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Que penser des hormones ?

La question des hormones est particulièrement à l’ordre du jour, et il est peu d’éléments de progrès qui suscitent pareille curiosité et qui aient été admis et adoptés d’emblée comme celles-ci. On attend d’elles des résultats magnifiques dans toutes les branches de la production végétale, et qui, d’ores et déjà, apparaissent comme réalisables et comme devant même être dépassés.

Nous allons passer la question simplement en revue, car il faudra vous présenter au fur et à mesure des proches réalisations toutes les possibilités des hormones et les simples techniques de leurs applications.

Les hormones sont, en effet, au même titre que quelques minéraux (calcium, soufre, bore, etc.) pour le sol des substances catalytiques, des vitamines et des diastases qui agissent puissamment à des doses infinitésimales. Leurs effets sont, de plus, si rapidement et visuellement discernables que l’on conçoit l’attirance dont elles sont l’objet depuis peu d’années et les essais qu’elles motivent pour déterminer leur action sur la végétation. À tel point que la fabrication des hormones de synthèse (auxines, ou hormones artificielles, ou phyto-hormones) est largement entrée dans la pratique et s’amplifie de jour en jour.

Il semble que, pour le moment, les prix actuels des hormones de synthèse soient tels qu’ils ne sont pas toujours économiquement compensés par les résultats effectifs ; mais les prix de revient et de vente en seront très vraisemblablement diminués pour en permettre de larges diffusions et emplois.

Une hormone n’est autre chose qu’une substance interne produite, sécrétée sur un point de l’organisme qui, appliquée ou transportée sur un autre point de l’organisme, exerce une fonction- déterminée : c’est ainsi que chez les humains et les animaux, la croissance dépend des glandes closes, thyroïdes et autres, qui sécrètent des hormones. Et celles-ci sont à ce point utiles que l’excès ou l’insuffisance de leur sécrétion provoquent des troubles graves dans l’organisme.

Or il est établi que les végétaux sont soumis à l’action de substances du même ordre, quoique très différentes des hormones animales, que l’on différencie également de ces dernières, auxquelles on donne aussi les noms d’hormones végétales, auxines et phyto-hormones.

Les hormones végétales sont surtout fabriquées et sécrétées par les jeunes tissus des végétaux se répartissant de haut en bas dans les parties des végétaux chez lesquelles elles doivent exercer leur action excitatrice ou stimulatrice prépondérante, en général.

Passons rapidement en revue le rôle des hormones végétales. Elles déterminent non seulement la formation de bourrelets cicatriciels sur les coupes ou plaies des végétaux, mais aussi provoquent l’émission de racines adventives chez quantité de plantes.

Ainsi, l’émission des racines adventives de la majorité des végétaux exotiques dans les forêts équatoriales ne sont pas dues seulement à l’ambiance humide et chaude, mais aussi aux hormones, celles-ci agissant en même temps que celles-là. Il en est de même des racines adventives de chênes dans les parties humides de la Normandie, de celles des maïs, sorghos, tomates, aubergines, etc. L’application d’hormones sur le blé provoque l’émission de ces racines, fonction à laquelle il est prédisposé, mais aussi une augmentation notable de sa production.

Les hormones de croissance favorisent l’émission des racines sur les boutures de végétaux qui s’enracinent difficilement et activent celles des végétaux qui s’enracinent normalement. De même, elles déterminent la rapide naissance de chevelus sur les arbres transplantés. Elles agissent sur les premières comme les liquides à base de purin dans lesquels on trempe parfois les boutures et comme le « pralinage », bouillie de bouse de vache et de terre argileuse dans laquelle on plonge les racines des arbres pour les enduire. Aussi a-t-on fait des rapprochements, en essayant de déterminer si purin et bouse de vache ne sont pas détenteurs d’hormones.

Pulvérisez des hormones sur les tomates, aubergines, concombres, et sans doute melons, au moment de l’épanouissement des fleurs. Les hormones se substituent à l’action fécondante du pollen sur le pistil et provoquent un développement parthénocarpique des ovaires en fruits très volumineux et sans pépins, notamment de fruits à chair dense.

Pulvérisez toujours des hormones spéciales sur les fruits, vous enrayez leur chute prématurée par la formation d’une couche de cellules qui fixent les pédoncules aux tiges des arbres, à ce point que fréquemment on n’arrive plus à les détacher sans briser la branche !

L’action d’autres hormones est retardatrice ; c’est ainsi qu’appliquées sur des pommes de terre elles ralentissent considérablement les germes, indésirables pour celles de consommation. D’autres agissent de même si vous les appliquez en fin d’été sur les boutons des arbres fruitiers fleurissant tôt, de telle sorte que l’épanouissement des fleurs peut correspondre avec la fin des gelées.

Enfin, les hormones herbicides permettent de réaliser des désherbages sélectifs, la destruction de celles-ci étant totale, racines comprises.

Vous constatez qu’il y a beaucoup à attendre des phyto-hormones, dans leurs applications et leurs actions dans des buts les plus différents et même opposés. Nous y reviendrons opportunément.

A. DE BRETEUIL.

Le Chasseur Français N°616 Octobre 1947 Page 585