La publication, retardée par la guerre mondiale, des
observations recueillies lors des derniers Jeux olympiques (Berlin 1936) permet
des déductions intéressantes, du fait qu’elles portent sur 4.700 athlètes
appartenant à 42 nations différentes et qu’elles ont été recueillies par
des médecins spécialisés d’origine également très disparate.
Or, si les techniques d’entraînement sont assez différentes
selon les pays, le régime alimentaire des hommes à l’entraînement était à peu
près analogue et permet de fixer une moyenne raisonnable pour la majorité des
athlètes.
Ce qui frappe, c’est la quantité relativement faible de
viande consommée, pour des athlètes soumis à des efforts intenses. Certes, chez
les athlètes du type « force » (haltérophiles, lutteurs), on note des
rations de viande élevées, de l’ordre de 1 kilogramme, ce qui se conçoit
dans cette spécialité. Mais les athlètes « légers » (coureurs,
sauteurs, sports par équipes) n’en consommaient que de 500 grammes
(Nordiques) à 800 grammes (Sud-Africains et Sud-Américains). On utilisait
surtout le bifteck et les grillades, mais jamais de mayonnaise ni de sauces
liées à la farine. Il s’agit, en effet, d’éviter tout ce qui peut retarder les
phénomènes de la digestion.
On note, au contraire, une consommation abondante de sucre
(125 à 250 rammes par jour), de lait (1 à 2 itres), de légumes
tendres, salades, tomates, fruits d’Europe ou exotiques. Le genre de pain
variait avec la nationalité.
La question de la viande est particulièrement délicate.
Dépasser la ration moyenne entraînerait une intoxication rapide, car on a
constaté qu’au cours d’un effort prolongé et intense les déchets toxiques
trouvés dans l’urine et dans la sueur peuvent devenir jusqu’à soixante fois
plus abondants que chez le sujet au repos. Ce qui, malgré l’extraordinaire
faculté d’élimination dans ces mêmes conditions, ne pourrait être longtemps
supporté.
Mais descendre au-dessous de ces moyennes nuirait à la
performance. Car un certain taux de corps azotés est nécessaire, ces substances
ayant sur le muscle en action des propriétés « explosives » d’autant
plus utiles que l’effort à fournir est plus grand dans l’unité de temps. La
viande et le sucre maintiennent aussi le muscle à la chaleur nécessaire pour
produire son travail maximum.
On sait aussi qu’après l’effort les tissus présentent une
tendance surprenante à faire des économies. Or il n’est pas possible que
l’athlète, qui pour maintenir sa forme doit conserver son poids optimum, et qui
va demander à son organisme une dépense maxima, ait des tendances à l’épargne.
Ses réserves doivent être au complet, pour être plus facilement dépensées.
Ces moyennes étant établies, il appartient à l’entraîneur de
les interpréter. Les sujets maigres et asthéniques, qui constituent le
recrutement des coureurs de fond et des exercices d’adresse, n’aiment pas la
viande. Au contraire, les sujets vigoureux, à muscles courts et trapus, la
consomment avec plaisir, parce qu’ils en ont besoin pour la dépenser
rapidement. Or la viande et le sucre sont prêts à être utilisés sur-le-champ,
en vue de l’effort intense et de courte durée, alors que les protéines
végétales ont à subir, dans la digestion, de longues transformations,
favorables à leur utilisation au cours d’un effort moins intense, mais de
longue durée.
Ces quelques notions donneront au profane une idée du rôle à
la fois utile et passionnant qu’ont à remplir le médecin sportif et
l’entraîneur, pour amener l’athlète, sur le chapitre « alimentation »
tout comme sur le chapitre « technique et tactique », à son meilleur
rendement, au moment voulu, pour une épreuve déterminée.
Dr Robert JEUDON.
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