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La pomme de terre

Isolement des variétés et des lots de plants

La sélection quanjérienne, appliquée actuellement en France par tous les syndicats de sélection, est basée à la fois sur l’épuration des cultures en cours de végétation et sur l’isolement des variétés et des lots de plants. La nocivité du rapprochement des lots de plants a été, il y a une trentaine d’années, établie pour la première fois en Europe par le biologiste Quanjer et par un agronome hollandais, un de ses élèves. Ils constatèrent que des plantes apparemment saines se contaminaient d’autant plus qu’elles étaient plus rapprochées de plantes malades.

Quanjer eut d’ailleurs l’amabilité de m’envoyer pour essais un lot de « plants purs » de la variété Paul Krüger. Je fis de ces tubercules deux demi-lots. L’un fut planté à travers une culture d’Institut de Beauvais atteinte d’enroulement généralisé, l’autre dans un champ de trèfle, à 100 mètres environ de toute autre plantation de pommes de terre. Les résultats confirmèrent dans l’ensemble la règle établie en Hollande : toutes les plantes du premier demi-lot montrèrent en fin de saison des incurvations nettes de sommet (enroulement primaire) ; presque toutes les plantes du deuxième demi-lot restèrent saines (pas d’incurvations).

La descendance de ces plantes saines fut en deuxième année utilisée dans un champ avec un écartement de 3 mètres des cultures locales. Cet écartement fut insuffisant pour éviter la contamination. Finalement, au bout de trois ou quatre ans, il ne restait plus de plantes saines de la variété hollandaise. Il est juste d’ajouter que la Paul Kruger est une variété mal adaptée dans nos terrains de montagne, ce qui explique en partie son déclin rapide.

J’ai voulu observer à nouveau, en 1946, jusqu’à quel point la rapidité de la contamination est fonction du voisinage, en opérant cette fois avec des variétés locales ou récemment introduites en haut Forez.

À cet effet, je récoltais dès l’automne 1945 dans les plantations de ma région :

Deux lots de plants dans une culture de Flourbal, l’un à 0m,60 de la variété Ackersegen (lot 4), l’autre à 10 mètres de cette dernière variété (lot 5).

La même opération fut répétée dans une autre culture de Flourbal (lot 6 rapproché, lot 7 éloigné de l’Ackersegen).

Le lot 16 fut prélevé sur des plantes apparemment saines de Flourbal situées, en 1945, à travers une culture d’Ackersegen.

Enfin des lots d’Osbote (lots 11 et 10) furent ramassés respectivement à 0m,60 et à 10 mètres de la Flourbal.

Ces différents lots furent plantés en mai 1946 sur des lignes de 200 mètres, bien séparés entre eux. Les plantes obtenues furent soigneusement examinées par le vice-président du syndicat du haut Forez et par moi-même. De ces inspections, il résulte :

Chez la Flourbal, la comparaison des lots 4 et 5 montre que le rapprochement a accru la contamination : 50 p. 100 de frisolée dans le lot rapproché et 20 p. 100 dans le lot éloigné. Dans le lot 16, le taux énorme de 60 p. 100 de frisolée a été remarqué. Par contre, le rapprochement, en 1945, de la variété contaminante (comparaison des lots 6 et 7) n’a pas eu un effet nocif.

Chez l’Osbote, le voisinage immédiat de la Flourbal (lot 11) n’a pas accru sensiblement le nombre de pieds à enroulement. Par contre, quatre cas de frisolée ont été constatés dans le lot rapproché, aucun dans l’autre.

C’est de propos délibéré que l’Ackersegen a été employée comme variété contaminante ; elle est atteinte, on le sait, de mosaïque chronique ; comme telle, sa réputation est détestable.

Ce que l’on peut conclure.

— En biologie aussi bien qu’en pathologie, il ne saurait y avoir, comme en mathématique, des lois absolument rigoureuses. On érige une règle lorsqu’il existe 70 p. 100 de cas favorables. C’est dans ce sens qu’en matière de sélection on peut assurer le bien-fondé du principe d’écartement des lignées et des familles. Sans doute un isolement, même prononcé, ne peut constituer une garantie stricte contre la contamination, mais, incontestablement, il en diminue les effets nocifs.

Pour le cultivateur non spécialisé en matière de sélection, mais qui a tout de même intérêt à conserver de bonnes semences, trois prescriptions sont à retenir des résultats ci-dessus :

Lorsqu’un bon lot est acheté à grand frais, il faut, autant qu’on peut, le mettre à part pour la semence future.

Il faut éviter de recueillir pour la plantation la récolte de grosses plantes entourées de plantes chétives.

Les lignes alternées de bons plants et de mauvais conduisent dès la première année à la contamination des premiers.

CL. PERRET.

Le Chasseur Français N°616 Octobre 1947 Page 591