— Le Ve Congrès international de cyclo-tourisme,
annoncé par le Chasseur Français dans un de ses précédents numéros, fut
une reprise de contact avec les fédérations étrangères, après sept ou huit ans
de sommeil complet dû aux événements. Le C. I. C. n’était qu’en
léthargie. La paix revenue, au moins les apparences de la paix, et, malgré les
difficultés encore énormes de tout franchissement de frontières, c’est avec
joie que nous vîmes venir à nous les Belges, les Anglais et les Suisses (mais
non encore les Hollandais, Suédois et Italiens) qu’animent, comme nous, l’amour
du cyclotourisme et qui sont, comme nous, régis par des fédérations à peu près
du modèle de la nôtre.
Certes, la concentration étant fixée en France, l’immense
majorité des quatre ou cinq cents participants était française, et la double
présidence de cette réunion était exercée par notre sympathique président de la
F. F. C. T. : Antonin Charles, et par celui de la C. I. C. :
Maurice Jérôme. Cependant l’assemblée générale de la matinée fut honorée de la
présence des représentants des fédérations voisines, et la journée d’Hénin-Liétard
se déroula sous le signe d’un internationalisme renaissant.
De là, d’ailleurs, le choix du point de concentration peu
éloigné des frontières, et qui, l’an prochain, pour le VIe Congrès,
se portera sur quelque région beaucoup plus « touristique » des
Vosges ou du Jura.
C’est à M. Jean Lourdeaux, président du Touring-Club Héninois,
que revient l’honneur d’avoir organisé la réunion et d’avoir groupé au pays de
nos houillères plus de quatre cents cyclo-touristes, dont quelques-uns venus de
Bordeaux, de Toulouse et de Pau, de Troyes et d’Orléans, tous par la route, sur
des vélos magnifiques, que l’on ne voit qu’en ces grandes occasions.
Citons parmi les personnalités : M. Van Omneslague,
président de la Fédération belge, M. Poujoulat, président de la Fédération
suisse, le Dr Poiteau, poète et président du syndicat
d’initiative « Les Amis d’Arras », M. Gilleron, président de
l’Amicale sportive des Houillères ... et que les autres personnages
m’excusent, la place m’étant très mesurée, de ne pouvoir les citer tous en cet
article, malgré l’éclat de leur présence et la haute valeur de leurs titres.
L’on était loin de s’attendre à telle affluence, vu le
caractère ingrat de ce pays de pavés et de charbon, de plaine et de monotonie
qui, certes, a pourtant sa grandeur et même son charme. Mais il faut, c’est le
cas de le dire, le « voir de haut ». Et c’est bien ce que nous fîmes
en nous rendant sur la crête historique où se dressent, dominant tout le pays,
le monument aux morts de Vimy et l’ossuaire de Notre-Dame de Lorette. Une
seconde guerre mondiale, non plus meurtrière pour nous, mais spectaculairement
bien plus atroce et ayant couvert de ruines toute l’Europe, a beau avoir déferlé,
depuis, sur l’univers, nous retrouvons à Vimy les tragiques émotions qui nous y
assaillaient pendant l’entre-deux-guerres, alors qu’à Guillaume II, devenu
bûcheron-hobereau, succédait déjà Hitler. Et l’on vient encore à Vimy, lieu
sacré, but immortel de pèlerinage, que j’ai revu et d’où me fut offert le plus
magnifique spectacle naturel que l’on puisse rêver : la vue de toute cette
plaine du Nord, avec ses crassiers, ses fumées, ses usines, ses canaux, ses
champs généreux, sa terre prodigue, sa richesse prodigieuse et son travail,
dans la splendeur d’un soir tranquille de mai et aux derniers rayons d’un
soleil oblique, qui jouait avec les nuages, les panaches de fumée, la grisaille
des lointains, les taches rouges des toits et l’immense damier des champs, composant
un fond de tableau à la Van Eyck, où il ne manquait, au premier plan,
qu’une kermesse flamande ; au loin, que quelques moulins à vent.
Peut-être étais-je le seul, à cette heure, à savourer
jusqu’à l’extase ce stupéfiant panorama où m’était révélée la véritable beauté
des paysages du Nord, celle-ci échappant totalement aux 9/10 des touristes qui
ne regardent que les cathédrales et ne se dirigent que vers les curiosités
garanties.
Puissent ces lignes constituer une tentative de
réhabilitation de cette région un peu sévère, et, tombant sous les yeux de
notre dévoué et ingénieux organisateur de la réunion d’Hénin-Liétard, lui faire
éprouver qu’un au moins de ces centaines de cyclo-touristes qu’il reçut et
dirigea avec tant de zèle et de dévouement n’est pas insensible au charme
secret du pays où il habite et où son appel sportif a été massivement entendu
et sa compétence appréciée de tous.
Henry DE LA TOMBELLE.
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