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Chronique ménagère

La pomme

On peut dire que la pomme est le fruit national par excellence : si elle est quelque peu négligée en août et septembre, alors que d’autres fruits abondent, elle devient reine dès octobre et apparaît sur nos tables jusqu’en avril, d’où elle n’est détrônée que par les premières cerises. Avant guerre, les fruits exotiques venaient concurrencer la pomme ; mais mandarines et oranges sont si rares sur les marchés de nos grandes villes, depuis bientôt huit ans, qu’on peut dire que la pomme est le seul fruit frais courant en hiver.

Comme tous les fruits, la pomme contient de l’eau, des essences, des acides organiques, des glucides, des tanins, des sels minéraux, des vitamines.

L’eau, en délayant la masse alimentaire, facilite le travail des glandes digestives ; la dilution de la salive par l’eau facilite par exemple l’action hydrolysante de la ptyaline sur la lourde molécule des divers amidons ; la seule présence de l’eau dans l’estomac amorce la sécrétion pancréatique ; l’eau favorise la progression intestinale des matières fécales ; l’eau excite les émonctoires, surtout des reins et de la peau, « lessive » de ce fait l’organisme et hâte les mouvements d’assimilation et de désassimilation. Mais si l’eau absorbée renferme une petite quantité de matières salines et d’essences, et c’est précisément le cas des fruits aqueux et de la pomme en particulier, la décomposition des déchets azotés est accélérée. Voilà pourquoi certains chirurgiens instituent le régime fruitarien pendant les jours qui précèdent une intervention chirurgicale, dans le but d’éliminer de l’organisme le maximum de toxines.

L’odeur et le goût d’un aliment excitent les nerfs glandulaires gastriques, et l’importance du facteur psychique est telle qu’on peut dire que l’intensité de la sécrétion est en proportion du plaisir qu’un aliment donné nous procure. Voilà pourquoi les fruits, par leurs essences — et la pomme en particulier par son acétate d’amyle, — activent la sécrétion de tous les sucs digestifs : qui ne s’est aperçu de la quantité extraordinaire de salive qui afflue à la bouche dès qu’on mord un morceau de pomme ?

Les acides organiques contenus dans la pomme sont surtout l’acide malique, l’acide citrique, quelques traces d’acide oxalique : tous ces acides organiques entrent dans des combinaisons diverses et, en définitive, alcalinisent l’organisme, luttant ainsi efficacement contre l’action néfaste des protides et des lipides dont l’excès acidifie l’organisme. Voilà pourquoi la cure de pommes atténue et même supprime les crises articulaires de la goutte, donne des résultats favorables dans le traitement des enfants atteints de diabète sucré, est efficace dans les maladies du rein, et les pommes râpées sont presque toujours bien tolérées dans le régime alimentaire des ulcères de l’estomac.

La pomme contient de 3 à 8 p. 100 de glucose, selon qualité et variété : c’est l’aliment hydrocarboné par excellence qui peut être directement assimilé par l’organisme ; au sein des tissus, les glucides les plus condensés, aux lourdes molécules, sont dilués, démolis, de plus en plus simplifiés, par le jeu des diastases hydrolysantes, et le stade ultime de ces dégradations successives est le glucose ; quel travail évité à notre organisme lorsqu’un aliment tel que la pomme apporte du glucose tout prêt à être utilisé ! Et cette quantité de glucose est loin d’être négligeable puisqu’elle correspond à un pouvoir calorigène de 750 calories, supérieur à celui de la pomme de terre (650 calories) et à celui du lait (700 calories).

La pomme est très riche en sels minéraux et renferme une certaine quantité de potasse, du fer, des traces d’iode ; or ces sels minéraux sont indispensables aux réactions internes et permettent l’utilisation par l’organisme d’autres aliments, tout comme d’ailleurs les vitamines dont la pomme est très riche. Certains auteurs ont remarqué que la pomme est parfois très activement recherchée par les femmes enceintes : cela correspond à un besoin réel, mais inconscient. Ces femmes recherchent les aliments riches en vitamines et sels minéraux, indispensables au jeune enfant qui se développe en elles.

Certains hygiénistes recommandent l’association culinaire des fruits, et de la pomme en particulier, avec certains aliments peu sapides, peu excitants des sécrétions. Voici à cet effet quelques recettes d’utilisation des pommes.

Pommes en cage.

— Peler des pommes, les couper en deux, enlever les pépins, les faire cuire quelques minutes dans une petite quantité de sirop de sucre ; les disposer ensuite dans un plat creux allant au four ; les recouvrir du mélange obtenu en battant deux œufs avec 50 grammes de sucre en poudre et un demi-litre de lait. Faire prendre au four et servir froid. Ce flan aux pommes est délicieux et extrêmement nutritif.

Pour économiser les œufs, on peut recouvrir les pommes d’une crème pâtissière : remplacer un œuf par une cuillerée de farine, bien délayer, faire cuire un moment œuf, farine et sucre délayés avec le lait ; quand la crème est devenue épaisse, en recouvrir les pommes et cuire au four.

Pommes au lait caillé.

— Il arrive parfois en été que le lait tourne : gardez-vous de le jeter. Chauffez-le un moment, pour bien faire se séparer le petit lait ; passez au travers d’une passoire et battez la caséine ainsi coagulée avec un œuf et une cuillerée de sucre en poudre. Préparez, d’autre part, une pâte brisée et garnissez-en un moule creux allant au four ; garnir d’une couche de purée de pommes légèrement sucrées, terminer par la préparation précédente. Faire prendre au four. Manger froid ou tiède.

Pommes meringuées.

— Garnir le fond d’un plat allant au four d’une purée de pommes légèrement sucrée. Préparer, d’autre part, une crème avec jaunes d’œufs et lait sucré, en recouvrir la purée de pommes. Battre les blancs en neige, ajouter du sucre en poudre, les battre à nouveau, les disposer par cuillerées sur la préparation précédente, les saupoudrer de sucre, faire dorer au four. Servir froid.

Pudding aux pommes et au riz.

(Spécialement recommandé pour l’utilisation du riz, actuellement distribué à la seule catégorie E).

— Préparer, d’une part, du riz au lait sucré ; d’autre part, une purée de pommes légèrement sucrée. Caraméliser un moule, disposer par couches le riz et les pommes en commençant et finissant par le riz. Faire prendre au four.

Le riz, très pauvre en sels minéraux et vitamines, se trouve ainsi enrichi par les pommes, et les enfants trouvent cette préparation excellente.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°616 Octobre 1947 Page 599