L’élevage du mouton ne cesse de décroître dans notre pays.
Il recule devant la concurrence des bovins, qui s’installent partout où les
améliorations culturales permettent de leur fournir l’alimentation abondante
qu’ils demandent.
L’élevage ovin se heurte en outre au recrutement difficile
des bergers, à la réduction des terrains de parcours, consécutive à la
suppression de la jachère et à la généralisation des déchaumages.
Le mouton reste cependant le meilleur utilisateur des herbes
sauvages qui peuvent assurer la totalité de sa nourriture ; aussi doit-il
garder une place de choix dans les régions pauvres ou médiocres.
Le plein air, largement développé dans les grands pays
moutonniers (Amérique du Sud, Australie, États-Unis), consiste à faire vivre
toute l’année les animaux dans des parcs clos. Il constitue un des meilleurs
moyens d’exploitation des ovins dans les régions justiciables de l’élevage
semi-extensif.
Le nombre de moutons que l’on peut entretenir est évidemment
fonction de la richesse du pâturage. Sur de mauvais terrains, on pourra nourrir
une à deux brebis et leurs agneaux à l’hectare, alors que, sur des terres plus
riches, fertiles ou améliorées, il sera possible de dépasser dix bêtes.
Quel que soit le chiffre retenu, il est capital de ne pas
surcharger les pâtures. Les ovins doivent avoir en toute saison une nourriture
abondante. On ne saurait trop recommander aux débutants de commencer avec une
faible densité de bêtes, quitte à l’augmenter si l’herbe n’est pas entièrement
utilisée.
On peut accroître le chargement si on a la possibilité de
distribuer un supplément de nourriture pendant la mauvaise saison, ou si on
désire rentrer les animaux en bergerie pendant le plus fort de l’hiver. Il est
cependant préférable de les laisser dehors toute l’année, car on a remarqué que
les changements de régime ne leur étaient pas profitables.
Même par la neige, les moutons de plein air trouvent
facilement leur nourriture. C’est seulement lorsque la couche est très épaisse
et persiste longtemps, ou lorsqu’il y a du verglas, qu’ il sera nécessaire de
leur fournir un complément alimentaire. Dans ce cas, de la paille ou du mauvais
foin suffisent aux troupeaux en bon état d’entretien.
Si le climat est trop rude, on peut construire des abris
rudimentaires qui jouent le rôle de coupe-vent. Lorsque le pâturage est entouré
de haies naturelles, elles constituent une protection suffisante.
Tous les prés ne sont pas pourvus d’eau ; il faut alors
en distribuer pendant l’été. Les abreuvoirs à niveau constant que l’on peut construire
à la ferme avec de vieux bidons conviennent parfaitement.
La clôture des pâturages est l’opération la plus
coûteuse ; il est rare que les haies naturelles existent partout ; on
édifiera alors une clôture mécanique. Le système le plus économique est le
système « pampa », introduit en France par Reille-Soult. Il est
réalisé par sept fils d’acier clair no 16 lisses, très
fortement tendus avec un appareil spécial. Pour être infranchissable, cette
clôture doit être rigide ; il faut donc l’accrocher sur des poteaux
d’angles très solides. Tous les 10 mètres, on la supporte par un pieu
enfoncé dans le sol. Enfin, tous les 2 mètres, on place un échalas sur
lequel seront assujettis les fils, de manière à maintenir un écartement
constant entre eux.
L’élevage en plein air demande moins de main-d’œuvre que
l’élevage en bergerie. Il faut néanmoins exercer une surveillance attentive et
constante, surtout au moment de l’agnelage. L’instinct maternel semble
cependant être accru par ce mode d’élevage, et les adoptions se font
généralement sans difficultés. On a intérêt à faire coïncider les naissances
avec la pousse de l’herbe, afin d’obtenir une lactation abondante, un sevrage
progressif et, par suite, un excellent départ de croissance pour les agneaux.
Les animaux de plein air sont exposés aux infestations
massives par les larves de strongles. Celles-ci déterminent des maladies
graves : strongyloses pulmonaire et gastro-intestinale, qui peuvent
compromettre gravement l’élevage. Il est indispensable de pratiquer périodiquement
des traitements antiparasitaires au moyen de remèdes à base de tétrachlorure de
carbone, tétrachloréthylène, sulfate de cuivre, nicotine, etc., selon les
parasites à combattre.
Le plein air, dans sa forme intégrale, s’écarte délibérément
des méthodes d’élevage habituellement en usage. Ses adversaires lui reprochent
de ne pouvoir s’appliquer partout. Reproche injuste, car il n’est pas de
méthode universelle en agriculture.
Il ne saurait être question de le voir se substituer
complètement à l’élevage en bergerie. Des expériences nombreuses montrent
cependant que, dans un pays aussi divers que le nôtre, il trouve sa place dans
beaucoup de situations. Insuffisamment connu, il n’est pas encore répandu
partout où il peut rendre des services.
À l’étranger, il s’est imposé surtout parce qu’il réduit la
main-d’œuvre et permet de tirer économiquement parti de certains terrains.
L’agriculture française s’oriente vers une diminution des
frais de production ; pour cela, elle doit modifier profondément ses méthodes.
Le plein air, qui se conçoit sur les sols riches, est aussi et surtout le moyen
de tirer parti de terres moyennes ou médiocres qui, sans lui, retourneraient à
la friche. Cette considération suffit à en justifier l’extension en un temps où
il est plus nécessaire que jamais de tirer de notre sol le maximum de
ressources.
R. LAURANS.
Ingénieur agricole.
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