Un nouveau régime de prorogation vient d’être institué au
profit des commerçants, des industriels et des artisans par les lois des 2 et 3 septembre
1947.
Tout d’abord, la prorogation instituée par la loi du 3 septembre
1947 fait suite, en quelque sorte à la prorogation qui existait déjà en cette
matière et qui résultait de la loi du 18 avril 1946 ; mais elle n’est
pas subordonnée absolument aux mêmes conditions.
Aux termes de cette loi du 18 avril 1946, ont été
prorogés de plein droit jusqu’au 1er janvier 1948 les baux à
usage industriel, commercial ou artisanal échus depuis le 1er septembre
1939 et non encore renouvelés au moment de la publication de cette loi, à
condition que les titulaires de ces baux ou leurs ayants droit soient encore
dans les lieux à ce moment.
Pendant la durée de cette prorogation, le bail demeure
soumis, en principe, aux mêmes obligations de prix.
Le propriétaire pouvait cependant faire échec à cette
prorogation en reprenant les lieux pour les habiter lui-même ou pour les faire habiter
par son conjoint, ses descendants ou ses ascendants. À ce sujet, il y avait
contradiction entre deux articles de cette loi : l’un admettant le droit
de reprise du propriétaire au profit de ses ascendants, l’autre lui déniant, au
contraire, cette possibilité. Ce droit de reprise est provisoirement suspendu,
comme on va le voir.
La loi nouvelle du 3 septembre 1947 proroge de plein
droit jusqu’au 1er janvier 1949 : d’une part, les baux à
usage commercial, industriel ou artisanal échus et non encore renouvelés, à la
seule condition que les titulaires de ces baux ou leurs ayants droit soient
encore dans les lieux ; d’autre part, les baux à usage commercial,
industriel ou artisanal qui viendraient à échéance avant le 1er janvier
1949.
Cette prorogation ne peut pas être tenue en échec par le
droit de reprise du propriétaire. La loi en question le dit expressément :
« En aucun cas, le droit de reprise du propriétaire ne pourra être opposé
au locataire bénéficiant de la prorogation. »
Mais, contrairement à ce qui existe pour la prorogation
jusqu’au 1er janvier 1948 instituée par la loi du 18 avril
1946, qui ne comporte aucun changement du prix de location, la loi du 2 septembre
1947 précise que, durant la prorogation au delà du 1er janvier
1948 (résultant de la loi du 3 septembre 1947), le prix du bail pourra
être augmenté.
À défaut d’accord entre les parties, ce prix sera fixé par
le président du tribunal civil, au besoin sur rapport d’expert.
La loi du 3 septembre 1947 ne s’est pas bornée à
maintenir jusqu’au 1er janvier 1949 la prorogation jusqu’au 1er janvier
1948 de la loi du 18 avril 1946. Elle a institué une nouvelle prorogation
de plein droit allant jusqu’au 1er janvier 1951, au profit de
certaines catégories spéciales de bénéficiaires.
Cette loi dispose, en effet, que, « nonobstant toute
décision de justice non encore exécutée, les locataires ou leurs ayants droit
de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, déportés, spoliés et
tous ceux qui, par suite de faits de guerre directs ou indirects, n’auront pu
exploiter ou faire exploiter à leur profit leur fonds pendant une durée totale
d’au moins un an bénéficieront de plein droit d’une prorogation jusqu’au 1er janvier
1951 ».
Les preneurs appartenant à l’une des catégories susvisées
bénéficieront donc de cette prorogation sans avoir à adresser de demande à leur
bailleur.
Le propriétaire ne pourra s’y opposer même en invoquant son
droit de reprise, qui ne pourra légalement jouer dans ce cas.
Le prix de location pourra cependant être augmenté durant cette
prorogation. Si les parties ne sont pas d’accord à ce sujet, c’est le président
du tribunal civil qui devra être appelé à le fixer ; il pourra désigner un
expert s’il le juge utile.
En instituant les prorogations dont il vient d’être
question, la loi du 3 septembre 1947 a toutefois réservé les actions en
justice déjà engagées et les décisions de justice rendues, mais non encore
exécutées, à la date de sa promulgation, au sujet du droit de reprise du
propriétaire qui se trouve momentanément suspendu.
Elle dispose que les procédures ainsi engagées pourront être
continuées, les décisions intervenant ne pouvant prendre effet qu’à compter du
1er janvier 1949 ou du 1er janvier 1951,suivant
la catégorie de prorogataire dont il s’agit.
Quant aux décisions de justice rendues, mais non encore
exécutées, elles ne prendront également effet qu’au 1er janvier
1949 ou au 1er janvier 1951, suivant la distinction précitée.
N’ont pas droit au bénéfice des prorogations dont il vient d’être question :
— les personnes condamnées en vertu des textes réprimant la collaboration avec l’ennemi ;
— celles qui ont fait l’objet de sanctions des commissions d’épuration ;
— celles qui ont fait l’objet d’une confiscation au titre des profits illicites.
Une loi rectificative au sujet des loyers d’habitation.
— Une loi du 30 août 1947 a modifié comme suit
celle du 30 juillet 1947 relative aux loyers d’habitation, dans laquelle
le Parlement avait commis deux erreurs de chiffres.
« À titre provisoire et à dater du 1er juillet
1947, les majorations de 30 p. 100 et de 15 p. 100 prévues aux
articles 3 et 4 de l’ordonnance du 28 juin 1945 sont, de plein droit,
portées respectivement à 43 p. 100 et 25 p. 100 sans que
l’application des nouveaux taux puisse avoir pour effet de porter le principal
des loyers d’habitation à un chiffre supérieur à 572 p. 100 de la valeur
locative de 1914 pour les locaux soumis à la loi du 1er avril
1926, et à 125 p. 100 du loyer de 1939 pour les locaux soumis à la loi du
28 février 194l. »
Les plafonds indiqués par erreur par la loi du 30 juillet
1947 étaient de 640 p. 100 (au lieu de 572 p. 100) et de 130
p. 100 (au lieu de 125 p. 100).
L. CROUZATIER.
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