Le couvre-feu, au temps jadis, était une sonnerie qui
marquait l’heure de se retirer chez soi, de fermer sa porte à clef et
d’éteindre les feux et les lumières ; il avait alors une double
raison : éviter les conspirations et attentats nocturnes, et aussi les
incendies, si terribles au Moyen Age.
L’origine du couvre-feu est fort ancienne ; il date des
premiers jours de la féodalité. En Normandie, ce fut Guillaume le Conquérant
qui, le premier, en ordonna l’usage ; certains historiens pensent même qu’il
en fut l’inventeur, mais cette sonnerie existait sans doute avant lui ;
elle doit remonter à l’introduction des cloches dans la vie publique.
En Angleterre, Le Conquérant interdit toute réunion nocturne
dans son nouveau royaume ; il établit le couvre-feu en Grande-Bretagne.
Peu à peu, le couvre-feu fut sonné par l’édifice municipal,
le beffroi par exemple ; il indiquait alors l’heure de fermeture des
cabarets. La cloche sonnait, suivant les endroits, à sept ou à huit
heures ; les gens sans aveu devaient alors se terrer ; d’ailleurs, en
certains endroits, on nommait le couvre-feu la chasse-ribauds. Aussitôt après,
le guet sortait et ramassait les truands et voleurs qui se trouvaient sur sa
route. Cette heure indiquait aussi celle de la cessation du travail de certains
métiers.
Si nous en croyons le grand dictionnaire, dit de Trévoux, le
roi Henri II aurait aboli le couvre-feu à Paris, vers le milieu du XVIe siècle.
À propos de cet usage au XVIe siècle, citons la scène célèbre
des Huguenots où nous voyons les bons bourgeois de Paris se tenir clos
en leurs logis et quitter les lieux, car l’heure du couvre-feu sonne !
Au XVIIIe siècle, le couvre-feu existe
encore en province. À Saint-Malo, aussitôt après la sonnerie de la cloche, on
lâchait les fameux dogues chargés de la défense de la ville, et malheur au
pauvre diable qui s’aventurait dans les rues, il était impitoyablement dévoré
par ces gros chiens !
Le couvre-feu était sonné par la cloche du beffroi ou par
celle de l’église, malgré les interdictions de conciles qui rappelaient que la
cloche, de par son baptême, ne devait pas servir à des usages profanes.
Après la sonnerie, ceux qui sortaient devaient être porteurs
de torches.
En plus de ce signal, nos ancêtres pouvaient entendre celui
de l’angélus, qui tintait avant elle, et les différentes sonneries pour les
trépassés ; il y avait aussi des crieurs, qui, avec des clochettes,
parcouraient les rues en enjoignant aux gens qui dormaient de se réveiller pour
prier pour les trépassés ; cette coutume pieuse, mais fort incommode, a
subsisté au moins jusqu’à la Révolution. L’angélus se sonne avant lui, les
morts tintent beaucoup plus tard et, parfois, répètent leurs glas dans la nuit
— parfois, en cas de guerre ; par exemple, surtout pendant la guerre
de Cent Ans, — seul le couvre-feu, mesure de police, retentit.
Encore au début du XXe siècle, dans
certaines villes de France, un guetteur, au haut d’un clocher, sonnait de temps
en temps dans une trompette, pour avertir les bons bourgeois de dormir en
paix ; il était surtout chargé de surveiller la ville pour repérer les
incendies ; dans d’autres endroits, vers 10 heures on sonnait
toujours le couvre-feu. L’occupation teutonne ramena en France, cette
institution des temps passés.
Roger VAULTIER.
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