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Le cinéma de l’avenir

Un problème poursuivi depuis longtemps par les inventeurs, une invention technique à laquelle les techniciens ne voulaient pas croire, vient d’être réalisée. Il s’agit du déroulement continu du film dans les appareils de projection. La démonstration a été faite sur écran de dimensions moyennes et l’on attend de prochaines réalisations dans les salles publiques.

Le film martyrisé.

— Aussi bien à la prise de vues qu’à la projection, on sait que le film doit nécessairement s’arrêter à chaque image ; ceci est indispensable pour obtenir une projection fixe. On assiste donc à cette hérésie mécanique d’un film qui s’élance vingt-quatre fois par seconde — la lumière étant coupée à ce moment par un secteur tournant, — puis s’immobilise vingt-quatre fois par seconde pour fournir la projection.

Malgré sa légèreté, la bande se trouve fort mal de ce traitement brutal. En particulier, les ressorts-freins du « couloir », où le film passe devant l’objectif, doivent être suffisamment serrés pour l’arrêter instantanément. De là une usure rapide. Les « copies », autrement dit les bandes destinées aux salles, se trouvent rapidement éraillées, déchirées et même coupées. La mécanique est délicate ; il faut qu’elle soit extrêmement précise malgré les discontinuités du mouvement. On emploie la classique « croix de Malte », le « haricot » rotatif ou des griffes oscillantes.

Par ailleurs, une boucle doit être obligatoirement ménagée entre le « projecteur-images » et le « projecteur-sons », où se trouve la cellule photo-électrique chargée de reproduire le son, le déroulement devant être continu dans ce dernier appareil.

Le miroir oscillant.

— Optiquement, la solution est connue depuis longtemps ; elle est fort simple. Il s’agit de dérouler le film d’un mouvement continu, tout en recevant le faisceau lumineux sur un miroir oscillant entraîné par le mécanisme. Cette utilisation du miroir a pour effet de compenser le mouvement de l’image, en sorte que la projection redevient fixe. La course retour du miroir se fait durant le passage du secteur obturateur.

Le grand physicien français Lipmann, ainsi que de nombreux émules, ont vainement tenté de construire sur ce principe un appareil utilisable. Le succès des deux inventeurs français — MM. Gras et Daviaud — est dû à la position particulière du prisme à réflexion totale formant miroir oscillant : ce prisme est placé entre les lentilles de l’objectif, en sorte qu’il y a une excellente compensation des différentes erreurs optiques.

La qualité de la projection paraît remarquable ; la fixité des sous-titres, en particulier, est parfaite. Les inventeurs ont standardisé leur appareil sur les cotes des installations actuelles de projection ; il est, par suite, possible d’opérer la substitution en quelques minutes sans changer la position des bobines ... ni les habitudes de l’opérateur de cabine, ce qui est psychologiquement très important !

Cinéma en relief.

— Il a été de nouveau question, au Festival du film, à Cannes, d’un autre problème « irrésolu » : le cinéma en relief. On sait que le problème de la photographie en relief, au contraire, a été résolu de façon très satisfaisante par le procédé français Bonnet ; mais ce procédé exige des supports épais et rigides qui s’opposent à l’emploi par le cinéma.

M. Louis Lumière, en perfectionnant le classique procédé des anaglyphes, ou projection bicolore, a résolu le problème du relief avec « lunettes » ; autrement dit, les spectateurs sont obligés de chausser un lorgnon bicolore, vert bleu pour un œil, orangé pour l’autre. Cette sujétion, pourtant bien légère, a empêché le développement commercial du procédé.

Aux États-Unis, le Dr Ives a créé un système d’écran accompagné de grilles, qui ont été rendues oscillantes grâce à un moteur électrique et à des suspensions en caoutchouc. La seule sujétion imposée au spectateur est de garder la tête immobile, ce qui est réalisable sans fatigue excessive. La luminosité extrême des images permet de faire la projection en salle éclairée. Il semble que le procédé Ives soit appelé à un grand avenir, si l’on réussit à mettre au point différents détails techniques.

Pierre DEVAUX.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 649