Dans un article paru dans Le Chasseur Français en
août 1946, nous avons déjà présenté la méthode moderne de fumure des arbres
fruitiers au pal injecteur, seul procédé permettant d’en assurer la
fertilisation rationnelle.
Le pal injecteur-doseur, rappelons-le, est un
appareil qui permet l’envoi dans le sol sous pression, au niveau des racines,
de solutions d’engrais immédiatement et totalement assimilables, en quantités
connues.
Il est bien évident que la « fumure profonde »,
complètement différente dans son action et dans ses effets de la fumure en
surface, nécessite la mise en application d’une technique spécialement étudiée,
qui suppose à son tour l’emploi d’engrais solubles convenablement choisis.
Dans une communication faite à l’Académie d’agriculture, en
1943, M. Bertrand Glaenzer exposait les résultats de ses premières années
d’expérimentation. Les essais poursuivis depuis cette époque ont permis de
mettre définitivement au point la technique de la fumure au pal injecteur.
L’expérience a montré que l’apport d’engrais en une seule
fois ne donnait que des résultats médiocres. Il est donc d’un intérêt majeur de
le fractionner en trois fois :
— au printemps, pour favoriser le départ de la végétation ;
— en été, pour aider la nouaison et l’accroissement en volume des fruits ;
— à la mi-septembre, quelle que soit la date de
la récolte, en vue de la constitution de réserves pour l’année suivante.
On peut, dans ces conditions, arriver à fournir aux arbres
une fumure dont l’équilibre entre les différents éléments fertilisants
correspond à leurs besoins alimentaires à chacune des périodes considérées.
L’emploi du pal injecteur assure aux engrais liquides une action rapide, dont
les effets se manifestent en moins d’un mois.
Différents cas à considérer.
— Compte tenu des observations ci-dessus, il convient
de réaliser les apports suivants pour des arbres adultes en pleine
production :
Au départ de la végétation : formule à dominante
phospho-potassique, assurant une bonne nouaison des fruits. Dans le cas
d’arbres exubérants, notamment, on intervient ainsi très efficacement contre la
coulure.
À la nouaison : formule riche en azote, acide
phosphorique et potasse. L’azote agit comme facteur de grossissement du fruit,
tandis que l’acide phosphorique et la potasse interviennent pour améliorer sa
qualité : maturation, parfum, coloration, richesse en sucre.
À la mi-septembre : formule à dominante
phospho-potassique, l’acide phosphorique étant un des principaux facteurs de la
mise à fruit, la potasse, de son côté, assurant un bon aoûtement des rameaux.
Considérons maintenant le cas des arbres jeunes dont on veut
former la charpente sans leur faire produire de fruits : il leur faut
essentiellement de l’azote, accompagné d’un peu d’acide phosphorique et de
potasse pour obtenir un bon aoûtement du bois.
Autre cas : celui des arbres semi-adultes, qui
commencent à produire des fruits tout en achevant le développement de leur
charpente. Azote, acide phosphorique et potasse doivent leur être abondamment
fournis. On peut assimiler à ce cas celui des arbres chétifs, végétant dans un
terrain pauvre ou se reposant de fructifications antérieures trop abondantes
pour les ressources qu’ils pouvaient trouver dans le sol.
Au contraire, des arbres exubérants par suite d’une
alimentation trop azotée pourront voir leur équilibre végétatif rétabli très
rapidement par des apports d’acide phosphorique et de potasse.
On peut donc assurer que trois formules types permettent de
répondre aux différentes situations qui peuvent se présenter dans la pratique
(le premier chiffre exprimant la richesse en azote, le second celle en acide
phosphorique et le troisième celle en potasse) :
Formule |
riche, équilibrée |
15-19-28 |
— |
à dominante phospho-potassique |
7-18-37 |
— |
à dominante azotée |
15- 4- 8 |
Le choix des formules à adopter est conditionné par l’état
végétatif de l’arbre, véritable reflet de la composition du sol sur lequel il
se développe.
Cette importante question de la détermination des formules
d’engrais complets ayant fait l’objet de nombreuses expérimentations, on peut
dire que le problème de la fumure profonde est maintenant à peu près résolu.
L’arboriculteur trouve facilement, aujourd’hui, pals
injecteurs et engrais complets solubles. Il peut entretenir ses cultures
fruitières comme il entretient du blé ou des betteraves, et ainsi obtenir en
abondance des fruits de qualité dans d’excellentes conditions économiques.
E. DELPLACE,
Directeur adjoint des Services agricoles.
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