Puisque nous entrons dans la période favorable à la pêche à
la mouche artificielle, il nous paraît logique de consacrer quelques pages à
cette partie essentielle du matériel nécessaire : le bas de ligne garni de
ses mouches.
Il va sans dire qu’il comportera des variantes, selon le
mode de pêche employé.
Nous examinerons aujourd’hui le bas de ligne pour mouches
noyées, c’est-à-dire monté avec des mouches pêchant exclusivement en dessous de
la surface de l’eau et s’adressant aux poissons chasseurs à la recherche des
nymphes, larves ou insectes parfaits tombés à l’eau et roulés par le courant.
Tous les poissons de surface se capturent aisément à la
mouche artificielle, depuis le saumon jusqu’à l’ablette, en passant par la
truite, le chevesne, l’ombre, le black-bass et même la perche.
La pêche du saumon à la mouche demande un long apprentissage
et n’est pas à la portée de quiconque ; nous en reparlerons prochainement.
Je vous souhaite tout de même d’éprouver la violente
sensation d’en tenir un, ne fût-ce qu’une minute, avec une petite canne
destinée à pêcher la truite.
Cela m’est arrivé dans le haut Allier ; je vous assure
que la question fut vite tranchée ... le bas de ligne aussi : deux
coups de queue, un retournement en force et ... clac ! il est parti
avec une belle mouche piquée à la lèvre en souvenir.
En principe, le bas de ligne à mouches aura de 10 à 20 centimètres
de moins que la canne, et je conseille vivement d’adopter une longueur
constante qui vous permettra plus de précision dans vos lancers.
Il sera établi en racine ou en gut, mais ce dernier se
ramollit exagérément une fois mouillé et s’étend moins bien lors du
lancer ; je ne le conseillerai donc pas aux débutants.
Nous l’établirons en queue de rat, c’est-à-dire allant en
s’amincissant depuis sa jonction avec la soie imperméabilisée, elle-même ainsi
tressée, jusqu’à la mouche de pointe. Il sera, en somme, la prolongation de
cette soie.
Cependant, comme la précision est moins nécessaire en cette
pêche qu’en celle avec la mouche flottante, nous admettons qu’une soie
parallèle, c’est-à-dire de même calibre sur toute la longueur, et un bas de
ligne construit pareillement sont utilisables sans grande différence.
La racine terminale sera de grosseur 3 X au
maximum, sous peine de casses répétées. Sur canne souple, on pourra descendre
au 4 X.
Un exemple, avec des racines de 50 centimètres de
longueur : 2 de 3 X, 2 de 2 X, 1 de X, 1 de Régular, sans, bien
entendu, que ces chiffres constituent une règle immuable ; et ceci pour
une canne de 3 mètres environ.
Quand le débutant sera devenu un expert ès pêches, il pourra
adopter toute autre construction créée par son imagination.
Le bas de ligne classique à mouches noyées en comporte
généralement trois, séparées les unes des autres par un intervalle de 80 à 90 centimètres,
la plus petite étant placée en pointe. Elles varient du no 12
au 10.
Les mouches intermédiaires sont portées par des avançons de
6 ou 7 centimètres, au maximum, qui sont formés par les extrémités des
racines ayant servi à la construction du bas de ligne (fig. 1).
Ces extrémités doivent être prises du côté allant vers la
soie, précaution qui évitera le « plaquage » de l’avançon sur le bas
de ligne sous l’effet du courant.
Les avançons peuvent aussi être indépendants et joints au
bas de ligne, comme sur la figure 2. Ayez bien soin de serrer
convenablement le nœud « guillotine », afin d’éviter le glissement du
nœud terminal du bout de crin.
Pour consolider ce système d’attache, on peut faire passer
l’extrémité A deux fois dans la boucle avant de serrer les deux racines.
Ces deux bas de ligne sont employés pour pêcher
exclusivement sous l’eau, soit en remontant, soit en descendant le courant,
mais il existe des bas de ligne dits « mixtes » supportant une mouche
noyée, en pointe, et une autre flottante, appelée sauteuse, placée à 1m,20
environ de la première.
Ils sont destinés aux courants vifs, comme les torrents de
haute montagne, où tout autre procédé serait inopérant. Ils se fixent au bout
d’une soie très légère que le courant tendra aisément ; en maintenant la
canne haute, le bas de ligne sera nettement au-dessus de la surface
(fig. 3).
La sauteuse, au bout de son avançon en racine fine de 12 à
15 centimètres de longueur, doit être maintenue en surface et agitée grâce
à un tremblotement léger du scion.
Elle sera plus fournie en hackles ou montée sur liège, comme
celles que j’emploie, ou encore légèrement vaselinée. La mouche de pointe, qui
doit pêcher noyée entre deux eaux, sera imbibée de glycérine ou, ce qui est
mieux, légèrement plombée.
J’ai réussi admirablement avec des bas de ligne ainsi montés
dans les torrents alpestres.
Un tel agencement permet l’exploration des petits
calmes, derrière les blocs, avec la mouche flottante, pendant que celle de
pointe virevolte dans les courants voisins.
Ayez toujours dans votre boîte un bas de ligne mixte, ainsi
garni, pour vos déplacements vers une rivière inconnue ; vous pourrez vous
trouver devant un rapide assez long où seule une telle monture pourra être
efficace.
Je terminerai cet exposé en ajoutant que vous pouvez très
bien mettre plus de trois mouches sur un bas de ligne ordinaire, mais il faut
les rapprocher davantage ; c’est une disposition courante pour les bas de
ligne à ombres.
Le lancer est plus difficile, on s’embrouille, on s’énerve
et on perd son temps. Mais, comme, en pêche, tous les goûts sont discutables,
vous avez le choix du nombre.
Nous examinerons en juin le bas de ligne à mouche sèche ou
flottante ; ce sera d’ailleurs l’époque où cette méthode est fructueuse,
surtout dans le fameux « coup du soir » qui remplit en une demi-heure
un panier qui s’était obstiné, tout le jour, à rester vide.
Marcel LAPOURRÉ.
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