Le scoutisme a pour ambition de collaborer avec l’école, et
surtout avec la famille, à l’éducation de l’enfant. Les parents devraient donc
s’entretenir fréquemment avec le chef éclaireur.
Dans beaucoup de groupes, ces contacts sont facilités. Périodiquement,
tous les trois ou six mois, les parents sont réunis par le chef de troupe, ou
par la cheftaine (de louveteaux, de Jeannettes, de petites ailes, d’éclaireuses
ou de guides). Il leur est alors donné une connaissance détaillée des activités
auxquelles s’est livré leur fils ou leur fille. Parfois, des projections de
photos, voire d’un petit film d’amateur, viennent rendre plus vivant ce récit.
Même si l’enfant est bavard à la maison, et raconte volontiers les incidents de
ses réunions, de ses sorties ou de ses camps, il est agréable aux parents
d’entendre un compte rendu de la voix des chefs. Ceux-ci ne devraient jamais
l’oublier. Il est plein d’intérêt aussi pour la famille de pouvoir poser des
questions en présence des autres parents, de pouvoir suggérer des changements à
l’horaire des promenades, ou des modifications de toute nature au programme des
activités. Dans la mesure du possible, le chef tiendra compte de ces
suggestions.
Mais, dans beaucoup de villes, pour des raisons diverses, de
telles réunions ne peuvent se tenir.
C’est aux parents qu’il appartient alors d’aller trouver le
chef. Celui-ci, normalement, doit avoir le temps de les recevoir. Il s’est
débarrassé de toutes les charges matérielles sur les épaules de ses adjoints,
de façon à pouvoir remplir à fond sa tâche d’éducateur. Il doit pouvoir
« suivre » de près chacun de ses éclaireurs.
Quelle utilité pour lui de savoir comment le garçon se
comporte à la maison ! Souvent un enfant qui paraît, à la troupe, un scout
exemplaire, qui se montre obéissant, rangé, dévoué, n’est plus chez lui qu’un
gamin turbulent, insoumis, brouillon ... Dans la mesure où ce changement
ne provient pas de la faute des parents — et même peut-être dans ce
cas-là, — un entretien avec le chef est nécessaire. Il a, ce chef, des
moyens dont ne disposent pas toujours les parents. Il peut employer un langage
différent, mieux compris du garçon, parce que le fossé de toute une génération
ne s’est pas creusé entre eux deux. Il peut surtout, plus facilement, faire
appel à l’honneur de l’enfant, et lui rappeler qu’il a prononcé sa promesse
d’éclaireur.
Mais l’idéal serait que les parents utilisent les mêmes
leviers que le chef, après accord avec lui ; qu’une véritable coordination
de forces s’emploie à améliorer le jeune scout qui ne donnerait pas toute
satisfaction.
Pourquoi les parents ne feraient-ils pas aussi allusion à
l’engagement pris un soir, au-dessus de la flamme d’un feu de camp, devant tous
les camarades ?
— Tu as menti, cela n’est pas scout ...
— N’oublie pas que tu as promis d’être
travailleur ...
— Va me chercher le lait à l’épicerie. Ce sera ta bonne
action ...
Le tout est d’employer cette méthode avec beaucoup de
discrétion et de ne pas oublier qu’un enfant ne peut pas être parfait. Il s’est
engagé à faire tous ses efforts pour observer la loi scoute ... Il
est évident qu’il ne peut pas, en fait, l’observer à la lettre.
Une tentation, contre laquelle nous voudrions mettre les
parents en garde, est celle qui consiste à priver l’enfant de réunion scoute
lorsqu’il a manqué à un de ses devoirs.
Une pareille punition va à l’encontre du but recherché.
C’est priver l’enfant d’une influence éducative dans l’espoir qu’il devienne
mieux éduqué. Évidemment, il ne nous échappe pas que ce procédé peut avoir de
l’efficacité. Le scout sera presque toujours profondément contrit de ne pas
pouvoir rejoindre sa patrouille, et il se peut qu’il veille à mieux travailler,
ou se conduire, pour qu’une aussi amère sanction ne lui soit pas de nouveau
infligée.
Mais, pour peu que ce cas se reproduise deux ou trois fois,
l’efficacité du moyen aura été absolument illusoire. En effet, les scouts ne
font pas que s’amuser à leurs réunions. Ils s’amusent, certes, mais dans le
cadre de tout un programme de jeux éducatifs, de causeries morales, d’épreuves
techniques qui ont pour but de leur faire franchir un certain nombre d’étapes
soigneusement établies en conseil des chefs.
Le garçon qui manque une sortie, ou surtout un camp, est un
peu dans le cas de l’élève qui, par suite de maladie, a manqué des classes et
n’arrive pas à rattraper ses camarades.
Ce dont les parents doivent se bien pénétrer, c’est que le
scoutisme ne fait pas faire à ses adhérents n’importe quoi, n’importe quand, et
n’importe comment ... Il n’est pas un simple patronage, et encore moins
une garderie d’enfants. Son but est de prendre en main l’enfant pour
l’améliorer progressivement, dans le quadruple domaine physique, moral,
intellectuel et pratique ... Ce souci réclame chez le chef un effort
constant, que les parents se doivent de soutenir.
Le chef éclaireur, de la manière la plus bénévole du monde,
s’applique à rendre service à l’enfant. Il mérite d’être pris au sérieux par la
famille et aidé par elle. D’une pareille collaboration peuvent découler les
résultats les plus surprenants.
Nous voudrions terminer ce bref entretien avec les parents
par quelques recommandations d’ordre très matériel, mais qu’on oublie en
général de leur faire.
Au sujet des repas, tout d’abord. Souvent, les scouts font
leur cuisine, pour une sortie du dimanche, par patrouille. Autrement dit,
chacun ne dresse pas un petit foyer pour y faire cuire ou réchauffer ses
aliments, mais une grande marmite s’offre à recevoir la nourriture de six ou
sept garçons.
Dans ce cas, le chef de patrouille aura prié ses camarades
d’apporter tous un plat de nature similaire : par exemple, des pâtes ou
tel légume ; des œufs, ou un morceau de viande à sauter, ou à rôtir, ou à
cuire en ragoût ... Nous prions la maman de faire tout son possible
— compte tenu des difficultés actuelles ! — pour procurer à son
fils ce qui lui est demandé. Sinon, il en résulte une grande désorganisation,
et une perte de temps pour la patrouille tout entière.
D’autre part, nous voudrions demander aux parents de ne pas
couvrir exagérément le jeune éclaireur en période de pluie ou de froid. C’est
une erreur sans cesse constatée que l’enfant est trop garni de lainages par une
mère craintive, et qu’il transpire au point de risquer pour de bon un
refroidissement. Quand on prend de l’exercice, on n’a pas besoin d’être très
vêtu, même par mauvais temps ... Il suffit d’avoir dans son sac un
chandail sec et chaud que l’on puisse enfiler au moment du repos.
Les scouts qui jouent, dans l’herbe humide, et même sous la
pluie, avec jambes nues, un pull-over et une culotte de sport n’attrapent aucun
rhume si, après le jeu, ils se frictionnent et revêtent leur uniforme tenu à
l’abri.
Pour ces détails comme pour l’éducation morale du garçon, un
entretien entre chef et parents sera toujours profitable.
Fernand JOUBREL.
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