Diverses questions sont assez fréquemment posées par nos
lecteurs au sujet du tir vertical, et quelques-uns d’entre eux attribuent leurs
insuccès aux différences de pénétration et de groupement qu’entraînerait ce
genre de tir. On nous a même demandé s’il avait été fait des expériences à ce
sujet et suggéré d’en instituer.
Nous avons, il y a une dizaine d’années, répondu à ces
préoccupations ; mais, comme le sujet reste d’actualité pour nos
questionneurs et pour beaucoup d’autres, nous croyons devoir en résumer
aujourd’hui l’essentiel.
Le raisonnement seul va nous démontrer qu’il n’y a pas lieu
d’entreprendre des expériences assez difficiles à conduire et que l’attribution
de causes notables d’infériorité au tir vertical est une opinion subjective due
aux impressions acquises dans notre lutte journalière contre les effets de la
gravité.
Voyons, en premier lieu, ce qu’il en est pour la pénétration
et examinons le comportement d’un projectile lancé verticalement. On sait, par
l’expérience et par le calcul, que ce projectile, dont la vitesse se réduit
progressivement jusqu’à s’annuler, revient vers la terre à partir de son point
culminant en se comportant comme tous les corps en chute libre, Si la
résistance de l’air n’existait pas, sa vitesse à l’arrivée serait égale à la
vitesse même avec laquelle il a été projeté, mais, en raison du freinage tant à
l’aller qu’au retour, la vitesse restante à l’arrière est très inférieure à la
vitesse initiale.
Le chasseur a évidemment l’impression qu’un gibier placé à
une hauteur telle que la vitesse restante soit très faible ne risque pas grand’chose
du ou des projectiles qui lui sont destinés, mais, dans la limite du tir de
chasse, soit une quarantaine de mètres, les effets de la pesanteur ont à peine
eu le temps de se faire sentir. Nous savons par l’étude du tir horizontal, sur
lequel nous possédons toutes les expériences utiles, que le plomb de chasse
met, suivant sa grosseur, de 20 à 30 centièmes de seconde pour parcourir
environ 40 mètres et que, dans ce cas, le centre de la gerbe ne s’abaisse
que d’une vingtaine de centimètres, un peu plus ou un peu moins suivant le
numéro du plomb employé. C’est uniquement cette composante verticale due à la
gravité qui est à prendre en considération : les plombs tirés
verticalement n’atteindront la hauteur de 40 mètres qu’avec un retard
d’une vingtaine de centimètres seulement sur ceux qui seraient lancés
horizontalement sur un but placé à la même distance. On sait également qu’un
corps tombant en chute libre ne parcourt en 20 ou 30 centièmes de seconde
qu’une distance insignifiante et que sa vitesse est extrêmement faible. Toutes
ces considérations, que l’on peut chiffrer, même en tenant compte de la
résistance de l’air, conduisent à penser que, dans les limites d’emploi du
fusil de chasse au tir vertical, les vitesses restantes sont pratiquement les
mêmes que dans le tir horizontal.
Si les vitesses restantes sont les mêmes, la pénétration est
identique à égalité de numéro de plomb employé, puisque cette pénétration ne
dépend que de la masse du projectile et de sa vitesse.
En ce qui concerne le groupement, les plombs du centre, peu
influencés par la pesanteur, conservent une trajectoire sensiblement
rectiligne ; ceux de la périphérie s’excentrent légèrement, par
comparaison avec la dispersion sur cible normale. L’ensemble, à quelques
centièmes près, reste identique, et les probabilités d’atteintes graves ou
légères sur un gibier d’un poids donné peuvent être calculées comme dans le tir
horizontal. Il n’y a donc aucune raison d’obtenir de moins bons résultats que
dans un tir ordinaire, et les insuccès constatés parfois doivent être imputés à
d’autres causes que celles d’une infériorité des conditions balistiques.
Nous ferons même remarquer que les oiseaux non protégés par
des branches d’arbres et tirés verticalement en plein vol (coup du roi)
présentent au chasseur leurs parties les plus vulnérables en même temps que le
maximum de surface. Lorsqu’ils sont bien centrés dans la gerbe de plombs, ils
tombent facilement : la seule difficulté consiste à les bien centrer par
suite de leur vitesse angulaire et du manque de souplesse des bras du tireur,
souvent imputable aux vêtements dont il est revêtu.
Il convient de noter également que tout objet vu à la
verticale paraît beaucoup plus éloigné que lorsqu’il est placé au niveau de
l’œil, alors que les distances sont les mêmes. Il en résulte que beaucoup de
chasseurs tirent avec succès des pièces horizontales à la limite de portée, et
qu’ils laissent passer au-dessus d’eux des pièces dont la portée réelle est
inférieure d’une dizaine de mètres, bien que le déplacement de ces dernières en
rende le tir plus facile. Ces diverses considérations son utiles à méditer.
En ce qui concerne les oiseaux perchés, le tir vertical est
l’exception, et il s’agit presque toujours de tir oblique. On notera dans ce
cas que la surface vulnérable est minimum, la protection des organes maximum et
que des branchages peuvent souvent amortir le coup ; on en tiendra compte
dans le choix du plomb. En revanche, l’immobilité du gibier permet une visée
précise qui compense les autres causes d’infériorité.
Notons enfin que les mauvaises conditions de l’épaulement
(épaisseur du vêtement par suite de plis, excès ou défaut du bois de la crosse
vers le talon) sont des facteurs d’insuccès dans le tir vertical.
Nous recommandons aux chasseurs de porter leur attention sur
ces différents points et nous leur souhaitons de trouver dans cet examen la
possibilité de réussir quelques coups difficiles.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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