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Les baux à loyer d’habitation

Le droit de reprise

Jusqu’au 1er avril 1947, les locataires de loyers d’habitation bénéficiaient d’une prorogation de plein droit. Celle-ci était même opposable au propriétaire qui voulait reprendre les lieux loués pour les habiter lui-même ou les faire habiter par sa famille.

La loi du 28 mars 1947 a étendu jusqu’au 1er août 1947 le bénéfice de cette prorogation en faveur des locataires, qui sera vraisemblablement maintenue après cette date, mais elle a rétabli, par contre, le droit de reprise du propriétaire sous certaines conditions, bien entendu.

Le droit de reprise du propriétaire est réglementé en ce sens que la loi :

a. Énumère les bénéficiaires au profit desquels il peut jouer ;
b. Limite le nombre de fois qu’il peut être exercé ;
c. Exige certaines conditions de la part du propriétaire ;
d. Refuse de l’autoriser lorsque le locataire se trouve dans certains cas ;
e. Subordonne l’exercice de ce droit à un délai de préavis.

a. Le droit de reprise peut être invoqué par le propriétaire qui veut habiter lui-même l’immeuble loué ou le faire habiter par son conjoint, ses ascendants ou ses descendants ;

b. Il est bien précisé que le droit de reprise ne peut être exercé qu’une seule fois par le propriétaire, quel qu’en soit le bénéficiaire.

c. Le propriétaire a à remplir les conditions ci-après :

1° Il doit être de nationalité française ;
2° S’il a acquis à titre onéreux l’immeuble loué, il faut que cet achat soit antérieur au 2 septembre 1939 ;
3° Il ne doit pas disposer d’une habitation correspondant à ses besoins normaux ou à ceux de sa famille ;
4° Il est tenu, si l’immeuble loué se trouve dans une localité où existe un office du logement ou bien dans laquelle est perçue la taxe de compensation prévue par l’ordonnance du 11 octobre 1946, de prouver que l’occupation des lieux qu’il veut reprendre sera suffisante au sens de cette ordonnance.

d. Pour que le droit de reprise puisse être exercé, il ne faut pas non plus que le locataire ou l’une des personnes vivant habituellement avec lui se trouve dans l’une des situations suivantes :

— âgé de plus de soixante-cinq ans ;
— atteint d’une maladie ou infirmité grave dûment constatée ;
— chef de famille d’au moins trois enfants habitant avec lui ;
— ayant une famille plus nombreuse que celle de la personne au profit de laquelle le droit de reprise est demandé.

Toutefois, s’il s’agît d’une localité dans laquelle existe un office du logement ou bien est perçue la taxe de compensation prévue par l’ordonnance du 11 octobre 1945, il est exigé que le locataire remplisse les conditions d’occupation suffisante des lieux qu’il habite.

e. Le locataire doit être prévenu du danger qui le menace.

Il est exigé que le propriétaire qui veut exercer le droit de reprise l’en prévienne dans le délai en usage dans la localité et au moins six mois à l’avance.

Ce préavis doit être signifié par acte extrajudiciaire.

L’acte doit indiquer, à peine de nullité :

1° La date et le mode d’acquisition de l’immeuble ;
2° L’adresse du propriétaire et les conditions dans lesquelles il est logé, ainsi que les membres de sa famille ;
3° Les personnes qui doivent occuper les locaux.

Naturellement, le législateur a prévu le cas où des fraudes pourraient s’exercer en cette matière et il a édicté des sanctions.

Obligation est faite au propriétaire ayant exercé le droit de reprise d’occuper ou de faire occuper, conformément aux déclarations précisées dans son congé, les locaux laissés vacants par le locataire, et cela dans un délai de six mois à compter du départ de celui-ci et pendant une durée minimum de trois ans.

En cas d’infraction à cette règle, une quadruple sanction pourra intervenir contre lui.

Il sera d’abord déchu de tout droit de reprise.

Une amende civile de 3.000 à 300.000 francs sera prononcée contre lui.

Il devra, au locataire congédié, une indemnité qui ne pourra être inférieure à une année du local précédemment occupé, ni supérieure à cinq années, sans que le locataire ait à faire la preuve d’aucun préjudice.

Le locataire, en cas de non-occupation des locaux, pourra demander la réintégration, mais, dans ce cas, l’indemnité précitée ne lui sera pas due.

Toutefois, il importe de remarquer que cette déchéance du propriétaire ne sera pas encourue et l’indemnité ne sera pas due si l’exercice normal du droit de reprise a été empêché par un cas fortuit ou de force majeure.

L. CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°615 Août 1947 Page 554