lesquels il faut citer Salaman, K. M. Smith, Cockerham,
affirment que les difficultés ne sont pas insurmontables et qu’on a bon espoir
d’obtenir des variétés résistantes aux virus, ou au moins tolérantes.
En attendant que cet idéal se réalise il faut évidemment,
comme par le passé, continuer la sélection par les méthodes quanjériennes.
L’apport de variétés étrangères.
— La réduction progressive des rendements provoquée par
la dégénérescence est un fait d’observation très ancien. Cependant, il existe
dans certains milieux français des variétés qui se maintiennent longtemps avec
une production peu diminuée. Il s’agit vraisemblablement de variétés tolérantes
aux virus locaux, autrement dit des variétés habituées à ces virus.
Si dans de tels milieux on introduit à dose massive des
variétés étrangères au pays, on remarque très souvent que le déclin des
variétés locales est précipité.
La raison en est que les variétés étrangères arrivent avec
leur cortège de virus ou plutôt avec des souches de virus tout de suite très
nocives aux variétés indigènes non habituées. Nous pourrions citer, pour
illustrer cette manière de voir, de nombreux exemples, mais cela nous
entraînerait trop loin.
Cl. PERRET.
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