Dans notre dernière causerie, nous indiquions l’intérêt que
présentent nombre d’oblitérations sur les timbres de Grande-Bretagne. Il en est
exactement de même en ce qui concerne les colonies anglaises.
De très nombreux philatélistes britanniques, métropolitains
ou coloniaux, se spécialisent dans une seule colonie, dont ils étudient les
timbres et l’histoire postale dans toutes leurs ramifications, aussi bien les
variétés techniques des timbres : papiers, dentelures, variétés de
planches, etc., que tout ce qui se rapporte à l’usage postal. Or, dans ce
dernier domaine, il est facile de comprendre que certaines oblitérations sur
les vieilles émissions de bureaux de postes, alors sans aucune importance, ne
courent pas précisément les classeurs des marchands. L’étude approfondie de
quelques colonies peut ainsi permettre de découvrir de raretés insoupçonnées.
Le Canada et ses provinces, Terre-Neuve, Jamaïque sont particulièrement riches
en variétés de ce genre.
Un autre type d’oblitérations est encore plus intéressant.
Ce sont les used abroad de certaines colonies anglaises, autrement dit
les timbres de colonies utilisés dans d’autres colonies pour une raison
quelconque. Ce qui correspond exactement aux used abroad de
Grande-Bretagne dont nous parlions dernièrement. La colonie type de ce genre de
cachets postaux est l’Inde anglaise, dont les variétés dans ce domaine sont si
nombreuses qu’elles ont réussi à constituer à elles toutes seules des
collections excessivement importantes, universellement connues. Ces
oblitérations se rencontrent surtout sur les timbres de l’époque victorienne,
non seulement les premières émissions lithographiées, et fameuses par ailleurs
pour leurs nombreuses variétés d’impressions, mais encore sur toutes les
émissions suivante de de La Rue, qui ne sont guère recherchées que
pour cette raison d’oblitérations et d’usage postal.
Contrairement à ce qui se passe pour les britanniques used
abroad, il n’existe aucun point de repère permettant de situer facilement
les indiens de même nature. C’est probablement pourquoi l’on trouve tellement
d’« occasions » dans les classeurs des marchands, et cela même en
Angleterre. Mais heureusement les études spécialisées ne manquent pas. Parmi
les plus recherchées de ces oblitérations, citons : a. Les bureaux
anglais des enclaves françaises ou portugaises : B 86 : Chandernagor ;
C 147 : Karikal ; C 111 : Pondichéry, etc. ; b.
Les bureaux militaires du secteur indien, dont la caractéristique est un cachet
« Field Forces » ou similaire, combiné ou non avec une lettre ou un
chiffre ; on en a abrégé : F. P. O. no ...,
suivi d’un chiffre, ou C. E. F., ou encore B. R. A. ; c.
Les timbres indiens utilisés à Aden : 124 (à noter que cette même
oblitération d’Aden se rencontre aussi sur les premiers timbres de Maurice, qui
présentent alors une plus-value considérable) ; d. Les bureaux
britanniques du golfe Persique et du Moyen-Orient : 356 et 18 :
Bagdad ; 22 et K. I. 5 : Bandar-Abbas ; 308 et
K5 : Bushire ; 357 et 19 : Busra ; M. 5. 4 :
Yanam, etc. ; e. Les bureaux du Tibet, aux oblitérations de
villes ; f. Toute la série des Détroits : B 109 : Malacca ;
B 147 : Penang ; etc., et surtout les très rares cachets
rectangulaires avec noms de villes ou lettre et chiffre ; g.
Timbres indiens usés en Malaisie, Sarawack, Bornéo, etc. ; h. Ceux
utilisés en Afrique, en Abyssinie (villes ou 124 ou cachets militaires), en
Somaliland (Berbera ou B dans un cercle de barres), dans le Sud-Afrique, ou
Soudan, etc. Par ce cours exposé, l’on peut voir l’intérêt que présentent des
centaines d’oblitérations possibles sur des timbres, par ailleurs de très peu
de valeur. Il va sans dire que ces oblitérations sont encore plus prisées
lorsque sur lettres entières d’origine, la prime pouvant alors être
excessivement importante.
Presque toutes les vieilles émissions des colonies anglaises
présentent d’ailleurs des variétés de ce genre, qui toutes sont payées en
conséquence par les spécialistes qui en connaissent la rareté. Un vieux
Jamaïque, Victoria ou Édouard ne présente que peu d’intérêt ; tout change
s’il est usé au dehors, et oblitéré « Grand Cayman » par exemple. Les
vieux classiques que sont les « vues de Sydney » sont toujours
recherchées par les connaisseurs. Mais combien savent que ces timbres font
encore une substantielle surprime lorsqu’ils sont oblitérés du papillon, indice
d’utilisations dans le Victoria, ou du losange de points des bureaux de la
Nouvelle-Calédonie ? Et combien d’autres exemples de ce genre ? Et
combien de raretés insignes, qui dorment dans les albums — et dans les
classeurs des marchands — ignorées de leurs propriétaires ?
M. L. WATERMARK.
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