Bien que la question des gros calibres de chasse ait, à
plusieurs reprises, déjà été traitée dans ces colonnes, quelques lecteurs nous
demandent de la reprendre succinctement ; nous leur donnerons aujourd’hui
satisfaction en examinant ci-après les conditions d’emploi des armes dont le
calibre est supérieur au calibre 12.
Nous classerons ces armes en deux catégories : les
armes portatives destinées à être tirées à bras francs, et les armes destinées
à être tirées sur affût ou sur appui.
Dans la catégorie des armes portatives, nous trouverons, en
premier lieu, des fusils canardiers à un ou deux coups du calibre 10. Très
voisins des armes de chasse ordinaires, ils s’établissent munis de solides
systèmes de fermeture, avec un poids de 3kg,800 à 4 kilogrammes ;
chambres de 75 millimètres et canons de 75 à 80 centimètres. Leur charge
normale est de 45 grammes de plomb et 2gr,60 de poudre T.
Ces armes s’épaulent facilement et permettent de beaux
doublés à la quête et à la passée, mais elles doivent être portées à la
bretelle le plus souvent possible.
Le fusil à un coup du calibre 10 est intéressant pour
certaines chasses ; c’est une arme de complément pour beaucoup de
chasseurs disposant de plus gros ou plus petits calibres. Ce genre d’arme
s’établit aux mêmes dimensions que les fusils doubles, mais son poids, qui ne
dépasse guère 3 kilogrammes, nécessite l’emploi d’un sabot amortisseur.
Le calibre 8 est le plus gros, dans les armes à deux
coups, que l’on puisse manier assez rapidement pour permettre les doublés. C’est
l’arme du huttier ou du chasseur en bateau ; en voici les
caractéristiques : chambre de 80 millimètres, canon de 85 centimètres,
poids d’environ 6 kilogrammes, charge de 55 à 60 grammes de plomb
avec 3gr,40 de poudre T.
Si l’arme est destinée à la hutte, on aura tout avantage à
avoir deux canons cylindriques et à rechercher les fortes charges assez
dispersées. Pour la chasse à l’approche, en bateau, deux forages choke sont
préférables, avec le minimum de plomb et un bourrage soigné.
Nous déconseillons l’emploi de substances agglomérantes pour
la charge de plomb, ces substances, ayant l’inconvénient d’augmenter de
beaucoup les pressions. Disons à ce propos que ces armes doivent pouvoir
supporter en service courant la pression de 650 kilogrammes et, par conséquent,
avoir subi une épreuve dépassant 1.000 kilogrammes.
Le fusil canardier à un coup, calibre 8, ne présente, à
notre avis, que peu d’intérêt, étant trop lourd pour la quête et trop peu
puissant (ne pouvant doubler) à la hutte ou en bateau.
Nous examinerons maintenant les armes de la deuxième
catégorie.
En calibre 4, nous trouverons des canardières dites à
main, pour la hutte ou pour le bateau, à un seul coup, d’un poids de 12 à 15
kilogrammes, destinées à être tirées sur appui. Ces armes emploient la douille
de 100 millimètres, elles ont un canon d’environ 100 à 110 centimètres et
peuvent tirer une charge de 80 grammes de plomb avec 5 grammes de
poudre T.
On fabrique à l’étranger, dans ce même calibre, des armes
plus étoffées pouvant tirer la charge de 125 grammes. En réalité, le calibre 4
nominal varie assez sensiblement avec son origine, et ses dimensions
intérieures ne sont pas toujours identiques.
Aux environs de ces charges théoriques, il est
indispensable, aussi bien pour le calibre 8 que pour le calibre 4, de
déterminer par quelques essais en cible la charge convenant le mieux, ainsi que
la manière de prendre le guidon suivant la distance d’utilisation ; on
obtiendra ainsi le maximum de rendement.
Les canardiers calibre 4 s’établissent à bascule avec
fermeture à T anglais ou avec canon fixe et fermeture à tête mobile ou bloc de
culasse.
Au delà du calibre 4, nous avons les canons canardiers
de 32, 37, 42 et 47 millimètres. Toutes ces armes se montent sur affût, avec
ressorts amortisseurs ou même freins à piston. Elles se pointent avec une
crosse d’épaulement.
Leurs charges varient de 250 à 800 grammes de plomb. Ce sont
surtout des armes destinées à la chasse à l’approche, sur canots automobiles.
Et maintenant quel peut être le rendement de ces divers
calibres ?
Il convient, en premier lieu, de se souvenir que la portée
efficace est à la fois fonction de la puissance destructrice du grain de plomb
et du nombre d’atteintes. Sur un canard de 1kg,500 et de 3 décimètres
carrés de surface, on réalisera un compromis acceptable entre le nombre
d’atteintes et leur efficacité dans les conditions ci-après :
Calibre |
Plomb no |
Jusqu’à la portée de |
10 |
4 |
40 à 45 |
mètres |
8 |
3 |
45 à 50 |
— |
4 |
— |
50 à 58 |
— |
Il est à remarquer toutefois qu’il existe une assez grande
possibilité de compensation dans les blessures et que, d’autre part, le tir sur
des oiseaux groupés permet de risquer des coups moins garnis pour peu qu’ils
restent assez pénétrants. On se souviendra, d’autre part, que, le canard étant
très vulnérable dans la tête et le cou, on réussit assez bien avec du plomb no 6
à la passée, lorsque la distance ne dépasse pas une trentaine de mètres. C’est,
en somme, à chaque usager de régler l’emploi de ses munitions en raison de son
terrain et de son gibier, et les divergences d’opinion chez les chasseurs
s’expliquent en général assez bien dès que l’on analyse leurs habitudes.
Nous terminerons en signalant le bon rendement des canons
rayés dispersants dans le cas du tir du gibier d’eau lorsqu’il s’agit de groupes
d’oiseaux à moins d’une vingtaine de mètres du gabion ou de la hutte. On
réussit ainsi à tuer plusieurs pièces avec un calibre de chasse normal, alors
que les gros calibres n’auraient, dans ce cas particulier, aucun intérêt. Cette
particularité mérite d’être signalée, et un canon Supra complétera utilement
l’arsenal des chasseurs à la hutte.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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