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Porte-greffe des pommiers

Il est assez fréquent de noter, dans des plantations de pommiers en petites formes fructifiant bien, la présence de sujets dont la vigueur est considérable et qui, du fait même de celle-ci, ne donnent aucun fruit.

Ceci tient, la plupart du temps, soit à la nature du porte-greffe, lequel est trop vigoureux, soit au fait que ces arbres, trop enterrés lors de la plantation, ont émis des racines au-dessus du nœud de la greffe et se sont affranchis, ce qui, comme résultat, revient exactement au même.

Il n’est, dans ce cas, d’autre remède que de leur donner une forme en rapport avec leur capacité de développement, c’est-à-dire d’agrandir celle-ci dans le but d’obtenir, sur chaque ramification fruitière, une pression de sève modérée permettant la formation d’organes de fructification. Toutefois, ce remède est parfois d’application difficile, l’emplacement dont on dispose ne permettant pas toujours d’agrandir la forme sans que la plantation devienne très disparate et totalement dépourvue d’esthétique.

Pour ceux de nos lecteurs qui l’ignorent, il nous semble utile de rappeler que nos variétés de pommiers sont greffées. Elles le sont sur divers porte-greffes dont les aptitudes sont différentes au point de vue vigueur et tendance à la fructification.

Ces porte-greffes sont assez nombreux, mais trois d’entre eux sont plus particulièrement employés dans les pépinières françaises. Ce sont, par ordre de vigueur décroissante, le franc, le doucin et le paradis.

Le franc provient d’un semis de pépins de pomme. On le trouve à l’état spontané dans nos bois, mais il est également produit, par grosses quantités, dans les pépinières spécialisées dans la production des plants fruitiers.

De grande vigueur, s’enracinant solidement, le franc convient pour faire des arbres de plein vent : hautes tiges, demi-tiges ou formes basses de plein vent non soumises à la taille dont la distance de plantation ne doit pas être inférieure à 8 ou 10 mètres. En aucun cas, il ne doit être utilisé pour faire des arbres taillés de jardin.

Le doucin est obtenu en pépinière par des procédés artificiels : bouturage ou plus souvent marcottage en butte. Il en existe plusieurs types, dont deux sont plus courants : le doucin ordinaire ou doucin de Fontenay et le doucin amélioré.

Le doucin de Fontenay est vigoureux et peut s’adapter à des terres peu fertiles pour y permettre la culture du pommier sous des formes taillées assez grandes. En bon terrain, il ne fructifie bien que sous des formes de grande étendue, et encore est-il lent à se mettre à fruit.

Le doucin amélioré a des racines plus nombreuses, mais aussi plus superficielles. La vigueur des arbres auxquels il sert de porte-greffe est un peu moindre et la fructification plus précoce et plus abondante. Ces arbres peuvent être soumis à des formes moyennes (gobelets, palmettes Verrier, etc.) dans des terrains de fertilité ordinaire.

Bien que leur vigueur soit parfois suffisante pour faire des arbres de plein vent en bon terrain, les doucins ne doivent pas être utilisés dans cette alternative. Leurs racines sont, en effet, trop peu nombreuses et souvent trop superficielles pour donner une stabilité suffisante à l’arbre, qui se couche facilement sous l’action des vents violents et que l’on ne peut, par la suite, redresser.

Le paradis est, comme le doucin, obtenu par marcottes en butte, plus rarement par boutures à talon. Il en existe aussi en pépinière plusieurs types distincts dont deux plus courants, le paradis noir ou paradis de Fontenay et le paradis jaune de Metz.

Le paradis noir était, autrefois, fort employé. Il est de faible vigueur et donne de très beaux fruits, mais il est sensible aux maladies et dépérit parfois brusquement, de sorte qu’il est beaucoup moins utilisé actuellement.

Le paradis jaune de Metz est plus vigoureux, moins sensible aux maladies et très fructifère. Mais il est exigeant sous le rapport du terrain et ne vient bien qu’en sol fertile. Il convient pour la culture du pommier en petites formes (cordons, palmettes ou gobelets de faible dimension). Il n’est pas rare d’avoir, sur les pommiers greffés sur paradis, des fruits dès la deuxième année. Ceux-ci sont très beaux et très fins. Ensachés, ils constituent des produits de luxe.

Bien entendu, le paradis, en raison de sa faible vigueur et de son système radiculaire peu développé, ne peut convenir pour faire des arbres de plein vent.

Par le court exposé qui précède, on voit tout de suite combien peuvent varier la capacité de développement et l’aptitude à fructifier d’une même variété de pommier selon que cette variété est greffée sur tel ou tel porte-greffe. Il convient donc, avant de faire une plantation, d’y réfléchir et de fixer son choix en tenant compte à la fois de la qualité du sol et de la forme à donner aux arbres. Pour l’achat des arbres greffés, et même des plants porte-greffes si l’on désire greffer soi-même, il faut, de plus, s’entourer de garanties, c’est-à-dire ne s’adresser qu’à des établissements de pépinière de réputation bien établie, sous peine d’enregistrer, par la suite, des insuccès qui sont, à l’heure actuelle, fort décourageants et bien souvent ruineux.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 632