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Le lancer léger en mer

Tout d’abord, je vous signale que la mer est plutôt néfaste pour les cannes en bambou refendu. L’humidité saline peut décoller les sections du bois, et la réparation devient impossible et plus coûteuse que l’achat d’une canne neuve.

Cependant, quelques séances ne peuvent nuire, si on prend les précautions indispensables : laver la canne à l’eau douce après chaque séance, bien l’essuyer aussitôt avec un linge doux et la placer dans un endroit sec ... s’il en existe, ce qui, dans le climat marin, n’est pas toujours le cas.

De toute façon, il est très important, avant d’emmener une canne à la mer, de vérifier que son vernis est absolument intact et, si ce n’est pas le cas, de la passer au papier de verre fin et de lui donner au moins deux couches de ce vernis transparent, dit « extérieur », dont se servaient les voituriers.

Une solution plus sûre consiste à bricoler pour la mer une vulgaire canne en bambou noir avec un « pied de bambou » d’une seule pièce que vous couperez de façon à lui donner la « puissance » désirée. Vous la garnirez d’anneaux en laiton et ferez à la base une bonne poignée en y enfilant des bouchons percés collés à la « glu marine », sur lesquels glisseront deux bagues provenant d’une virole de cuivre sciée en travers, qui serviront de porte-moulinet.

Au besoin, une trique de noisetier ferait l’affaire. Ces cannes dureront toujours au moins une saison.

Maintenant, le moulinet. S’il n’est pas en aluminium, il ne risque rien (ne pas confondre aluminium et duralumin). L’axe central en acier devra évidemment être maintenu soigneusement graissé à la graisse consistante. Et il est probable que le petit ressort de rappel du cliquet devra être changé au retour, mais ce n’est pas une grosse réparation. Quant au mécanisme, si on a pris, comme il se doit, la précaution de bien remplir le carter d’huile d’auto avant le départ, il est à l’abri.

Comme ligne, le gut ou l’un de ses « produits de remplacement » s’imposent de préférence à la soie, qui serait vite corrodée.

Restent les hameçons que le sel rongera assez vite. Mais un appât de spinning est toujours condamné à mourir jeune dès qu’il est mis en service.

Comme appâts de spinning, pendant que nous y sommes, on pourra employer toutes les petites cuillers plombées en tête, surtout celles de forme longue et argentées. Et aussi les appâts spécifiquement marins, mais toujours armés d’hameçons fins de fer et très piquants que nécessite notre méthode, qui manque de puissance dans le ferrage.

Le plus connu, à juste titre, est le morceau de peau de poisson, la « fleurette » des pêcheurs de maquereaux. C’est le maquereau qui fournit la plus efficace : on tranche près de la queue, parallèlement à la peau, avec un peu de chair, un morceau d’un ovale très allongé comprenant mi-partie la peau bleu foncé du dos et la peau argentée du ventre. Faute de mieux, on peut aussi découper des fleurettes sur les flancs, en oblique, en petites lanières, mais elles ne valent pas les autres. La fleurette s’accroche par la partie la plus large à un hameçon no 5.

Cet appât ne tourne pas, mais frétille de très attrayante façon. À défaut de peau de maquereau, on peut employer celle de l’orphie (aiguillette), ou du bar, ou de tout autre poisson brillant.

Du temps où je pêchais sur les côtes bretonnes, j’employais la méthode suivante : j’avais toujours cinq ou six fleurettes de maquereau toutes prêtes dans une petite boîte en bois avec du gros sel. Elles n’étaient pas magnifiques au bout de deux ou trois jours, mais c’était mieux que rien, et j’arrivais aisément, quand un banc de maquereaux rasait les rochers, à en prendre rapidement un sur la queue duquel je prélevais aussitôt deux appâts d’un incomparable brillant. Et ainsi de suite. Avec le même morceau de peau, on peut d’ailleurs prendre un grand nombre de poissons.

Un autre appât très bon, employé en Méditerranée, est la plume de goéland prélevée sur le flanc et ayant un peu de duvet attaché à sa hampe. Le tout, long de 4 centimètres environ. Cette plume est ligaturée à un hameçon no 4 ou 5, extérieurement à la courbure. Cet appât se montre efficace, tant à la traîne qu’au lancer, pour les petits bars ou « loups », et tous autres carnassiers de surface de la Méditerranée.

Un morceau de peau de sole découpé en losange, peint au bronze d’aluminium, plié en deux selon la grande diagonale et fixé à cheval sur un hameçon, le « dos » de l’appât peint au vernis bleu, remplace la « fleurette » naturelle.

De petits poissons : spratts, athérines (prêtrats) ou même ablettes d’eau douce conservées, montés comme je vous l’ai indiqué pour le brochet, sont excellents pour le bar.

Pour le lieu, dans les remous écumants à l’arrière des petits rochers, et aussi pour pas mal d’autres poissons, un morceau de tuyau de caoutchouc de vaporisateur, rouge, gris ou noir, ou peint au bronze d’aluminium, coupé en sifflet très allongé et enfilé sur un hameçon monté qui courbe la « queue » plate de l’appât, est très attirant et tourne à merveille si l’hameçon est accroché à un émerillon.

Dans le Midi, on emploie beaucoup les appâts naturels : petites anguilles dites « anguillons », grandes crevettes accrochées sous la carapace et petites tentacules de poulpe ou de seiche suivant les lieux et les saisons.

La plupart de ces appâts ne sont pas d’un poids suffisant pour être lancés. Un plomb olive de 10 grammes à 0m,40 en avant permet à la fois de les placer à bonne distance et de les ramener à une profondeur suffisante.

En Méditerranée, pour la « patte de poulpe » et aussi d’autres appâts qu’il y a intérêt à employer libres, sans aucun poids, on avait trouvé avant guerre le truc suivant : un peu au-dessus de l’esche, on bouclait sur la ligne un morceau de sucre ; celui-ci fondu, l’appât libéré travaillait entre deux eaux.

De la côte, vous prendrez, en été, les jours où les poissons s’approcheront du bord, maquereaux, saurels (chinchards), vins et orphies, tout cela de taille moyenne, une livre maximum ; par début de ressac, avant que le goémon arraché ait rendu la pêche impossible, des bars (là où il en reste) et des lieux. J’oubliais les aloses et les « couverts ». En canoé, vous prendrez tous les poissons ci-dessus le long des îles et rochers du large. Mais pas d’imprudence !

Ne caressez pas l’espoir de prendre des mulets au lancer léger. Le mulet ne mord ni au spinning ni au paternoster, seulement à la ligne flottante, pour laquelle il faut la grande canne.

Bien entendu, il n’est pas question de s’attaquer au gros poisson : denti, bonites, thons, squales exigent un matériel ultra-robuste.

À l’occasion, vous pourrez pêcher au paternoster léger, dans des courants faibles : une balle de 10 à 15 grammes et deux brins secondaires avec de petits hameçons esches de crabe mou, de vers de roche ou de vase (néréides), de queues de crevettes décortiquées ou de moules à demi cuites. Vous prendrez aussi des poissons plats, des merlans, tacauds, petites vieilles, athérines, etc.

A. ANDRIEUX.

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 20