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Beaux et nourrissants gazons

Les gazons ne tiennent plus, aujourd’hui, un rôle exclusivement décoratif. Ils sont davantage que les tapis des jardins, destinés à s’étendre sous le regard et à jouer le rôle de toile de fond faisant valoir les couleurs des fleurs, claires, douces, intenses, violentes, et les silhouettes des plantes.

Depuis qu’il est bien établi et proclamé que l’herbe jeune et tendre est la plus riche en protéines et vitamines pour les volailles comme pour tous les animaux, il en est tenu compte, ce qui est d’une importance primordiale en ces temps de pénurie, alors que le garde-manger des animaux n’est pas mieux approvisionné que celui des humains.

Il n’est donc pas de meilleur parcours nourrissant pour vos poussins, canetons, oisons et autres jeunes volailles ; ni, étant clos, pour les premiers de vos adultes.

Et je n’ai pas besoin de vous rappeler que l’herbe tendre du printemps est meilleure pour l’engraissement du gros bétail et pour l’embouche que l’herbe haute et déjà durcie, infiniment encombrante dans l’appareil digestif parce que surchargée en cellulose.

Ne vous y trompez pas : il ne s’agit pas d’une herbe émaillée de pâquerettes, boutons-d’or et autres fleurettes (encore moins des mauvaises plantes), parce que la note poétique et sentimentale qui s’en dégage ne saurait satisfaire les besoins énumérés.

Il s’ajoute à cela que le gazonnement des plantations fruitières, même intensives et d’un gros rapport, est souhaitable, et que nombre de grands vergers américains et canadiens sont gazonnés au même titre que les gras herbages des pommeraies de Normandie et de la Thiérache sont en herbe. Mais cette herbe, au lieu d’être pâturée, est fauchée, laissée sur place comme de la matière humique, fournissant sa part d’azote et d’humus au sol : quelque chose comme cette couche d’humus, de terreau de feuilles qui se forme dans les sous-bois et qui, dans les sols sablonneux, devient de la terre de bruyère.

Mais, dans les régions sèches et chaudes, ce revêtement de gazon est moins souhaitable que partout ailleurs, car le gazon prélève sa part d’eau du sol au détriment des arbres — lorsque le sol n’est pas irrigué, bien entendu.

Pour constituer de tels gazons, préparez le sol dès l’hiver. Si celui-ci est sale, il peut être préférable que vous fassiez d’abord une culture sarclée, des pommes de terre par exemple, dans une partie. S’il s’agit de mauvaises herbes annuelles, celles-ci disparaîtront avec les premières coupes du gazon, et il vous sera facile d’extirper les quelques plantes adventices vivaces.

Retournez donc le sol à grosses mottes au cours de l’hiver, en enlevant pendant le travail les touffes ou racines de ces mauvaises plantes. Faites-vous accompagner de quelques poules ou canards, ils se repaîtront pour leur profit des insectes, larves, vers terrés, autant de vermine en moins dont ils feront leurs choux gras. Si vous n’avez pu retourner le sol l’hiver dernier, procédez-y maintenant.

Pluies, chutes de neige, gels, dégels mûriront, façonneront partiellement cette terre, et vous n’aurez plus qu’à achever le travail naturel et parfaire l’ameublissement quand viendront avril et mai.

Si vous disposez de fumier ou de compost, incorporez-le au cours de labour. Sinon, étendez, au moment de préparer le sol pour le semis, du terreau, qui se trouvera mélangé à la surface du sol lorsque vous façonnerez celui-ci avec la fourche à dents recourbées et que vous passerez le râteau.

D’ores et déjà, préoccupez-vous des graines de graminées que vous sèmerez et dont le choix comme le mélange varient avec la situation et la nature du sol.

Terrain mi-ombragé : Pâturin compressé, Agrostis vulgaire, Agrostis ténu, Fétuque des bois, Brome des bois ; à peu près par parties égales.

Terrain découvert, humide et froid : Pâturin des prés, Pâturin commun, Vulpin des prés, Crételle des prés, Dactyle pelotonné. Proportions de semences : un quart du premier, par parties égales des autres.

Terrain sablonneux et sec : Agrostis traçant, Crételle des prés, Fétuque ovine, Fétuque à feuilles menues, Ray-grass d’Italie ; par parties égales.

Terres franches et terres de jardins : Crételle des prés, Fétuque à feuilles menues, Pâturin des prés, Ray-grass. Les deux premières sortes, qui s’installent lentement, assurent un bon gazon de fond. Le Ray-grass donne d’abord. Associez-les par parties égales. Plus tard, le Ray-grass cède graduellement la place aux premières graminées, qui tallent alors amplement.

Terres sèches et ensoleillées : Fétuque dure, Fétuque à feuilles menues, Fétuque hétérophylle, Pâturin des prés, Ray-grass ; par parties égales.

Ajoutez quelques graines de petit trèfle blanc aux mélanges 2 à 5. Il tient remarquablement, s’il fait sec, et il constitue un test : alors qu’il disparaît dans les sols acides, il tient dans tous les autres. Cela vous indique automatiquement qu’il faut épandre des scories de déphosphoration ou du calcaire moulu dans les premiers.

Prévoyez environ 1 kilogramme de semences de gazon à l’are. Si vous voulez réaliser vite, vous pouvez aller graduellement jusqu’à doubler la dose et obtenir un gazon dru tout de suite, mais à condition de l’arroser et de le faucher constamment. Le semis sur la base de 1 kilogramme vous fournit un gazon qui talle mieux et est plus résistant. Nous le sèmerons en temps utile.

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 76