Si vous voulez produire de beaux et bons fruits
régulièrement, soignez le sol nourricier au même titre que la ramure de vos
arbres ; approvisionnez en aliments nutritifs le garde-manger de ces
arbres, le garde-manger qui est le sol !
En premier lieu, assurez-lui, à ce sol, sa provision de
matière humique qui, en se décomposant, fait de l’humus ; l’humus élément
de base de toute fertilisation, qui, par surcroît, donne du corps aux terres
sablonneuses et par trop légères et qui, par contraste, allège les terres
compactes ; l’humus qui, dans le sol, tient le rôle d’une éponge, se
gorgeant d’eau qu’il restitue par la suite, au fur et à mesure que les arbres
ont soif et que les feuilles aspirent, à travers les racines, le liquide
nourricier, comme au biberon.
La question de l’eau est en effet capitale,
primordiale ; car, sous prétexte que les arbres enfoncent leurs racines
profondément dans le sol pour y puiser l’humidité, vous jugez inutile de les
arroser. Quelle erreur ! alors qu’il convient de les irriguer, comme le
font les Américains, les Canadiens, d’autres encore ; comme on y procède
dans notre Californie française, la zone méditerranéenne, où l’on irrigue même
les pommes de terre, sans quoi l’on récolterait des billes ! Ou, si vous
ne pouvez les arroser, parez à cette carence ! ...
Combien d’arbres ne produiront pas en 1948, conséquence de
l’aride sécheresse de 1947. Faute d’alimentation aqueuse, les arbres se sont,
en grande partie, déshydratés. De ce fait, les rudiments de boutons à fruits
n’ont pas été nourris et abreuvés suffisamment. Beaucoup sont restés ratatinés.
Auront-ils la possibilité de se reconstituer, de boire à satiété et de gonfler,
lorsque les racines, qui préludent à l’expansion de la végétation extérieure,
puiseront pour eux et feront ascensionner l’eau du sol comme si celle-ci était
captée et distribuée sous pression ? Escomptons-le.
Votre attention est donc attirée sur l’opportunité
d’alimenter les arbres assoiffés — car il faut du liquide pour constituer
chaque couche d’aubier, les bourgeons et les feuilles pleins de sève, et pour
former les fruits, — mais il faut aussi les nourrir ; et, pour cela,
les différents systèmes de culture des vergers revêtent tous une importance
majeure. Ces systèmes ont été étudiés expérimentalement et comparativement,
principalement aux États-Unis et au Canada. Ils sont également mis en œuvre en
France, Belgique, Hollande, Suisse. Que pouvez-vous attendre de ces méthodes de
couverture ou de façons du sol ? Dégageons les directives générales pour
examiner plus en détail ultérieurement les méthodes les plus appropriées.
Vous pouvez donc conserver le sol nu dans votre verger, ou
le couvrir avec une plante abri, ou pratiquer une culture sarclée. Vous pouvez
toujours le gazonner, partiellement ou totalement, le labourer et le façonner,
y pratiquer une culture intercalaire (groseillier, cassissier) continue ou
temporaire, le convertir en herbage verger pâturé par les vaches ou les moutons
— les arbres, dans ce cas, sont revêtus de protège-troncs — ou
fauché ; pour les vergers d’arbres à hautes tiges, à écartements
suffisants, produire des céréales ou des légumes de plein champ. Un autre
système consiste à recouvrir le sol d’un épais paillis.
Voyons ce dernier procédé. Il est pratiqué largement,
constamment, dans les fameux clos aux multiples murs de refend de
Montreuil-sous-Bois. Les cultures fruitières très intensives et très denses de
Montreuil ont plusieurs siècles d’existence. Car c’est à Montreuil que furent
créées les fameuses cultures de fruits pour lesquelles on construisit dans
chaque clos des murs parallèles à la direction nord-sud pour multiplier le
nombre d’espaliers de pêchers, depuis associés avec des poiriers et des
pommiers, et, en plus, des contre-espaliers de poiriers et de pommiers, et des
cordons de pommiers de variétés tardives pour la production des fruits de luxe.
Pour ces arbres, ces murs « de refend » sont des abris.
Les longs rectangles entre les lignes déjà denses de ces
arbres sont plantés de plantes vivaces, bulbeuses, annuelles, bisannuelles. Il
est de ces plantes très épuisantes qui demeurent plusieurs années à la même
place : pivoines, dauphinelles, lis, asters, etc., plus les annuelles. Par
compensation la fertilisation est très poussée : fumiers, gadoues, engrais
minéraux.
Mais la terre est sèche ; le sous-sol crayeux, évidé
par les carrières, draine les eaux de pluie. Pour parer à cette situation et
conserver la fraîcheur du sol, freiner l’évaporation, un épais revêtement de
paille (une épaisseur d’une vingtaine de centimètres de paille pressée) est
étendu sur toute la largeur des plates-bandes murales et des contre-espaliers.
La paille entièrement décomposée est enterrée l’hiver et ajoute son humus en
même temps que les engrais complémentaires. La couche intacte est relevée pour
être étalée de nouveau et complétée.
Résultat : un tonnage considérable de fruits très
beaux, une fertilité constante. Il est des souches d’amandiers sur les jets
desquels sont greffés, regreffés des pêchers qui datent du XVIIe siècle.
Et c’est un des arboriculteurs de Montreuil qui collabora avec La Quintinie
pour les plantations du potager du roi à Versailles.
Charles JOLIBOIS.
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