Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°617 Décembre 1947  > Page 649 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Les découvertes de planètes

Notre nouveau billet de 50 francs commémore la découverte, voici cent ans, de la planète Neptune — dieu des mers dans la mythologie, toujours armé de son trident, — découverte qui consacra le génie mathématique de l’astronome Leverrier.

Le centenaire a été l’occasion de brillantes manifestations scientifiques à l’Observatoire de Paris,  dont Leverrier fut le directeur et dont une statue orne la cour d’entrée.

Tout en parlant de Neptune, voyons comment ont été connues les planètes de notre système solaire.

Les cinq premières, visibles à l’œil nu, sont connues dès la plus haute antiquité — dès que le premier homme méditatif, épris d’infini, eut repéré, élevant ses regards vers la voûte constellée, la marche sautillante (1) des planètes et leurs périodes de visibilité et d’invisibilité : Mercure, fugitif messager des dieux, peu visible le soir ou le matin ; Vénus, déesse de l’amour, éclatante « étoile du berger », qui, tantôt à l’aube, tantôt au crépuscule, attire les regards les plus indifférents ; Mars, l’énigmatique, le rouge dieu de la guerre ; Jupiter, reine des planètes, le dieu tonnant de l’Olympe ; Saturne, l’ancêtre Chronos qui dévorait ses enfants, et son anneau, véritable auréole argentée ...

Ces étoiles errantes formaient, avec le Soleil et la Lune, les sept astres qui eurent une influence considérable dans la vie de nos pères. Ainsi, les noms des jours viennent du ciel : lundi. Lune ; mardi. Mars ; mercredi. Mercure ; jeudi, Jupiter ; vendredi, Vénus ; samedi, Saturne ; dimanche, Soleil. Les Égyptiens, les Incas, les Assyriens et bien d’autres peuples adoraient les astres et les associaient à leurs travaux ; l’astrologie couvrit d’obscurantisme et de sortilèges le moyen âge et une partie des temps modernes.

Actuellement, nous avons ajouté trois autres vassales au Soleil, globes obéissants qui le suivent dans l’éther, à des distances de plus en plus grandes, et sont invisibles à l’œil nu (2) : Uranus, Neptune et Pluton.

Découverte d’Uranus.

— Vers 1770, en Angleterre, un organiste allemand, William Herschell, épris d’astronomie, se mit à fabriquer de toutes pièces des télescopes, et de plus en plus grands ; finalement, il réussit un instrument gigantesque de 12 mètres de long, de 1m,47 de diamètre, dont le maniement exigeait une véritable forêt de mâts et de cordages.

Le 13 mars 1781, dans les Gémeaux, parmi un groupe d’astres, il remarqua une étoile dont le diamètre augmentait avec le grossissement ; l’ayant suivie, il constata qu’elle glissait, se déplaçait sur le rideau fixe des étoiles. Il crut à une comète, tant était forte l’idée qu’il ne pouvait y avoir d’autres planètes que celles connues depuis des siècles ; mais les observations et les calculs prouvèrent le contraire, et l’astre fut appelé Uranus (père de Saturne).

Le rayon du système solaire était doublé de ce fait.

Découverte de Neptune.

— Les planètes, dans leurs courses autour du Soleil, suivent une orbite, un trajet bien déterminé, et leurs positions dans le ciel sont connues avec précision, par calcul, très longtemps à l’avance.

Or, dès 1820, les astronomes constatèrent que la marche d’Uranus était perturbée et que ses positions ne cadraient pas avec celles assignées par la théorie ; les influences de Jupiter et de Saturne s’avéraient insuffisantes pour causer ces anomalies.

En 1845, un jeune calculateur, Leverrier, fut chargé de résoudre le problème, qui lui coûta un an de calculs ...

Il avança que ces perturbations étaient le fait d’une planète éloignée inconnue, et il en donna la masse, la position, même le diamètre apparent dans les instruments, ce qui devait permettre de la reconnaître parmi les étoiles ... L’Observatoire de Paris était pauvre en cartes, et ce fut un astronome allemand, Galle, qui, au reçu d’une lettre de Leverrier, le 23 septembre 1846, au grand équatorial de Berlin, à très peu de distance de la position annoncée, dans le Capricorne, trouvait une étoile non figurée sur la carte ; Galle répondit, après vérifications, le 25 : « Monsieur, la planète dont vous avez indiqué la position, réellement existe ... »

L’événement fit grand bruit et même dépassa les sphères scientifiques ; car un jeune Anglais, Adams, avait lui aussi abordé et résolu le problème en même temps que Leverrier, mais son directeur d’observatoire ne prit pas les prévisions au sérieux et ne reconnut son erreur qu’après coup. L’honneur national d’outre-Manche fut en jeu, la presse française, la caricature s’en mêlèrent, peu courtoisement parfois pour nos voisins ...

Quoi qu’il en soit, la nouvelle planète fut appelée Neptune, et son existence reculait d’un pas de géant les limites de notre système : à 4.500 millions de kilomètres du Soleil, Neptune mettait plus d’un siècle et demi à faire le tour de son orbite.

Cet astre fut retrouvé dans les anciennes observations de divers astronomes, qui, s’ils avaient été plus méticuleux, auraient pu eux aussi découvrir la planète ; mais l’un d’eux n’avait-il pas noté la position de l’étoile sur un sachet vide de poudre à cheveux ... O bienheureux temps des perruques !

Découverte de Pluton.

— L’existence de planètes transneptuniennes a été envisagée déjà par Leverrier aussitôt après la découverte de Neptune, en 1846. C’est surtout, à une certaine distance du Soleil, par les perturbations apportées dans la marche de comètes et la « capture ‘ » de quelques-uns de ces astres que l’hypothèse d’une nouvelle planète prit corps ; ces éléments et les perturbations subies par Uranus (la présence de Neptune ne suffisant pas à expliquer les irrégularités de son mouvement) permirent aux chercheurs de situer sa position. Mais des années s’écoulèrent ...

L’honneur de la découverte revient à Percival Lowell, diplomate américain qui, enflammé par la lecture d’un ouvrage de C. Flammarion, se consacra désormais à Uranie, érigea un puissant observatoire sur une montagne de l’Arizona et orienta ses recherches sur la planète Mars et les transneptuniennes.

Il mourut en 1916, sans avoir connu la réalisation de son rêve, mais ses travaux furent continués, et, en 1928, on assignait à l’objet une position dans les Gémeaux, à la distance 45 ; c’est un jeune assistant de l’observatoire Lowell, Clyde W. Tombangh, qui, dès janvier 1929, aidé d’un télescope, prenant des clichés de zones où devait se trouver la planète, remarqua, le 21 janvier 1930, dans les Gémeaux, un nouvel astre ; après enquête, l’étoile fut reconnue comme la planète cherchée. Pluton, c’est le nom de cet astre, n’est visible qu’avec de très puissants instruments et roule sur une orbite située à près de 6.000 millions de kilomètres du Soleil.

Désormais, la lumière mettrait douze heures, à la vitesse de 300.000 kilomètres à la seconde, pour traverser de part en part le domaine connu de l’étoile Soleil — je dis connu, car les astronomes, gens insatisfaits, pensent à d’autres planètes, que peut-être le télescope de 5 mètres du mont Palomar (3) permettra de déceler.

R. MIETTE.

(1) Sur laquelle les pèlerins d’Echternach ont dû copier.
(2) Sauf Uranus, en certaines circonstances.
(3) Voir Le Chasseur Français d’octobre-novembre 1946.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 649