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Échos de partout

Au Saint-Hubert-Club de France.
Au domaine de Chambord.
Recours pour excès de pouvoir.
Armes de chasse récupérées en territoire ennemi.
Le monde merveilleux des bêtes.
Rien ne sert de courir …
Un beau procès verbal.
Le chant du cygne.

Au Saint-Hubert-Club de France.

— M. Maxime Ducrocq n’ayant pas accepté sa réélection à la présidence du Saint-Hubert-Club de France, afin de pouvoir se consacrer entièrement à la direction du Conseil international de la Chasse, c’est M. Charles Radot, un des plus anciens vice-présidents, qui a été élu président.

Me Radot, avocat à la Cour, est un spécialiste des questions juridiques touchant la chasse. Nous sommes heureux de saluer ici son accession à la présidence du Saint-Hubert-Club de France.

Au domaine de Chambord.

— Nous avons précédemment annoncé que le domaine de Chambord avait été transformé en réserve de chasse et parc d’élevage de gibier.

La direction des Eaux et Forêts envisage pour l’immédiat d’y continuer l’élevage du faisan ; plusieurs centaines de sujets seront déjà livrés aux fédérations quand paraîtront ces lignes. Chambord sera également un centre de sauvetage pour œufs de perdrix et pratiquera l’élevage du perdreau domestique.

Pour les autres animaux de chasse, on envisage des importations de cerfs pour reconstituer le cheptel réduit à quelques dizaines de têtes ; des mesures identiques seront prises concernant le chevreuil.

Enfin signalons parmi les premières mesures prises l’intensification de la lutte contre les nuisibles et leur extermination systématique.

Recours pour excès de pouvoir.

— Le Conseil d’État statuant au contentieux :

Aux termes d’un rapport de la 3e sous-section du contentieux, sur la requête présenté par le sieur Boudenne, révoqué de ses fonctions de président de la Société départementale de Chasse de l’Aude ; considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 28 juin 1941, demeurée en vigueur à la date de la décision attaquée, les présidents des sociétés départementales de chasseurs sont nommés pour trois ans, que le pouvoir de révocation donné au ministre de l’Agriculture ne peut être exercé qu’en vue de pourvoir à l’organisation de la chasse ; considérant que la décision de révocation du sieur Boudenne a été prise par le ministre de l’Agriculture pour des motifs sans rapport avec le but visé par la loi précitée ; qu’il suit de là que le sieur Boudenne est fondé à soutenir qu’elle est entachée d’excès de pouvoir :

Décide

ARTICLE 1er. — L’arrêté susvisé du ministre de l’Agriculture est annulé. (Communiqué par la Fédération départementale des Chasseurs de l’Aude.)

Armes de chasse récupérées en territoire ennemi.

— M. Jean-Marie Thomas, député, expose à M. le ministre de l’Intérieur, pour que les armes de chasse ayant été déposées en mairie en zone occupée, en 1940, aucune indemnisation n’a été perçue jusqu’alors et lui demande si l’on ne pourrait pas décider que les armes saisies en Allemagne par le Comité de Récupération soient réservées aux personnes ainsi lésées, au lieu d’être destinées au seul plaisir des militaires et du personnel d’occupation. (Question du 20 février 1947.)

Réponse. — La destination à réserver aux armes récupérées en Allemagne ne pourra être envisagée que lorsque la France aura effectivement reçu la part de ces armes qui lui sera attribuée. Or le commissaire général aux Affaires allemandes et autrichiennes, saisi par mes soins de la question, m’a fait connaître que des négociations étaient en cours avec les Alliés depuis un certain temps déjà, mais n’avaient pas encore abouti. Les renseignements qui m’ont été fournis ne laissent que peu d’espoir de retrouver des armes en nombre suffisant pour donner satisfaction aux chasseurs spoliés. D’autre part, les fusils déposés par les Allemands sont en général de modèle ancien et en mauvais état. Je ne puis que vous laisser le soin de vous informer auprès de mon collègue des Affaires étrangères du dernier état de la question.

