Assurez vos réserves légumières.
— Ne croyez pas à la pérennité de l’abondance légumière
qui régnait jadis au potager et au verger, car nous allons entrer en plein dans
la période des vaches maigres. C’est pourquoi le simple particulier, dont le jardin
est la seule ressource vivrière des temps de pénurie alimentaire que nous
traversons, doit lui demander le maximum de ce qu’il peut produire, et,
surtout, il ne laissera rien perdre des denrées en terre ni de celles qui ont
été encavées en prévision de l’hivernage.
Vous devrez en outre faire en sorte que, au premier
printemps, vous puissiez reprendre la culture légumière sans délai, afin de ne
pas subir d’interruption dans le ravitaillement, par l’appoint des légumes
nouveaux. Vous savez que, du fait de la désertion continue des campagnes, le
nombre des « gargamelles » à sustenter — le mot est de Rabelais
— dépasse sensiblement la force des derniers « terriens ».
Les pommes de terre.
— En premier lieu, songeons aux précieux tubercules
qui, avec les haricots et les autres légumineuses (pois, lentilles, etc.),
permettent de confectionner les plats de résistance, le plus souvent uniques,
qui constituent les menus familiaux habituels. La pomme de terre, en effet,
s’accommode de multiples manières, et l’on peut en manger tous les jours de la
semaine en changeant le mode de présentation.
Avez-vous arraché vos pommes de terre par un jour de
beau temps et avez-vous attendu qu’elles soient ressuyées ou qu’elles aient sué
avant de les encaver ? Si vous ne l’avez pas fait, vos tubercules peuvent
pourrir ou devenir incomestibles. Maintenant, votre cave est-elle saine et à
l’abri des froids qui peuvent descendre à -25° ? Sinon, qu’elles
pourrissent ou qu’elles gèlent, le résultat est le même, vos pommes de terre seront
perdues.
Si les conditions du bon hivernage n’ont pas été observées,
intervenez de suite, en profitant d’une belle journée pour faire ressuyer vos
tubercules, en les décrottant, par la même occasion, de la terre adhérente, et,
après un séjour de plusieurs jours dans un lieu ventilé, vous les remiserez
définitivement dans un local (cave, cellier ou remise) garanti des gels par des
revêtements en planches, en paille, en terre, etc., mais sans oublier de
ménager des cheminées d’aération, tout en obscurcissant le plus possible les
lieux, pour éviter le verdissement des tubercules.
À défaut de local convenable, creusez un trou dans un
endroit sain de votre jardin et ensilotez vos pommes de terre ; elles s’y
comporteront mieux qu’à la cave.
Les racines de garde.
— Parmi les racines cultivées susceptibles de fournir
un sérieux appoint culinaire tout l’hiver, et dont il faut assurer la
conservation, la carotte potagère vient en tête, avec sa teneur en
matière organique de 10 à 12 p. 100, comprenant 5 à 6 p. 100 de
sucre. Comme la carotte se ride et se flétrit rapidement à l’air, on devra la
stratifier dans le sable ou l’ensiloter.
Les navets, les choux-navets et les rutabagas,
plus aqueux que la carotte, par conséquent moins nutritifs, peuvent néanmoins
être d’un bon secours, car ils fournissent un mets acceptable lorsqu’on les
conserve dans des fosses protégées des gelées et du contact de l’air, en les
recouvrant de paille et d’un tumulus de terre, en y ménageant des cheminées ou
buses fermées par un bouchon de paille pendant les périodes de grands froids.
Les mêmes mesures sont à prendre avec les radis noirs,
les salsifis et les scorsonères. On les enfouira dans le sable un
peu moite, ou bien on les mettra en silo. Cependant, comme les salsifis noirs
sont peu frileux, on peut les laisser en terre, à condition de les recouvrir
d’une épaisse couche de paille ou de feuilles mortes.
La resserre de choux.
— Les choux d’hiver, milans et quintals,
tiennent une large place dans les apprêts culinaires.
Aussi doit-on assurer la conservation des choux pommés
n’ayant pas été transformés en choucroute. Dans ce but, l’arrachage aura lieu
en novembre, avec les trognons. Après avoir retiré les feuilles basses
pourrissantes, on peut les ranger dans le fond d’une tranchée tapissée de
paillis ou de feuilles, les racines en l’air. On les recouvre de terre quand
arrivent les grands froids, puis on les découvre lorsqu’ils sont passés. Mais
le meilleur procédé de conservation est la mise en meule, que l’on monte sur
une aire nivelée, sur une couche de paille ou de fanes de pommes de terre. Les
choux rangés radialement, par rangs circulaires, posés en retrait, comme sur la
figure ci-contre, on remplit l’intérieur avec la terre extraite du fossé
circulaire AB. La demi-sphère terminée est recouverte de paille, qu’on
ligature après un piquet C enfoncé au centre de la meule.
Les choux-fleurs sont également arrachés avec leurs
racines, mais il faut les enfouir dans le sable, maintenu humide par des
arrosages, après les avoir enveloppés dans leurs feuilles de pourtour.
En raison de leur rusticité, les choux de Bruxelles
restent en terre tout l’hiver. Ils résistent aux plus grands froids, à
condition de ne pas avoir formé leurs pommes trop tôt. Celles-ci sont
d’ailleurs plus appréciées lorsque la gelée a passé dessus.
Salades diverses.
— Pour corser les menus, les salades ne devront jamais
manquer. En repiquant sous cloche, vers le mois de septembre, trois laitues
gotte à graine noire et une romaine au centre, on sera approvisionné
pour novembre et décembre. Feront suite la barbe-de-capucin et l’endive
witloof, cultivées en cave, les racines à forcer devant être rentrées avant
que la terre soit gelée.
Une précieuse ressource pour février-mars, c’est la planche
de pissenlit, si on a eu soin de la recouvrir d’une couche de terreau, à
défaut de terre sableuse, en mettant par-dessus un lit de paille. Les feuilles
étiolées et croquantes seront très appréciées.
Toutes les salades ne se mangent pas seulement crues,
assaisonnées, à l’huile et au vinaigre, mais on peut les consommer cuites.
Elles constituent un plat nourrissant qui rafraîchit le tube digestif, en
combattant les constipations opiniâtres qui sont la genèse d’une foule de
maladies graves.
Adonis LÉGUME.
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