L’espoir de revoir l’essence libre, les besoins impérieux de
votre profession ou votre goût particulier de ce mode de locomotion font que
vous êtes décidé à acheter une automobile : c’est là que les difficultés
commencent. Notre parc automobile, non renouvelé depuis 1939, veut que son état
soit lamentable et, naturellement, vous jetez vos regards sur un véhicule neuf.
Or nous sommes en économie dirigée et la chose se complique. Vous êtes
peut-être fonctionnaire, commerçant ou industriel ? Une lueur d’espoir !
Vous faites alors une demande sur papier libre, à en-tête de préférence, et,
après l’avoir fait viser par votre organisme professionnel, vous l’adressez au
ministère dont relève votre activité : les agriculteurs à la direction de
la Production agricole, les commerçants de l’alimentation au haut commissariat
de la Distribution, les transporteurs aux Travaux publics, les membres de
l’enseignement à l’Éducation nationale, les industriels à la Production
industrielle, etc.
Chaque trimestre, le ministère de l’Économie nationale fait,
entre les divers ministères, la répartition des voitures neuves réservées à la
France métropolitaine. Il ne vous reste plus qu’à attendre votre licence
d’achat. Celle-ci vous permettra de prendre livraison de la voiture chez le concessionnaire
indiqué dans les deux ou six mois suivants. La licence d’achat comporte trois
volets, un réservé au constructeur, un qui fait retour au ministère intéressé,
un qui reste en vos mains pour faire immatriculer la voiture. Si vous ne voyez
pas venir votre licence, ne vous inquiétez pas outre mesure. Dites-vous bien
que, sur 2.000 Citroën 11 CV, 1.600 Renault Juva, 700 Peugeot 202, 700
Simca-5, qui naissent mensuellement, 80 à 85 p. 100 prennent le chemin de
l’exportation. En avril de cette année, par exemple, 439 voitures neuves
de fabrication française sont restées chez nous. Comment ont-elles été
distribuées ? Enlevez les parts réservées aux administrations ou
organismes plus ou moins officiels ou prioritaires, etc., ne soyez pas trop
étonné d’attendre. Le remède ? Diminuer la part réservée à l’exportation
et activer la mise en route des nouvelles chaînes de voitures ultra-légères.
Pour ces dernières, l’étranger, qui, lui, ne vit pas dans un monde technique
rendu anormal par le prix prohibitif de l’essence, après un court succès de
curiosité, nous les abandonnera sans regret. C’est ainsi que la chaîne de la 4 CV
Renault commence à démarrer ; on espère en la cadence de 300 par jour au
début de l’an prochain ; la 4 CV « Dyna » Panhard
s’ébranlera en série pour le Salon d’octobre ; Rovin escompte 5 voitures
par jour prochainement ; Julien et Bernardet ne disposent pas
d’attributions de matières premières et, de plus, leurs moyens de production
sont limités ; Georges Irat travaille toujours sur son prototype ;
quant à Mathis, il semble abandonner, pour l’instant du moins, la construction
automobile. Il est vrai que chez les trois grands : Peugeot, Simca,
Citroën, on nous annonce de nouveaux modèles légers en préparation. Nous les
verrons peut-être au Salon.
Enfin, il se peut que vous remplissiez les conditions
nécessaires pour acquérir une voiture de fabrication française destinée à
l’exportation. Ces dernières ne peuvent être acquises que par des étrangers
contre paiement en devises « fortes » par l’intermédiaire d’une
banque étrangère. Pour le séjour en France de ces véhicules, ils doivent être,
bien entendu, placés sous le titre douanier triptyque, renouvelable chaque
année. Ils ne peuvent être ni vendus, ni loués, ni prêtés, ni mis en gage. À
l’expiration du triptyque (un an), la voiture doit être obligatoirement
exportée.
Reste les marchés étrangers, autrement dit l’achat de
voitures neuves de provenance étrangère, notamment des U. S. A.,
d’Angleterre, du Canada. Ici, aucune licence d’importation n’est accordée aux
Français. Les étrangers résidant en France peuvent obtenir une licence
d’importation sous réserve que le paiement ait lieu en devises étrangères et
que ces avoirs ne soient pas bloqués, gelés ou frappés de tout autre
immobilisation. Ils ne peuvent revendre leur véhicule avant deux ans.
Certains étrangers peuvent disposer de leur voiture, comme
par le passé, sans triptyque, et bénéficier de l’admission temporaire. Si leur
séjour se prolonge au delà de la durée du triptyque, ils peuvent demander une
licence d’importation et nationaliser leur voiture. Ils seront alors frappés
d’interdiction de revente pendant deux ans. Notons que, si tout cela paraît
assez simple sur le papier, il n’en est pas de même en pratique. Chaque pays a
une réglementation des changes plus ou moins compliquée, où l’on trouve devises
entravées et devises libres, cours officiels et cours officieux. Mais vous êtes
Français et toutes ces spéculations vous laissent froid. Votre seule lueur
d’espoir a été la liberté rendue au marché des véhicules utilitaires à essence,
depuis le 1er juillet, et d’un tonnage allant de 250 kilogrammes
à 5 tonnes. C’est, certes, un premier pas. Saluons-le avec joie.
Il est vrai qu’en raison des engagements antérieurs les
délais de livraison sont très longs. Quant aux autocars et aux véhicules d’un
tonnage supérieur à 5 tonnes, les licences d’achat sont toujours exigées.
C’est l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de chaque département qui
assure la répartition du contingent qu’on lui alloue trimestriellement. Les
demandes de licence d’achat sont adressées aux concessionnaires de la marque
choisie par l’acquéreur.
De guerre lasse, vous avez peut-être abandonné votre idée
d’acheter du « neuf ». Le marché de l’occasion vous tend, dès lors,
les bras. Les Domaines effectuent des ventes de matériel d’occasion aux
prioritaires économiques et sociaux. Peu d’élus : 1 sur 2.000, disent les
statistiques ! Il est vrai que tout le monde peut participer aux ventes
aux enchères des Domaines. Enfin la Société nationale de vente des surplus
renforce journellement le marché automobile par ses ventes. Sa réglementation,
qui s’adresse surtout aux patentés de l’automobile, est assez complexe. Nous y
reviendrons. Reste enfin le marché des voitures d’occasion, qui vient de
retrouver, lui aussi, sa liberté des prix. Les tendances du marché parallèle
d’hier se sont trouvées confirmées.
G. AVANDO,
Ingénieur E. C. P.
|