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Le cas du hérisson

Cet animal au régime alimentaire omnivore est-il réellement nuisible au gibier ?

Si les petits rongeurs — insectes, colimaçons, escargots, limaces, larves diverses, reptiles, batraciens et lézards — constituent, avec les fruits tombés, le principal de son menu, il n’hésite jamais à piller tous les nids à terre qu’il peut découvrir au cours de ses randonnées, et même les couveuses quand il a la bonne fortune de s’en emparer. Seuls les nids à terre, bien entendu, courent ce risque.

Tolérable dans les jardins, où les destructions d’animaux nuisibles aux récoltes constituent une belle page pour lui, il ne peut être admis dans les chasses à base de faisans ou de perdrix (rouges surtout, car le hérisson n’est pas un assidu de la plaine), ou au voisinage immédiat des parquets d’élevage de gibier (ou de volailles). Ailleurs, il n’y a pas lieu de s’en inquiéter. On lui impute bien le pillage de quelques rabouillères, ce qui est parfaitement admissible.

Physiquement incapable de poursuivre levraut, lapereau ou perdreau, il donne l’impression, quand on le voit se déplacer, d’être monté sur chenillettes.

Long de 30 à 35 centimètres et haut de 18, le hérisson a les pattes courtes et leur mouvement à peine visible, masqué par les piquants au repos. Les pattes sont de longs doigts décharnés armés de griffes puissantes.

Les piquants de 2 à 3 centimètres de long recouvrent tout le corps, sauf les yeux, la bouche, le museau et le bas des pattes. Roulé en boule, il ressemble à un oursin, tous les piquants étant dressés et solidement maintenus dressés par les muscles peaussiers très puissants. La tête et les pattes disparaissent entièrement.

Il vit aussi bien au voisinage de l’homme qu’en plein bois, semblant chercher une certaine proximité de l’eau.

Nocturne, il est bruyant dans ses promenades. Incapable de lutter de vitesse avec le plus petit chien, il est aisément capturé par ce moyen pendant les nuits de clair de lune.

L’hiver, il s’enfouit dans un tas de fagots, de bois, de foin, de feuilles, ou se creuse un terrier à deux entrées et s’endort pendant les jours les plus froids, se réveillant de temps à autre pour se nourrir.

Avril le voit reparaître en pleine forme et prêt à la reproduction. Les petits, au nombre de quatre à cinq, vivent en famille avec la mère jusqu’en octobre, puis se séparent ensuite.

Sa destruction est à étudier. En certains cas (régions peuplées de serpents par exemple), mieux vaudrait simplement en limiter le nombre, ou encore faire cadeau des animaux capturés à ceux qui n’ont pas à en craindre les dégâts (jardiniers) et, au contraire, qui n’auraient qu’à le louer de ses bienfaits.

Ses ennemis naturels sont le renard et le grand duc (rare en France). Ils sont les deux seuls animaux qui viennent à bout de ces boules piquantes qui ne craignent pas les serpents. (Le hérisson est immunisé contre leur morsure.)

Sa vue ne semble pas très puissante, mais son odorat très développé supplée à cette déficience et le guide puissamment dans la recherche de sa nourriture.

L’ouïe est assez bonne également.

On ne piège pas le hérisson spécialement ; on le capture par hasard dans les sentiers à fauves ornés de boîtes. Exceptionnellement, on s’en empare au piège à un passage dans une clôture ou à un faux nid bien placé.

En résumé, son cas est à étudier ; il fait partie de la liste des animaux dont la capture est discutable et uniquement fonction de la région et du gibier qui la fréquente.

Comme lui, nous trouvons le blaireau et l’écureuil.

Le premier, s’il déterre des rabouillères (et ceci est indiscutable), est à ménager dans les régions infestées de lapins, alors qu’il est à détruire dans les parcs d’élevage et chasses peu peuplées (il a aussi quelques nids de perdrix ou de faisans sur la conscience). Le second, qui paraît inoffensif pour le gibier, s’est révélé un brigand de première classe dans certains élevages de faisans et où il est à détruire sans pitié, alors qu’en temps normal on peut le considérer comme inoffensif pour le gibier (ce qui ne veut pas dire pour les petits oiseaux insectivores ou autres !).

Il y a là une question de dosage à ne pas perdre de vue, car il est inutile de détruire quand cette destruction n’est pas justifiée. Bien entendu, je parle strictement du point de vue de la chasse et non du point de vue agriculture, qui est une tout autre histoire.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 617