(J.O. du 19 mars 1947.)

Le monde merveilleux des bêtes.

— La belle collection d’ouvrages publiée sous ce titre général par M. le Dr Oberthur vient de s’enrichir de deux nouveaux tomes, consacrés l’un et l’autre aux « animaux de vénerie et chasse aux chiens courants » ; un historique très complet de la vénerie sert de préambule à l’ensemble, très largement illustré par l’auteur. (Durel éditeur, 160, boulevard Haussmann, Paris (8e)).

Rien ne sert de courir ...

— Un de mes amis, chasseur depuis sa plus tendre enfance, fit, un dimanche de novembre, un tableau remarquable par son déplacement très court. Parti de chez lui à Paris, il se rend à la porte d’Orléans par le métro et par l’autobus jusqu’à Clamart, au lieu-dit Petit Clamart. Pour une marche d’une demi-heure, il tira 1 lièvre de 6 livres et 6 perdreaux. Rien ne sert donc de courir très loin, puisque ce chasseur nous a démontré qu’à peu de frais on pouvait faire une bonne chasse.

Robert SOUQUIER.

Un beau procès-verbal

— L’abonné du Maroc qui nous transmet ce document nous en affirme la parfaite authenticité ; bien que les événements rapportés remontent à quelques lustres, la façon dont ils ont été relatés conserve encore toute sa saveur. À l’époque, la lecture de ce chef-d’œuvre fit la joie du maréchal Lyauley, à qui les services compétents s’étaient fait un plaisir de le soumettre. Le voici donc, in extenso.

L’an mil neuf cent vingt-deux, le quinze décembre, à six heures du soir.

Nous, R ... Jean-Baptiste, brigadier des régions municipales de la ville de Rabat, dûment assermenté,

Étant de service au poste de perception de la porte de Bab-ta-Mesna, nous avons vu deux individus et un individu qui n’était pas un homme et qui paraissait une femme arabe dans une voiture, qui, en premier lieu, a refusé de s’arrêter en passant sur la route.

Nous nous sommes alors précipités avec le gardien et le collecteur pour saisir cette dernière, mais, au moment où nous courions dessus, elle s’est enfuie au grand galop et alors moi, nous sommes resté tout seul en criant d’arrêter, qu’on lui ferait un procès-verbal parce que notre gardien et le collecteur étaient déjà rentrés dans le bureau et n’avaient pas poursuivi la poursuite.

Quand le cheval était arrivé devant nous, nous avions vu dedans les chasseurs qui tenaient, au milieu, la femme arabe. Alors, ayant vu que ladite femme faisait dépasser son pied, qui n’était pas de femme, car il était de sanglier, et une figure qui n’était pas la sienne, puisqu’elle était aussi de sanglier, nous avons compris tout de suite que cette femme avait besoin d’être considérée comme louche et visitée ; qu’elle était là faite exprès pour cacher la qualité d’un cochon mort ou sauvage que les chasseurs se sont tué le jour avant pour leur consommation personnelle, parce que nous les avons vus sortir de la ville, le matin à l’ouverture du bureau.

Et voilà où il est le motif pourquoi que nous avons tenté de saisir et que nous ne saisissâmes pas.

Le lendemain de cette affaire, nous avons constaté, en pratiquant l’ouverture de notre courrier par la poste pour en avoir connaissance, qu’une boite de forme longue contenait une queue de sanglier entortillonnée, probablement et certainement mort, puisque la queue nous la tenons toujours, et nous avons pensé qu’il y avait flagrante et impossible à nier connivence entre cette queue et la prétendue femme arabe que les chasseurs voulaient nous faire croire pour nous tromper qu’elle était une femme arabe et qui ne pouvait être qu’un sanglier sauvage habillé en femme arabe qu’ils trimballaient au milieu de tous les deux.

Nous avons donc prononcé la saisie de cette queue que nous avons mise dans du sel, dans la boîte, pour valoir tout le droit à l’appui du présent délit.

