L’insémination artificielle, pratiquée à l’étranger depuis
longtemps, n’était pas, avant la guerre de 1939, entrée en France dans le
domaine de l’utilisation pratique.
Nous sommes actuellement en train de rattraper le retard que
nous avions pris. Des coopératives d’insémination existent déjà et d’autres
sont en voie de création.
Cette méthode consiste essentiellement à récolter la
substance séminale du mâle, à la diluer, à la conserver, puis à l’injecter à la
femelle au moyen d’une seringue appropriée.
Ce système peut-être appliqué à toutes les espèces avec une
plus ou moins grande facilité. Dans notre pays, on l’emploie couramment dans
l’élevage des espèces chevaline et bovine. Elle n’a pas fait encore l’objet
d’une utilisation pratique pour les autres espèces animales, bien que les
travaux poursuivis dans les laboratoires de la Bergerie nationale de
Rambouillet et de l’École nationale d’Agriculture de Grignon aient permis de
mettre au point une technique simple pour les animaux domestiques de format
moyen.
L’insémination artificielle est largement répandue à
l’étranger : l’U.R.S.S., l’Italie, les États-Unis, l’Angleterre, le
Danemark, etc., l’emploient couramment, en raison des nombreux avantages
qu’elle présente.
Ceux-ci sont de plusieurs ordres : d’abord et surtout
la possibilité d’aboutir rapidement à une amélioration du cheptel par un emploi
prolongé et étendu des géniteurs d’élite.
C’est ainsi qu’un taureau peut suffire pour 500 ou 600 vaches,
alors que, par la méthode naturelle, on ne dépasse guère 150 femelles.
On peut utiliser les taureaux pendant un temps beaucoup plus
long. Certaines stations anglaises possèdent des mâles de douze ans donnant
encore pleine satisfaction.
On comprend que, grâce à un emploi plus complet des
géniteurs, les éleveurs peuvent consacrer une somme importante à leur
acquisition et obtenir ainsi des sujets de choix.
Ce système permet donc d’agir efficacement sur
l’amélioration du cheptel d’une région. C’est une des principales raisons pour
lesquelles il se développe.
Aux avantages d’ordre économique s’ajoutent des avantages
d’ordre sanitaire. Ce moyen permet d’éviter la propagation des maladies
transmissibles par le taureau et de lutter contre certaines causes
d’infécondité des femelles. Chaque centre pouvant suivre les animaux inséminés
aura la possibilité de dépister les vaches stériles, de faire entreprendre leur
traitement par un vétérinaire.
Le premier centre d’insémination créé en France en 1946, à
La Loupe, a été rapidement suivi de nouvelles réalisations, et,
actuellement, cette formule est en plein développement dans notre pays.
On possède maintenant une expérience suffisamment longue
pour savoir qu’un centre d’insémination peut fonctionner facilement et rendre des
plus grands services.
Les écueils à éviter ne sont pas d’ordre technique, la
méthode est bien au point et donne de bons résultats entre les mains de
techniciens entraînés. Ils sont plutôt d’ordre économique.
Le taureau étant appelé à avoir une nombreuse descendance
doit être un améliorateur. S’il en était autrement, il aurait une influence
désastreuse sur la qualité du cheptel de toute la zone d’action du Centre. Or
les bons taureaux ne sont pas très nombreux, et leurs caractères extérieurs
sont parfois insuffisants pour apprécier leur qualité de raceurs.
L’aspect de la descendance permet seule de vérifier la
valeur du géniteur. Cette descendance devra donc être suivie attentivement afin
d’écarter très rapidement de la reproduction les mâles médiocres.
Néanmoins, la connaissance de l’ascendance permet de se
faire une opinion qui, si elle n’entraîne pas une certitude absolue, permet
cependant de réunir de fortes présomptions quant à la qualité de la
descendance.
Il n’en reste pas moins que ce choix est délicat et doit
retenir toute l’attention des dirigeants du Centre.
L’achat d’un taureau de haute qualité et la méthode même
entraînent des frais tels qu’on ne peut espérer, par ce moyen, diminuer le prix
des saillies. Mais il faut se pénétrer de cette vérité, que le but de
l’insémination artificielle n’est pas de réaliser des économies, mais
d’accroître la qualité du bétail.
Des fraudes et substitutions de semences sont
possibles ; ce risque est peu important, car toute une législation vient
d’être édictée et on est en droit de penser que les contrôles auxquels doivent
se soumettre les centres d’insémination rendent à peu près impossible les
fraudes de ce genre.
L’insémination artificielle entre les mains d’associations
d’éleveurs avertis est donc un puissant moyen d’amélioration du bétail. Il est
heureux que notre pays l’utilise à son tour ; ses effets ne tarderont pas,
espérons-le, à se manifester dans nos grandes régions d’élevage.
R. LAURANS,
Ingénieur agricole.
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