Nous avons dit qu’il était aussi nécessaire de prendre
chaque jour sa ration d’exercice que sa ration de nourriture ; car les
aliments n’entretiennent notre vie qu’en fournissant à nos organes ce qu’ils
ont à dépenser pour fonctionner ; et c’est l’activité physique qui,
essentiellement, règle ce fonctionnement.
Mais les conditions de la vie moderne, celles qu’ont
établies le machinisme et l’organisation sociale, ont considérablement diminué
le travail corporel auquel l’homme était jadis astreint ; la plupart des
inventions ont pour but et pour effet de lui éviter tout effort de ses muscles.
Il s’ensuit que bien des gens perdent vigueur et santé par insuffisance
d’activité physique. Beaucoup, d’ailleurs, s’en rendent compte ; et, s’ils
ne réagissent pas en s’astreignant volontairement à faire de l’exercice, c’est
qu’ils pensent qu’il y faudrait consacrer beaucoup de temps, que c’est inutile
ou dangereux à leur âge, et pour beaucoup d’autres mauvaises raisons.
Si l’on établit physiologiquement la dose d’exercice qui
peut assurer l’équilibre entre nos recettes et dépenses organiques, on constate
qu’elle peut être prise en une demi-heure de gymnastique quotidienne, pourvu
que cette demi-heure soit bien employée, qu’elle soit une séance de mouvement
continu, faisant intervenir, avec une certaine énergie, successivement toutes
nos régions corporelles.
C’est une séance d’exercice méthodique de ce style que nous
avons voulu mettre au point par les trente-cinq mouvements préconisés sous le
nom de gymnastique fondamentale. Notre expérience nous a convaincu que toute
personne qui, après s’y être entraînée progressivement, l’exécutera
régulièrement tous les jours de sa vie, se maintiendra nécessairement
vigoureuse et alerte.
Mais une simple affirmation ne suffit pas à persuader,
surtout quand il s’agit de vaincre cette paresse physique à laquelle on se
laisse si volontiers aller. Pour faire vaillamment face aux forces d’inertie
qui tendent à nous détruire en nous immobilisant, il faut se convaincre que
notre activité voulue peut seule leur résister efficacement. C’est en examinant
dans le détail le résultat de cette activité sur nos divers organes que nous
pourrons acquérir cette conviction ; et, dès lors, en toute logique, nous
deviendrons des pratiquants de l’exercice sauveur.
Sans entrer dans des considérations trop scientifiques, on
peut faire comprendre à toute personne de bon sens et qui consent à réfléchir
que l’activité musculaire règle le travail de tous nos organes et conditionne
l’équilibre de leurs diverses fonctions.
Nous étudierons donc ces multiples effets de l’exercice, en
commençant par ceux qu’il détermine sur le principal intéressé : le
muscle.
À moins d’être athlète professionnel, on n’accorde pas à ce
muscle toute la considération qu’il mérite. On sait bien qu’il nous fait
mouvoir, marcher, exécuter nos gestes ; mais on ne voit aucun intérêt à ce
qu’il remplisse sa tâche énergiquement et abondamment, ce qui est pourtant
nécessaire pour qu’il atteigne son développement normal et assure
convenablement ses importantes et nombreuses fonctions. Il faut savoir
— et ne pas oublier — que la musculature représente, en volume et en
poids, les deux tiers et, parfois, les trois quarts de notre corps. C’est toute
notre chair ; c’est aussi une partie de notre corps hautement vitalisée,
pleine de sang, parcourue d’innombrables nerfs. Par surcroît, c’est le seul
organe qui soit directement sous le contrôle de notre volonté, c’est-à-dire que
nous pouvons, presque à notre fantaisie, le faire agir ou le mettre au repos.
N’est-ce pas une grande erreur que de ne pas bien traiter un tel organe,
d’estimer sans importance qu’il soit plus ou moins développé, plus ou moins
actif ?
Le muscle donne à notre corps sa forme et le maintient en
équilibre. Il est évident que c’est lui surtout qui, par son volume
prépondérant, nous fait occuper dans l’espace plus ou moins de place. Une belle
forme humaine ne peut être réalisée qu’avec une musculature bien développée.
D’autre part, cette forme ne se tient pas toute seule en équilibre. Sa charpente,
constituée par un squelette inerte, aux multiples articulations, s’effondrerait
sur elle-même si les muscles, insérés sur les os, n’en maintenaient, par leurs
tensions élastiques, les divers segments en cohésion. La cessation de toute
action musculaire, la paralysie complète entraîne immédiatement la chute, et
bientôt la mort. Mais aussi l’affaiblissement de certains muscles, la mauvaise
répartition des diverses tensions, qui sont des conséquences forcées de
l’inaction, entraînent les attitudes vicieuses, le déséquilibre des segments
squelettiques, les affaissements et des déformations du corps. On peut donc
affirmer que, si tant de personnes, de l’un et de l’autre sexe, sont si
médiocrement bâties et font injure par leur laideur à la forme harmonieuse dont
la nature nous a dotés, c’est pour n’avoir pas des muscles développés, toniques
et actifs.
Le muscle, auteur et gardien de notre forme corporelle,
voilà un rôle que généralement on ne lui reconnaît pas ; et c’est pour
croire qu’il ne sert qu’aux travaux auxquels la nécessité peut nous contraindre
qu’on le néglige si volontiers, afin de se prouver à soi-même qu’on n’en est
plus à gagner son pain à la sueur de son front.
Mais il n’y a pas que notre structure qui dépende, en grande
partie, de l’activité de nos muscles. Nous verrons que celle-ci a une action
directe et constante sur les échanges nutritifs dont notre vie s’entretient.
Dr RUFFIER.
|