Il ne peut pas être question, dans le cadre de ces articles,
de faire une étude approfondie des nuages. Sur ce sujet, de savants auteurs ont
écrit de remarquables ouvrages. Je n’ose point en citer ici pour ne mécontenter
personne, mais les lecteurs que la question intéresse pourront assez facilement
se procurer les uns ou les autres de ces travaux et les consulter avec fruit.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un nuage ? Chacun, croyant
le savoir, répond : « De la vapeur d’eau ! » En quoi tout
le monde se trompe, car, si c’était de la simple vapeur, comme celle-ci est
invisible, il n’y aurait pas de nuages.
Quand on commence à voir quelque chose, ou plus exactement
« quand la visibilité est gênée », c’est qu’il y a eu condensation de
la vapeur d’eau en fines gouttelettes. Un nuage est donc un amas de
gouttelettes, ou éventuellement de cristaux de glace.
D’où provient cette condensation qui engendre les
gouttelettes ? Tout principalement du refroidissement des masses d’air
contenant la vapeur d’eau. S’il n’y avait pas ce refroidissement, toutes les
eaux de tous les océans réduites à l’état de vapeur ne donneraient pas le plus
petit nuage.
L’air est refroidi de plusieurs manières : d’abord, il
peut l’être par contact avec le sol plus froid que lui, mais c’est là un simple
effet de surface qui ne produira jamais un effet important. Toutes proportions
gardées, c’est un peu la buée qu’on obtient sur une carafe d’eau glacée.
La principale cause de refroidissement de l’air est la
« détente ».
Nous avons tous remarqué, en comprimant par exemple
violemment de l’air dans notre pompe à bicyclette, que cet air s’échauffe
fortement. Inversement, si nous pouvions donner à un gaz la possibilité
d’occuper un volume 50, 100 ou 1.000 fois plus grand que celui qu’il
occupait précédemment, ce gaz subirait un refroidissement considérable en se
détendant.
Dans un précédent article, nous avons appris que la pression
barométrique diminuait à mesure que l’altitude augmentait. Donc, si une masse
d’air est entraînée en hauteur, elle supportera des pressions de plus en plus
faibles, sera de moins en moins comprimée, se détendra et, pour finir, se
refroidira. Suivant le degré d’humidité de l’air, ce refroidissement est de 1°
par 100 ou 200 mètres d’élévation (environ).
J’ouvre ici une parenthèse pour rappeler que l’eau est
contenue dans l’atmosphère à l’état solide (glace, neige), liquide (nuages et
pluie) et gazeux (vapeur invisible). Cet état gazeux, qui est mesuré par le
degré d’humidité de l’air, est appelé « état hygrométrique », ou
encore « humidité relative ». C’est le rapport qui existe entre le
poids de la vapeur d’eau contenue dans l’air au moment considéré et le poids
maximum qui pourrait y être contenu à la même température.
Je reprends ma théorie du refroidissement : quand la
température est assez basse, l’air est à son point de saturation. Le plus petit
refroidissement nouveau amènera la condensation, c’est-à-dire nuage ou pluie.
Quelles sont les causes de l’ascendance des nuages ? Ce
sont la turbulence, l’expansion et la convection ... Expliquer ce que sont
exactement ces trois phénomènes m’entraînerait trop loin et, de plus, ne
servirait pas à grand’chose ici. En fait, l’un ou l’autre de ces phénomènes est
indispensable à la formation des nuages, parce que chacun crée l’ascendance et
que celle-ci engendre le « refroidissement » ... Mais vous
pourriez refroidir tant que vous voudriez même de l’air saturé de vapeur d’eau
à 1.000 p. 100 que vous n’obtiendrez pas le moindre flocon nuageux si
l’air était filtré et parfaitement propre.
Autant que du refroidissement, la vapeur, pour se condenser,
a besoin de noyaux de condensation. Ce sont des corps infiniment
minuscules : les petits ions, dont le diamètre est de l’ordre du millième
de millimètre ; les gros ions, formés de la réunion de plusieurs petits,
et les particules neutres, autrement dit : poussière, fumées, etc., encore
plus importantes en taille. Les ions portent une charge électrique positive ou
négative. Les poussières n’en portent pas : on dit qu’elles sont
« neutres ».
Ces noyaux, ions et poussières, servent d’amorce à la
condensation, et les gouttes se matérialisent autour d’eux.
Ceci explique que certaines grandes villes bien fournies en
établissements industriels et dont le ciel est riche de fumées et de poussières
soient également riches de nuages et de brouillard.
De même, comme le chlorure de sodium (le vulgaire sel de
cuisine) en est un noyau de choix et qu’il est en suspens dans l’air de presque
toutes les régions côtières, nous comprenons l’origine de ces brumes et de ces
nuages qui « ornent » certains de nos rivages.
Avec le refroidissement et la présence de noyaux, la
condensation se produit, les gouttelettes se forment ... le nuage est
né !
Mais pourquoi ce nuage reste-t-il en l’air, au lieu de
retomber et de ramper sur le sol ?
Tout d’abord parce que le nuage, même le plus noir, est bien
loin d’avoir le poids qu’on pourrait lui supposer ... L’eau à l’état de
liquide ne dépasse pas 4 grammes, rarement 5 par mètre cube de
nuage !
De plus, les gouttes sont extrêmement ténues. Leur vitesse
de chute est donc extrêmement faible, de l’ordre de quelques millimètres
(parfois 2 ou 3 centimètres) par seconde. Le moindre courant ascendant
suffit alors pour maintenir en l’air tout le système.
Si les gouttelettes « tombent », il se produit le
phénomène inverse du refroidissement dû à la détente par
« ascendance » : les gouttelettes se réchauffent, sont
vaporisées ... et remontent. En fait, le nuage s’use par la base et se
reconstitue par le sommet.
Le nuage ne tombe que sous forme de pluie, c’est-à-dire
quand les gouttes dépassent le dixième de millimètre. À ce moment, la vitesse
de chute est trop grande pour être compensée par les ascendances normales, et
il y a précipitation.
La précipitation est causée par un refroidissement puissant
de la masse nuageuse, qui entraîne la transformation rapide d’une grande partie
des gouttelettes en gouttes ... qui, trop grosses, ne peuvent plus rester
en suspension.
PYX.
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