Les trente-six exercices de « gymnastique
fondamentale » que nous avons groupés et décrits en trois parties
successives constituent, comme nous l’avons dit, une séance complète de culture
physique par laquelle chacun peut assurer chaque jour à son corps la
« ration d’exercice » qui est nécessaire à l’entretien de la vigueur
et de la santé.
Les personnes qui ont attendu la fin de cet exposé pour se
mettre à la pratique de cette gymnastique fondamentale ne devront pas commencer
par l’exécution complète de la série de trente-six mouvements ; ils n’en
retireraient que fatigue et déception. Il leur faudra débuter par la première
partie et n’y ajouter la seconde que lorsqu’ils seront entraînés à ces premiers
mouvements ; enfin, ils compléteront par la troisième partie, quand les
deux premières s’exécuteront facilement, à vingt répétitions de chaque
mouvement.
Un sujet jeune et sain s’entraîne aisément à la série
complète en deux ou trois semaines ; il faut un, deux, parfois trois mois
aux personnes affaiblies, âgées, ou particulièrement engourdies et tarées par
une inaction physique prolongée ; mais, avec de la persévérance et un peu
de courage, on arrive toujours, sauf en cas de maladie grave, à cet état
d’entraînement musculaire et organique qui permet d’enlever allègrement tous
les mouvements de la séance quotidienne de gymnastique fondamentale. C’est
évidemment qu’il s’est alors opéré une véritable transformation dans la qualité
des muscles et le fonctionnement des organes. Car cet ensemble de mouvements,
ces trente minutes d’exercice soutenu ne pourraient être supportés qu’à grand’peine
et au prix de fortes courbatures par un homme robuste qui n’y serait pas
entraîné ; et voici que l’enfant chétif, la femme sans force, l’adulte
déclinant n’ont aucune difficulté à s’exercer chaque jour de la sorte. Et ils
sentent bien que leur vigueur augmente, que leurs articulations
s’assouplissent, que leur circulation s’accélère, que leur respiration
s’approfondit. Toutes les faiblesses, tous les malaises dont ils souffraient s’atténuent,
puis disparaissent.
Ces résultats n’ont d’ailleurs rien de miraculeux. Ils
prouvent simplement qu’une ration d’exercice est aussi nécessaire à notre
organisme que sa ration alimentaire.
Mais, dans une ration alimentaire bien composée, il ne faut
pas choisir une ou deux substances nutritives en délaissant les autres ;
il ne faut pas non plus faire varier, en qualité et quantité, la composition de
cette ration — qui a été établie pour subvenir exactement à nos besoins de
nourriture. De même le pratiquant de gymnastique fondamentale ne doit pas
choisir quelques exercices de la série, dans l’idée qu’ils sont mieux adaptés à
son cas ou qu’ils ont quelque vertu particulière. Cette façon de faire est
assez commune. Bien des personnes extraient des diverses méthodes de culture
physique quelques mouvements dont elles se constituent leur méthode
personnelle ; ou bien elles exécutent chaque jour cinq ou six mouvements
différents choisis, au hasard de leur fantaisie, dans les milliers de
mouvements analytiques ou synthétiques qui sont possibles. Cette pratique,
meilleure que l’abstention complète, ne donne cependant que des résultats
médiocres, qu’on ne sait d’ailleurs à quels exercices il faut attribuer.
C’est l’ensemble de notre gymnastique fondamentale qui agit,
et non point chacun de ses exercices ; et l’efficacité de cette
gymnastique dépend essentiellement de son mode d’exécution. Il n’est pas
difficile de constater qu’elle met successivement en action toutes les grandes
régions musculaires ; en supprimer des mouvements, c’est supprimer leur
ration d’exercice à quelques-unes de ces régions ; c’est aussi négliger
l’assouplissement de quelques articulations.
Ne pas enlever toute la série à bonne cadence, ne pas la
terminer par les exercices synthétiques, sauts, bonds, trot sur place, c’est ne
pas stimuler suffisamment les fonctions des poumons, du cœur, des artères, des
émonctoires ; et, dans tous ces cas, c’est perdre beaucoup des bénéfices
qu’assure l’exécution correcte et complète de la série.
Lorsqu’on s’est « habitué » à cette exécution
correcte, on y persévère très aisément ; cela devient un besoin à
satisfaire, comme celui de boire et manger ; il devient de plus en plus
difficile de se passer de sa séance de culture physique. Et, quand on est
parvenu à cet état d’esprit, on possède, certes, le meilleur moyen de se
conserver vigoureux et bien portant.
La ration d’exercice ainsi prise est suffisante ; et
l’on peut s’en contenter, si l’on n’a ni le temps ni le goût de faire autre
chose. Mais, bien évidemment, lorsqu’on a, de surcroît, des aptitudes et des
ambitions sportives, on a toute licence et grand intérêt à se livrer aux
distractions et compétitions athlétiques.
Dr RUFFIER.
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