Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°618 Février 1948  > Page 28 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Le rôle des feuilles

dans les essences fruitières

Les feuilles remplissent dans les essences fruitières un rôle important, sur le développement de la charpente, sur la fructification, sur l’abondance et la qualité des produits. Il est donc nécessaire, pour le praticien, de connaître toutes les fonctions foliaires, leur comportement, afin d’intervenir en apportant les modifications toutes les fois que ces fonctions ne sont pas conformes aux résultats cherchés.

Description de la feuille.

— La feuille est une lame verte, aplatie, portée sur la tige des arbres. Elle présente trois parties : le limbe, en forme de lame étalée ; le pétiole, à section plus étroite, qui porte le limbe ; la gaine, plus ou moins aplatie, qui rattache le pétiole à la tige. L’insertion des gaines sur la tige se fait sur un renflement ou nœud. De chaque côté de la gaine, se trouvent deux appendices foliacés appelés stipules. Dans l’angle formé par le pétiole et la tige, se trouve un œil latéral et des yeux stipulaires, ces derniers moins visibles.

À l’approche de l’automne, la feuille se vide des matières utiles qu’elle renferme dans les tissus au profit des organes de réserve que constituent la tige et les racines. Une couche de liège se forme en travers du pétiole, au-dessus de l’œil latéral, et la feuille privée de nourriture se détache de l’arbre.

Constitution du limbe de la feuille.

— Une coupe pratiquée transversalement dans le limbe de la feuille nous montre, de la partie supérieure à la partie inférieure, un épiderme supérieur incolore, de grandes cellules perpendiculaires à cet épiderme appelées palissades, puis plusieurs assises d’autres cellules lâchement unies entre elles, irrégulièrement disposées, entre lesquelles existent des cavités ou lacunes, et enfin un épiderme inférieur. Ces tissus sont protégés extérieurement par une assise de cellules épidermiques, ayant leur paroi externe plus épaissie par une transformation de la cellulose constitutive de la paroi en un nouveau composé, la cutine. L’ensemble des couches cutinisées de la membrane constitue la cuticule. Cette couche est peu perméable aux liquides et aux gaz, inattaquable par le ferment de la putréfaction des organes végétaux. La cuticule préserve l’épiderme, la cutine est insoluble dans l’eau, l’alcool et l’éther, elle se dissout dans la potasse concentrée bouillante. C’est à la faveur de la cuticule que l’arboriculteur et le viticulteur peuvent employer les produits insecticides et fongicides sans provoquer des brûlures sur les feuilles, fruits et fleurs. On a remarqué qu’après une période de 12 à 15° C, s’il survenait une baisse de 5 à 7° C, tous les traitements effectués à cette époque produisaient des brûlures partielles, ou totales, sur les bourgeons et les jeunes feuilles. À cette température, la cutine ne se forme pas sur les tissus des plantes, la cuticule ne peut être renforcée par cet enduit protecteur, elle perd sa résistance et se laisse attaquer par les produits plus ou moins toxiques. Le praticien doit, à partir de 5 à 7° C, cesser tous les traitements, jusqu’à ce que la température remonte à 16 ou 17° C. À ce moment la cutine se forme ; cette couche mettra les organes d’essences fruitières à l’abri de ces brûlures. En viticulture et en arboriculture, on ne doit procéder au soufrage que lorsque la température est au-dessus de 15° C, afin que le soufre puisse se transformer en acide sulfureux, qui détruit le mycélium des blancs se trouvant à la surface des feuilles.

Répartition des feuilles sur la tige.

— La disposition des feuilles sur la tige du poirier suit très régulièrement une spirale. Deux tours complets de spires sont nécessaires pour rencontrer la feuille placée immédiatement au-dessus de celle dont on est parti, cette feuille est la sixième rencontrée. Cette disposition rigoureuse des yeux est mise à profit par les arboriculteurs pour former les arbres en pyramide, en fuseau. Les branches charpentières disposées régulièrement en spirales autour de l’axe central, la tige, permettent d’obtenir le maximum de pénétration de la lumière entre chacune d’elles. Les coursonnes sont bien aérées, ensoleillées, présentent une végétation très active. La formation des productions fructifères se trouvant favorisée, celles-ci auront une végétation continue, donneront des récoltes régulières et des fruits de qualité.