De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour être transmis à Monsieur le Juge de Paix aux fins qu’il appartiendra.

Signé : R .... Jean-Baptiste.

Le chant du cygne.

— Ce n’est pas au cœur de l’hiver, quand il gèle à pierre fendre et qu’un perfide ennemi sournoisement le guette et le traque, acharné à sa perte, qu’il faudrait songer à parler en faveur de l’élégant et innocent volatile qu’est le cygne.

C’est aux beaux jours de l’été, alors qu’il suscite l’admiration par ses voluptueux ébats et ses séduisantes évolutions, qu’il se balance mollement, vivante nef, dans le somptueux décor des lacs et des parcs des châteaux et dans les étangs des zoos, dont il est un des plus beaux ornements, qu’il y aurait lieu d’essayer de prévenir la perte de cette vivante parure de la terre et des eaux.

La popularité prestigieuse et persistante qui s’attache à l’agonie du cygne, la croyance qu’il exhale en mourant une plainte mélodieuse

— le chant du cygne — se perd dans les ténèbres du passé. Cette renommée, il la doit à Pindare, à Virgile, au génie fertile, imagé des poètes dont l’inspiration illimitée lui a, de tout temps, prêté une âme et forgé une voix inouïe, digne de rivaliser avec sa grâce, sa beauté et l’harmonie de ses formes. Symbole d’admiration que seul pouvait concevoir le poète.

Pendant l’hiver dernier, qui fut long et rigoureux, quelques cygnes, dépossédés et chassés par le gel de leur habitat, désorientés, errants comme des âmes en peine, pauvres êtres sans domicile, ont été massacrés froidement par des nemrods sans pitié pour leur détresse, chasseurs endurcis qui n’étaient ni muets, ni sourds. Muets, ils ne l’étaient pas, puisqu’ils ont pu narrer leurs prouesses comme un exploit insolite à la presse qui nous les a rapportées. Nonobstant que, sourds, ils ne l’étaient pas non plus, aucun d’eux ne s’est enorgueilli d’avoir ouï le chant fameux du cygne à son heure dernière.

L’occasion en était pourtant opportune, nos chasseurs étaient aux premières loges, et c’était le cas de prêter une oreille attentive.

Une fois de plus, la légende resta sans écho et ne fut pas confirmée. Il paraît donc évident que, si aucun des oiseaux immolés sur la Meuse n’a proféré un chant plaintif, c’est qu’il était sans voix. On est donc enclin à supposer que l’instinct psychologique inné du cygne ne l’incite pas à prodiguer à tout venant sa mélodie ultime, notamment à des barbares animés à son égard des plus noirs desseins.

Ce qu’il faut croire, c’est que le cygne ne daigne se faire entendre qu’au seul poète qui, lui, l’admire, le chante, pleure sur son triste destin et qui est le seul à pouvoir percevoir son dernier chant.

Il y a quelques lustres, quelque soixante hivers — vous étiez encore dans les limbes, — j’ai, moi aussi, tenu à bonne portée, au bout du canon de mon choke-bored, et le doigt sur la gâchette, l’oiseau cher à Léda, soit à La Roche-de-l’Elf, soit à La Vanne-Alcors, mais chaque fois mon cœur a molli, le geste meurtrier s’est figé : chaque fois j’ai craint la vengeance et les foudres de Jupiter.

Chasseurs, mes amis, soyons humains ! Ne nous laissons pas tenter par la gloriole, le vain retentissement d’un beau coup de fusil. Réservons notre poudre et nos balles à notre défense contre les gangsters et à celle de nos basses-cours et de nos champs, contre les bêtes nuisibles, ou pour en larder de plus succulent gibier que le cygne.

Que le cygne, inoffensif et gracieux, vive en paix quand, en plein hiver, dépaysé, déraciné, il n’est plus qu’un pauvre réfugié digne de pitié.

Dr LEFÈVRE, Girecourt-sur-Durdion (Vosges).

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 618