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Le choix d’une race de poule

Bresse ou Leghorn ?

En raison de la disette de nourritures, notamment des grains de céréales secondaires, on préconise, depuis quelque temps, la substitution des races gallines légères, notamment la Bresse et la Leghorn, aux races demi-lourdes et lourdes. La raison ? Ces races légères consomment environ 20 à 30 p. 100 de moins de nourriture que les autres pour le même rendement en œufs.

L’on fait prévoir, en même temps, que bientôt la Bresse pourrait être l’unique race nationale ; qu’un grand avenir lui est réservé comme volaille de haut luxe (chapons, poulardes, poulets ultra-fins) et qu’elle serait expédiée aux États-Unis, à de gros prix, par bateaux isothermes !

Nous sommes interrogés à ces différents titres pour savoir :

1° si l’on a vraiment intérêt à abandonner les races à deux fins, évidemment plus largement consommatrices de nourriture ;

2° dans l’affirmative, quelle est la race légère à adopter, Bresse ou Leghorn, pour la ponte ;

3° si l’éventualité de l’exportation des volailles de grand luxe aux États-Unis est à prévoir et à réaliser dans un temps proche.

Essayons de faire le point au sujet de ces trois ordres de questions.

Il est exact que des races légères comme la Bresse noire et la Bresse blanche, ainsi que la Leghorn, particulièrement alertes et s’essaimant ou s’égayant pour trouver leur nourriture, davantage que quelques-unes des indolentes et lymphatiques races lourdes, consomment environ 20 p. 100 moins de nourriture pour un égal rendement en poids d’œufs. Mais cette considération n’est pas la seule à envisager.

Les races lourdes et demi-lourdes : Gâtinaise, Sussex herminée, Rhode-Island rouge, Wyandotte blanche, en lignées sélectionnées, présentent sur les races légères le substantiel avantage de fournir de gros poulets en plus de leurs œufs. Et vous savez qu’en élevage fermier cette double aptitude est d’un gros poids, sans jeu de mots !

Par conséquent, si les sujets de ces races consomment davantage, elles fournissent de plus gros poulets. Et ceux-ci, vendus au poids, font un plus gros prix. Consommés, ils permettent de constituer des portions plus nombreuses et plus copieuses. Il en est de même pour les poules après leur première ou la seconde année de ponte, celles-ci étant grasses et lourdes à souhait. Il y a donc largement compensation.

Il en est de même pour les races régionales : Bourbonnaise, Marandaise, Géline de Touraine, Bourbourg, etc., et pour la si réputée et si précoce Faverolles ; même si, pour cette dernière, vous considérez seulement la production rapide de poulets à la chair onctueuse, qui gonfle à la cuisson.

Dans ces conditions, ne modifiez donc pas le cheptel de votre basse-cour, que, dans les circonstances actuelles, vous éprouveriez toutes sortes de difficultés à remplacer par des sujets des deux races légères.

Éventuellement, devez-vous préférer la Bresse à la Leghorn et vice versa ? Là encore, la solution ne doit pas vous embarrasser. Voulez-vous bénéficier à la fois d’une production d’œufs et vous assurer de délicieux poulets de grains et gras avec les coquelets ? Les Bresse blanche et noire sont susceptibles de vous donner satisfaction ; mais vous n’êtes pas certain que la production d’œufs sera régulière et abondante, car, si la Bresse possède des aptitudes de pondeuse, sa sélection pour cette forme de production n’est pas encore suffisante. Après la première et la seconde année de ponte, les poulets font d’excellentes volailles.

La Leghorn, au contraire, comporte des lignées nombreuses de grandes pondeuses, susceptibles de vous donner un rendement moyen en œufs sur lequel vous pouvez compter. Les coquelets permettent d’obtenir de bons petits poulets de grains ; mais ceux-ci ne prennent ni la chair ni la graisse comme les poulets de Bresse. Et, après leur première ou leur seconde année de ponte, les poules ne sont certes pas d’excellentes volailles. Leur chair est sèche, filandreuse ; tout au plus, pouvez-vous en tirer parti pour bouillir.

Ce qui précède vous fournit donc les éléments de votre choix entre ces deux dernières races. N’envisagez pas que la Bresse, dont on vous conseille de peupler les poulaillers de ferme, vous fournira des poulets ultra-fins qui trouveront un débouché aux États-Unis à des prix très élevés, et qu’il faudrait façonner spécialement. D’abord, les consommateurs aux États-Unis sont abondamment approvisionnés de poulets. Au point que, dans quantités d’élevages, on sacrifie les poussins coquelets après sexage, parce que les débouchés en poulets sont insuffisants. D’autre part, les poulets de luxe produits avec notre Bresse n’ont guère de chances d’être exportés, d’autant plus que l’on freine aux États-Unis les importations des produits de luxe.

Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, n’abandonnez pas la race galline que vous avez adoptée, principalement dans les conditions actuelles. Vous risquez de ne pouvoir la remplacer que très difficilement et généralement mal.

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°616 Octobre 1947 Page 593