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Ne voyez pas trop grand dans l’élevage de l’Angora

Dès qu’une activité s’avère intéressante, d’innombrables personnes sont prêtes à l’adopter les yeux fermés en allant trop vite en besogne. Une femelle Angora vous fournit-elle de 200 à 250 grammes de poil par trimestre — ce qui représente un remarquable rapport d’argent actuellement et chaque année, — que vous prévoyez tout de suite tenir une centaine de lapines de cette qualité ! Quelle imprudence !

Gardez-vous-en, certes, car vous ne trouveriez pas actuellement des reproducteurs de qualité en nombre suffisant. Et, comme vous seriez pressé, vous seriez tenté d’acheter le tout-venant, comptant bien que vous l’amélioreriez. Ce serait une erreur.

Par ailleurs, vous risqueriez d’être dépassé par la besogne ; car, pour produire, élever de beaux Angoras, et que ceux-ci fournissent à leur tour de belles et douces toisons, il faut les loger, les nourrir, les soigner et leur assurer une bonne hygiène.

Prévoyez donc la production de la nourriture : de la bonne verdure de légumineuses (sainfoin, luzerne, lotier, trèfle, etc.), plus de l’excellent fourrage sec pour l’hiver, et non seulement l’herbe du bord des routes. Également du grain (avoine) ; des racines et tubercules : betteraves demi-sucrières, carottes jaunes des Vosges (de premier ordre à deux fins) et rouges, topinambours, pommes de terre, etc. Quelques verdures rafraîchissantes aussi, telles que chicorées, pissenlits, pimprenelle et des choux fourragers pour l’hiver.

Car si la poule pond par le bec, le lapin Angora produit son poil par la bouche !

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Certes, il est de grands élevages industriels d’Angoras ; mais pas en France. En Italie, l’un des directeurs d’entre eux se félicite de mener un élevage d’Angoras de 7.000 têtes. Cette activité est complète, car elle file, tisse, confectionne, teint et fournit vêtements et parures achevés du poil récolté. Elle en présentait un échantillonnage à la Foire de Paris en 1946 ! Mais ses lapins, insuffisamment sélectionnés, peut-être nourris chichement, produisent de 200 à 300 grammes de poil par an, au lieu de 600 à 800 et parfois 1.000.

Un tel élevage doit donc rester familial, tel qu’il est pratiqué prudemment en France. Il est des communes, surtout dans le Saumurois, dont 80 p. 100 des ménages élèvent des Angoras qui leur assurent des revenus substantiels. Ils n’ont pas des idées de grandeur, ces braves gens, et, à l’inverse des Transalpins, ils disent : Chi va piano va sano. Inutile de jeter de la poudre aux yeux quand les résultats sont médiocres !

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Commencez donc avec un petit nombre. Certes, un bon mâle Angora peut assurer ses services à un grand nombre de femelles. Mais limitez-vous, si vous les pouvez trouver, à trois ou quatre femelles et un mâle de qualité. Vous partez ainsi sur des bases sérieuses, du bon pied !

Prévoyez de deux à trois portées par an, au maximum. Et, si la femelle Angora a plus de quatre à six jeunes, faites-la aider par une remplaçante, une nourrice, accouplée le même jour qu’elle et à laquelle vous confierez le surplus des jeunes. Si tout marche bien, chaque femelle ainsi secondée dans ses fonctions vous donnera dix-huit à vingt-quatre lapereaux, dont au moins moitié mâles, moins généreux en toison. C’est déjà très bien !

Quel capital engager ? À l’heure où j’écris, le cours du poil a dépassé 2.600 francs le kilogramme. On prévoit qu’il atteindra 3.000 francs. Constatez le chiffre de rapport brut ! Mais aussi les prix des femelles et des mâles suit celui du poil. Prévoyez donc prudemment une mise de fonds d’environ 3.000 francs par sujet, plus l’installation et l’équipement de votre clapier. Car pour récolter du beau poil, chaque Angora, mâle ou femelle, veut, à l’instar d’un prince, avoir son appartement particulier.

Vous voilà fixé pour entreprendre vos préparatifs, vous assurer de quoi composer vos menus journaliers, en attendant que je vous donne la marche à suivre pour bien conduire votre élevage.

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 498