S’il ne faut pas déranger inutilement les abeilles, ainsi
que nous le disions dans notre dernière causerie, il existe cependant des cas
où une inspection urgente peut se révéler indispensable ; il convient
alors de procéder avec une certaine discrétion, afin d’éviter de provoquer la
mauvaise humeur des butineuses.
Dans la manœuvre des ruches, l’opérateur se tiendra, autant
que possible, derrière ou sur le côté de la ruche visitée et non devant
l’entrée, pour ne pas contrarier le vol des butineuses et s’exposer à recevoir
des piqûres, et il fera toujours usage de fumée, dans la mesure où ce sera
nécessaire.
Il opérera lestement, mais sans hâte fébrile ni énervement,
et surtout sans violence ni brusquerie, car nos « dames piquantes »
n’aiment pas à être bousculées, ni malmenées ; autrement, elles jouent de
l’aiguillon en réponse aux mauvais procédés.
Et puis on choisira le moment le plus opportun pour faire
les visites indispensables. Le meilleur moment pour travailler aux ruches est
le matin, après la sortie des butineuses, les abeilles sont alors plus calmes,
la population moins dense, et l’apiculteur lui-même plus dispos. On peut,
jusqu’aux heures les plus chaudes, exécuter sans danger de piqûres nombre
d’opérations qui, plus tard, irriteraient les abeilles.
Si le pillage était à craindre, comme il arrive au temps de
disette, on renverrait les visites au soir, avant le coucher du soleil, parce
qu’à ce moment les fureteuses sont moins nombreuses, le déclin du jour invitant
les abeilles du dehors à rentrer à la ruche. C’est cette heure tardive qui,
pour la même raison, convient le mieux pour les réunions et pour le
remplacement des reines. Quant au nourrissement des essaims, il devra se faire
encore plus tard, lorsque toutes les abeilles qui vont aux champs auront
réintégré le domicile.
Le milieu du jour, surtout en été, ne convient ni aux
abeilles, ni à l’apiculteur. Il faut donc s’abstenir d’ouvrir les ruches en
pleine chaleur, à moins qu’on n’ait à faire une opération très rapide, comme
l’adjonction d’une hausse, qui ne trouble pas profondément la colonie. S’il
s’agissait, au contraire, d’enlever les hausses, l’heure serait mal choisie,
puisque c’est le moment où les abeilles sont le plus excitées et, dès lors,
plus promptes à défendre leurs pénates.
C’est le matin, après la sortie des butineuses, qu’il y aura
le moins de danger à faire la récolte, parce que les abeilles sont plus calmes.
Le pillage ne sera guère à craindre, si on emporte aussitôt au laboratoire les
hausses pleines de miel et si on a soin de ne pas laisser couler de miel au
rucher. Mais c’est le soir qu’on retournera aux ruches les hausses extraites à
sécher.
Il pourra se rencontrer parfois certaines colonies plus
acariâtres qui ne se laissent pas facilement visiter, à tel point qu’un
apiculteur même aguerri n’ose les aborder. Si la fumée ne suffit pas pour les
maîtriser, on pourra user du procédé qui consiste à asperger d’eau fraîche,
sous forme d’une pluie fine, les mouches indomptables. Mais nous conseillerons
plutôt, une fois la ruche découverte, d’asperger légèrement les abeilles d’eau
miellée ou de sirop de sucre. C’est le meilleur moyen de changer l’humeur des
récalcitrantes, qui ne seront bientôt plus occupées qu’à se gorger de liqueur
et ne songeront plus à la résistance.
Certains usent, en pareille occurrence, d’un linge phéniqué,
large bande de toile imbibée d’une solution de phénol étendu de moitié
eau ; mais l’odeur, qui déplaît aux abeilles et qui le plus souvent les
mate, ne fait quelquefois que les rendre plus méchantes. La recette n’est donc
pas infaillible.
Ce sont là, d’ailleurs, des exceptions plutôt rares, car,
d’ordinaire, en observant les prescriptions que nous venons de donner et en
opérant opportunément, la visite des ruches, qui paraît à plusieurs redoutable,
devient plutôt un agrément, et l’apiculteur s’aperçoit vite qu’en manœuvrant
comme il faut le danger des piqûres est en quelque sorte inexistant.
P. PRIEUR.
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