Un lecteur me demande de consacrer une chronique à la
sclérose ; pour lui donner satisfaction, c’est tout un chapitre de
pathologie qu’il me faudrait écrire, ce qui n’aurait, je le crains, pas grand
intérêt, pour les lecteurs du Chasseur Français ; je veux donc me
limiter, et encore d’une façon sommaire, à la sclérose artérielle, affection
que mon correspondant avait probablement en vue.
Alors que les tissus spécialisés qui forment nos organes,
une fois constitués, n’ont presque aucune tendance à se régénérer s’ils sont
blessés ou détruits, le tissu conjonctif, qui leur sert de soutien, est, au
contraire, doué de prolifération et vient combler les vides ; c’est ce qui
se produit dans la cicatrisation des blessures.
Lorsque, par suite d’intoxications ou simplement de
vieillissement, les cellules musculaires des parois artérielles perdent leur
résistance, elles sont remplacées par des éléments conjonctifs plus résistants,
mais aussi plus rigides ; la paroi des artères devient plus dure, moins
souple. Il en résulte, lorsque ce processus est tant soit peu généralisé, des
troubles plus ou moins graves dans la circulation du sang, pour laquelle la
souplesse des artères est un élément primordial.
Que l’artère se dilate ou qu’elle se rétrécisse, le cœur
devra fournir un effort plus grand et devra s’hypertrophier, aussi l’un des
premiers effets sera d’accroître la pression du sang, c’est-à-dire de produire
l’hypertension.
Tous les accidents de l’artériosclérose relèvent de cet
excès de pression dans les vaisseaux devenus plus fragiles et de l’insuffisance
d’irrigation des organes. Le foie, le rein, le cerveau, pour ne citer que les
principaux, mal nourris, présenteront, à leur tour, une tendance à se laisser
envahir par le tissu conjonctif, à se scléroser. Ces réactions se produiront
tantôt dans l’un de ces organes, tantôt dans un autre, bien rarement dans tous
à la fois. Il peut en résulter des accidents, dont les plus graves viennent du
cerveau ; si les artères, rétrécies, ne nourrissent plus suffisamment les
cellules nerveuses ; celles-ci dégénéreront, laisseront une lacune due à
un foyer de ramollissement, affection fréquente chez les vieillards ; si
ces artères, devenues fragiles, reçoivent, à la suite d’un effort ou par une
cause quelconque, une brusque élévation de pression, elles pourront se rompre
et alors donner lieu à une hémorragie cérébrale, souvent mortelle.
Fort heureusement, ces accidents graves ne sont pas
inéluctables, et nombre d’artério-scléreux parviennent à un âge avancé à
condition de suivre une hygiène et un régime sévères.
Les symptômes sont, les uns objectifs, c’est-à-dire
facilement accessibles à nos sens ou à nos moyens d’investigation ; les
autres, fonctionnels, traduisent la souffrance des organes.
La palpation des artères superficielles renseigne déjà sur
l’état de leur paroi ; au poignet, l’artère radiale se montre dure,
irrégulière, « en trachée de poulet », en « tuyau de
pipe » ; à la tempe, l’artère temporale, toujours visible, est dure,
flexueuse, turgescente. L’auscultation, la percussion révéleront l’hypertrophie
du cœur, et le sphygmomanomètre indiquera l’élévation de la pression
artérielle.
Bien que l’artério-sclérose soit surtout une maladie de
vieillard, on peut l’observer chez des sujets encore jeunes, particulièrement
chez ceux qui ont le triste privilège de posséder une hérédité arthritique.
L’aspect extérieur peut rester florissant, mais ; bien souvent, les artério-scléreux
sont amaigris, de teint gris jaunâtre, avec une peau amincie, sèche et flétrie,
et donnent l’impression d’être plus âgés qu’ils ne le sont réellement. On note
souvent des sensations désagréables dans les membres, allant du fourmillement
jusqu’à des crampes douloureuses et la sensation de « doigt
mort » ; parfois on observe une boiterie, une claudication intermittente.
Beaucoup plus sérieux sont, en cas d’oblitération
artérielle, les cas de gangrène des extrémités, qui, jusqu’ici, nécessitaient
obligatoirement des amputations, et qui vont, espérons-le, bénéficier d’une
nouvelle méthode, récemment publiée aux États-Unis, qui a déjà permis de sauver
des membres en grande partie gangrenés.
Le traitement est avant tout d’ordre hygiénique : vie
au grand air le plus possible, en évitant les efforts et tout surmenage et,
autant que faire se pourra, les émotions ; les bains carbo-gazeux sont
utiles, ainsi que certaines cures thermales du genre Évian ;
l’hydrothérapie doit être très prudente, car beaucoup de ces malades réagissent
très mal à l’eau froide. Les frictions au gant de crin sont à recommander.
Comme médicaments, on usait, et on use encore, surtout des
iodures et des différentes combinaisons iodées ; d’autres médicaments
capables de produire la dilatation des petits vaisseaux et, par conséquent, de
faciliter la circulation sont actuellement à l’étude.
Quant au régime alimentaire, il sera plus ou moins sévère,
selon les cas ; d’une façon générale, on en exclura toujours les aliments
toxiques ou excitants : gibier, charcuteries travaillées, plats épicés,
alcools. La viande sera prise en petite quantité ; qu’elle soit blanche ou
rouge n’a pas l’importance que certains attachent à cette question ; le
vin, pris en quantité modérée, n’est pas toujours contre-indiqué ; en
somme, l’alimentation sera surtout végétale, et il y a intérêt à faire, une
fois par semaine, par exemple, un jour de demi-restriction, ne comportant que
des légumes. Ce qui importe, c’est de ne jamais faire de gros repas, de ne pas
surcharger l’estomac, de diviser plutôt la ration en un plus grand nombre de
repas, et ceci concerne aussi les boissons ; rien de plus dangereux pour
un malade dont le système artériel est fragile et le cœur déficient que
d’ingurgiter rapidement une trop grande quantité de liquide, surtout froid,
fût-ce de l’eau pure.
Dr A. GOTTSCHALK.
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