Ces résultats seront maintenus en taillant les coursonnes des parties inférieures des branches charpentières plus longues que celles du sommet. La surface foliaire des coursonnes de la base, étant plus importante, équilibrera l’arrivée de la sève élaborée dans les parties de l’arbre où elle a tendance à diminuer.

La disposition des yeux sur le rameau de poirier permet au praticien de modifier la forme pyramidale du poirier et la transformer en une pyramide ailée ou pentagonale.

Obtention de la pyramide ailée.

— Cette forme se compose, comme la pyramide ordinaire, d’une tige verticale sur laquelle s’insèrent les branches charpentières de longueur décroissante à mesure qu’elles se rapprochent du sommet. Mais elle en diffère du fait que les branches, au lieu d’être situées dans des plans divergents, forment cinq plans verticaux situés à égale distance. Les cinq sommets des charpentières réunis donnent un pentagone, et la projection de cette forme sur le plan horizontal représente une étoile à cinq branches.

Choisir des variétés de poirier à branches dressées, greffées sur franc (provenant de semis) : William’s, Beurré d’Amanlis, Beurré Hardy, Clapp’s Favorite, Louise-Bonne, Beurré, Dumont, Comtesse de Paris, Doyenné du Comice, Duchesse d’Angoulême, Olivier de Serres, Bergamote Esperen.

Après la plantation, le scion de poirier est attaché, dès que le tassement du sol a eu lieu, sur un tuteur en fer, fixé au pied dans un dé de pierre. Cinq fils de fer partent du sommet de ce tuteur, maintenus écartés les uns des autres par un intervalle égal pour constituer les cinq ailes de la pyramide. Les cinq fils de fer sont arrêtés à 30 centimètres de hauteur sur un piquet enfoncé dans le sol, à une distance égale à la moitié du diamètre de la forme à établir. À la formation des rameaux sur la tige, on fixe un liteau, au piquet, d’une part, à la hauteur des rameaux qui se développent, et, d’autre part, au fil de fer correspondant, afin de lui conserver son inclinaison de 42° avec la tige et sa position symétrique. En examinant une des ailes individuellement, elle représente une demi-palmette oblique.

Cette forme est très décorative pour le jardin d’amateur ; elle devra être réservée aux arboriculteurs aimant à surmonter les difficultés.

Fonctions de la feuille.

— Les feuilles sont les organes respiratoires des plantes. Elles absorbent de l’oxygène de l’air et rejettent l’acide carbonique ; ce phénomène a lieu le jour et la nuit. Il varie selon les conditions extérieures, son intensité diminue lorsque la température s’abaisse et quand l’éclairement augmente.

Les feuilles transpirent par leurs stomates de la face inférieure ; elles sont le siège d’une transpiration très active qui provoque une véritable aspiration de la sève brute et une concentration de celle-ci. Ce phénomène augmente avec la température, avec l’intensité de la lumière et l’état de sécheresse de l’air ambiant. La transpiration croît depuis le lever du soleil, jusqu’à 3 heures de l’après-midi et décroît ensuite jusqu’au soir ; elle est presque nulle la nuit. Les plantes évaporent d’autant moins d’eau que la terre est plus riche en principes fertilisants. Plus un sol est fertile, plus l’eau contient en dissolution des matières fertilisantes. Dans ces conditions, il suffit d’une absorption d’eau relativement faible pour assurer l’alimentation de la plante. Il résulte de ce qui précède que les engrais solubles, en réduisant la transpiration, permettent aux plantes cultivées de résister à la sécheresse. Une terre devra, d’autre part, être d’autant plus fumée qu’elle est plus sèche.

Les feuilles assimilent le carbone de l’air sous l’influence de la lumière solaire, les feuilles et les parties vertes du végétal dédoublant le gaz carbonique de l’air en carbone qu’elles assimilent et en oxygène qu’elles rejettent.

C’est par l’intermédiaire de la chlorophylle, qui a la propriété de capter l’énergie des radiations solaires, que la plante peut rompre l’union intime du carbone et de l’oxygène dans le gaz carbonique et combiner à son profit le carbone, l’eau et les sels minéraux. La conséquence de cette fixation du carbone est la formation dans les feuilles de l’amidon et des sucres, qui sont pris par le courant de la sève, entraînés par les vaisseaux libériens des nervures, puis par ceux de la tige, vers les organes de formation et d’accroissement. Cette migration a lieu jour et nuit.

E. DEAUX

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 28