Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°615 Août 1947  > Page 540 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

L’arbre fruitier

Le rôle de la tige

La tige joue un rôle assez complexe, elle soutient, par l’intermédiaire des fibres du bois, les rameaux, les feuilles, les fleurs et les fruits. Elle conduit la sève des racines aux feuilles, aux fruits et aux organes de réserves pour les vaisseaux du bois.

L’eau du sol dissout les matières minérales solubles, pénètre, à travers les membranes des poils absorbants de la racine, dans les vaisseaux dont elle est constituée. Ce liquide continue sa marche ascendante, passe dans la tige et parvient aux feuilles. Cette eau est attirée par le vide provoqué par la transpiration active de ces organes. Sous l’influence de cette évaporation, la sève se concentre en perdant son eau. Elle se charge ensuite des matières organiques élaborées par les feuilles.

Cette sève montante, ou sève brute ainsi modifiée, est désignée sous le nom de sève élaborée ou sève descendante. Elle se répartit dans tous les organes de la plante en empruntant les vaisseaux du liber. L’arboriculture utilise ce dispositif pour augmenter l’arrivée de la sève sur un œil de taille qui ne s’est pas développé, sur un rameau faible pour le revigorer. Le cran, ou entaille, est un barrage partiel destiné à assécher la sève élaborée de façon à la faire influer vers une ou plusieurs voies latérales. Pour produire tout son effet, le cran doit pénétrer dans le bois et en couper les premières assises, de manière à interrompre la circulation de la sève.

L’entaille consiste à enlever à la serpette, au-dessus d’un œil d’une branche, une bande d’écorce et d’aubier sur une largeur de 2 à 4 millimètres et sur une longueur variable avec la grosseur de la branche ou du rameau à entailler. L’entaille faite au-dessus d’un organe (œil, rameau, branche) le fortifie ; faite en dessous, elle l’affaiblit. Les entailles coupent un certain nombre de vaisseaux libériens, interrompent ainsi l’ascension des liquides au profit de l’œil dont on veut favoriser le développement. Cette interruption n’est pas complète pour la partie située au-dessus de cet œil, car, les vaisseaux du bois s’anastomosant, la partie supérieure de ceux qui ont été tranchés reçoit, à quelques centimètres au-dessus de l’entaille, de leurs voisins restés intacts, la sève nécessaire à la nourriture des bourgeons.

Ceci explique comment un bourgeon trop vigoureux, à la base duquel on a pratiqué une entaille, est affaibli, mais ne meurt pas. On pratique rarement l’entaille en dessous d’un œil, on risque de l’annuler. Il est préférable d’éborgner, afin qu’il donne naissance à des yeux stipulâmes, toujours moins vigoureux, parce qu’ils entrent plus tard en végétation.

L’incision longitudinale consiste à faire à la serpette, le long de la tige, de la branche, un trait qui entamera l’écorce. Cette opération favorise la multiplication des cellules de la zone génératrice emprisonnée dans l’écorce et on favorise par suite le grossissement de la tige ou de la branche. Cette incision doit être effectuée sur la partie regardant le nord. Les lèvres de la plaie s’ouvriront sous l’effort de l’accroissement et découvriront ainsi les tissus tendres qui pourraient être desséchés par les rayons du soleil, s’ils s’y trouvaient exposés. Lorsqu’on applique l’incision à une branche, elle sera faite en dessous pour la même raison.

L’incision longitudinale donne en général de bons résultats, elle n’apporte aucun trouble dans la fonction naturelle des organes et les favorise toujours. Elle peut rendre la vigueur à un arbre, ou une branche, qui dépérissent par suite du durcissement de l’écorce. Mais elle ne saurait être efficace dans le cas où l’arbre serait malade ou mal alimenté.

L’incision annulaire. — Cette opération se pratique sur la vigne pour obtenir des grappes plus grosses, plus sucrées, mûrissant plus tôt, que celles des sarments non soumis à cette pratique. Pour cela, il faut que l’écorce soit enlevée complètement et le bois mis à nu, sans cependant être atteinte par la lame de l’inciseur, sorte de pince dont chaque branche porte deux lames parallèles qui limiteront l’anneau, d’écorce enlevé. Il faut manier cet instrument avec précaution ; l’opérateur, s’il mesure mal la pression qu’il doit exercer, sectionne complètement le sarment, ou ne l’entame pas assez pour bien détacher toute l’écorce. Enfin il faut que l’incision embrasse tout le tour du sarment. Ces difficultés ont été supprimées par la mise dans le commerce d’inciseurs pince-sève, qui entaillent automatiquement à la profondeur voulue.

Les vaisseaux du bois s’épaississent avec l’âge, les cellules durcissent de plus en plus, et la région centrale du bois participe d’autant moins à la circulation de la sève et à la vie de l’arbre. Par contre, cette région acquiert de précieuses qualités tant au point de vue de son rôle de soutien que de son utilisation ultérieure comme bois d’œuvre ou de chauffage.

Dans les arbres âgés, on distingue deux régions l’une centrale, dure, de couleur sombre, le cœur ; l’autre de teinte plus claire, constituant des couches jeunes, ou l’aubier. Cette couche est la seule empruntée par la sève pour arriver aux feuilles. Ce qui explique que la vie de l’arbre peut se continuer lorsque le cœur du bois est attaqué par les champignons, ou détruit par les insectes xylophages.

La tige est une réserve ou s’accumule la sève élaborée vers la fin de l’été, dans les rayons médullaires, qui s’ajoute à celle non utilisée dans les vaisseaux du liber. Ces réserves serviront au printemps à la floraison et à la formation de feuilles. Grâce à ces réserves, les arbres plantés à l’automne pourront former au printemps du tissu cicatriciel sur la coupe des racines habillées. De nouveaux organes d’absorption se forment pour faciliter le départ de la végétation des arbres replantés. Les boutures, les greffons utilisés au printemps seront coupés sur des arbres sains, après la chute des feuilles, afin qu’ils renferment des réserves dans leurs tissus, pour assurer la formation des jeunes racines aux boutures et la reprise des greffes.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°615 Août 1947 Page 540